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LIVRE CINQUANTE ET
UNIEl\1E.
notamment en obtint un lres-imporlant, en se
gardant hien d'avoucr le motif qu'il avait de le
sollicitcr. On avait inséré textuellcment dans le
rapport les dcux lellrcs du 1
ü
novembrc et du
2 décembre, et
il
craignait que le public, plus
avisé que la commission, ne finit par clécouvrir
Ja vraie faute, celle de l'acceptatio n trop tardirc
des bases de Francfort.
11
donna pour rnison
qu'on ne pouvait pas publier sans inconvcnancc
les pieces. d'unc négociation
a
peine commcncée.
La citation tcxluelle de ces picces fut done sup–
primée. Enfin, l'archichancclicr obtint que lout
ce qui était relatif aux gricís eontre Je gouvcrnc–
ment intéricur fut réduit
~t
queJqucs phrases
exccssivement modérées. En
c1fot,
aprcs avoir
parlé de
Ja
déclnration
a
faire aux puissanccs, des
mesures de défcnse
a
prendre si cette déclnration
n'élait pas écoutée, le rnpport ajoutait:
«
C'cst,
1(
d'apres nos instilulions, au gouverncment
a
11
proposcr les moycns qu'il croira les plus
«
prompts et les plus
stll'S
pour repousser l'en-
1<
nemi, et asscoir la paix sur des bases durables.
11
Ces moycns scront cfficaccs si les Fran<;ais sont
«
persuadés que le gouvcrncmcnt n'aspirc plus
" qu'a la gloirc de la paix ; ils le seron t si les
" Fran¡;ais sont convaincus que leur snng ne sera
«
versé que pour défcndrc une patrie et des
«
lois protectrices... II parait done inclispcnsablc
lt
a
votre commission qu'en mcme temps que le
u
gouvcrnement proposcra les mesures les plus
1<
promplcs pour la súreté de l'É lat, Sa l\Iajesté
" soit suppliée de maintenir l'cnliere et con–
" stantc exécution des lois qui garantissent aux
". Frarn;ais les droits de la liberté, de Ja súrcté,
" de
Ja
propriété, et a la nation
le
libre exercicc
11
de ses droits politiqucs. Celte garan tic a paru
" a
votre commission le plus effica ce moycn de
11
rendre aux Frarn;ais l'éncrgie néccssaire
11
leur
(( proprc défcnsc, cte...
n
Malgré !'extreme modération de ces passnges,
l'archicbancclicr lenta de nouveaux clfort.s pour
en obtenir Ja supprcssion.
l\J.
de Caulaincourt
joignit ses cfforls aux siens, mais on ne put dé–
cider des gens indignés contre le régime intérieur
du pays
a
s'nbstenir d'unc manifestaLion aussi
mesurée, l'occasion qui s'offrait de la faire étant
peut-ctrc la sculc qu'ils fusscnt fondés
a
espérer,
car
il
n'était pas probable que le gouvcrnement
qui s'adrcssait aujourd'hui
a
cux parce qu'il était
vajncu, songcat cncore
a
les consulter quand il
serait vainqueur. C'était la leur légitimc excuse
pour une manifcslation tlont l'inopportunilé était
la faute de ccux qui ne lcur avnicnt fourni que
celte occnsion de dirc ce qu'ils sentaicnt, et .qui
ne lcur en laissaient guerc enlrevoir une autre.
On lcur disait bien,
a
la vérité, qu'on les écoutc·–
rnit une autre fois sur ce sujet; ilsn'cn croyaient
ríen, et avaicnt raison de n'en rien croire.
Le lcndemain 29 décembre, le Corps législatif
étant assemblé en comité sccrct, M•·Lainé lut son
rnpport, qui fut écouté avec une religicusc attcn–
tion, et univcrsellement approuvé. M. Lainé
l'avait terminé pnr Je conseil de rédigcr une
adrcsse
a
l'Empcreur corn;ue dans le mcme es–
prit. On tlécida,
a
Ja majorité de 225 suífrnges
sur 254, que le rapport de la commission serait
imprimé pour les membrcs seuls du Corps légis–
latir, afin qu'ils pusscnt le rnéditcr, et voter sur
Je projct d'adresse en connaissance de cause. Des
cet inslant, Ja publicité des paroles de M. Lainé
élait nssuréc, surtout
a
l'étranger, ou il aurait
fallu qu'ellcs rcstasscnt inconnues.
Elles furent mises immédiatemcnt sous les yeux
de Napoléon, qui fut profondémcnt courroucé en
les lisant, et s'écria qu'on l'outrageait nu momcnt
mcme ou il avait besoin d'etre énergiquement
soulcnu. 11 assembla sur-le-clrnmp un conseil de
go uverncment, auquel furent appelés les mi –
nistres et les grands dignitaires.
11
leur soumit,
avec le ton et l'attitudc d'un homme dont le
parti était arrcté d'avance, la qucstion de savoir
s'il fallait sou:ífrir que le Corps
législal.ifdemeurat
réuni.
JI
signala non-seulcmcnt Je danger de
laisscr publicr un rapport
tcl
que celui de
lU. Lainé, mais le danger plus grand encorc
d'avoir pres de soi une assemblée qui dans une
conjoncture grave,
it
l'approchc de l'ennemi, par
cxemplc, se permettrait pcut-ctre une manifes–
tation facLicusc ou imprudente, et dans tous les
cas funcste : prévoyance désolante et profondc,
par laquelle il semblait que Nnpoléon, pcr¡;ant
dans l'avcnir, lut déja sa propre bistoire dans Je
livre du destin, mais prévoyance tardivc et désor–
mais incapablc de créer le remede! Qucl moycn,
en eífet., de faire que ce rapport n'cut pas existé,
n'eót pas été Ju dcvant quelques eentaincs d'au–
diteurs? Quel moycn d'empccher que le Corps
législatif, dissous ou ajourné, ne reslat
a
París,
prct
a se réunir spontanément pour se portcr aux
démarches les plus dangereuscs? Combien de
corps ont été dissous, et qu'on a retrouvés
a
l'in–
stan t supremc plus redoutables que s'ils étaicnt
demcurés régulicremcnt asscmblés? Quoi qu'il
en soit, Napoléon demanda
a
tous les assistants
s'il ne fallait pas sur-le-champ ajourner le Corps
législatif, prcmicrement pour cmpecher qu'il ne