L'INVASlON. -
DÉCE!ll1lirn
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Aussí, des serviteurs éclairés do gouvernement,
sent.ant bien que qucl'ques satisfactions person–
nellcs ne conveoaient plus a la circonstance,
avaient dit qu'on devait surtout empechcr le duc
de Rovigo d'intervcnir dans les affaircs du Corps
Jégislatif. Parmi eux, nolammcnt,
1\1.
de Sémon–
ville, enncmi du duc de Rovigo qu'il aspirait
a
remplacer,avait fait parvenir
p~r
l\I.
de Dassano,
son ami, ce conseil
a
Napoléon, et Napoléon, a
qui la franchise du duc de Rovigo avait déplu,
s'était halé de lui dirc qu'il devait rcnoncer
a
se
meler de ce qui se passait clans l'intéricur des
grands corps de l'État.
Il était vrai que les pelits moycus 11e suffi–
saient plus devan t le sentiment Lrop longtemps
comprimé de la France désolée. l\lais
a
défaut de
ces moycns la persuasion hoonele, qui done au–
rait été capable de l'employer? Les habites gens
qui trouvaient trop vulgaire l'habileté du duc de
Ilovigo, quelle ressourceavaient-ilsa offrir?Hélas!
aucune, car il n'y a pas d'habilelé qui puissc
prévaloir contrc des vérités doulourcuscs, pro–
fondément et univcrsellement senties. Toutef'ois,
un président ayant du savoir-fairc, l'habitudc
de manier les hommcs, et jouissant de la con–
fiance de ses collegues, aurait pu cxcrccr sur eux
quelque influence, et lcur fairc com prcndrc que
tout en ayaot raison d'élrc indigoés pour le
passé, ils dcvaicnt pour le préscnt s'unir forlcmcnt
au gouvemcmcnt., afin de repousscr l'étrangcr
par un e!Tort patriotir¡uc et décisif. l\fais, pour
dédornmagcr le duc de l\Iassa, privé ele son por–
tefeuille au profit Je l\I. l\lolé, on venait d'ótcr
au Corps législatif toutc participation au choix
de son présidcnt, et on luí avait imposé le duc
<le .1-"lassa lui-meme, savant et honorable ma–
gistrat, digne de tous les rcspects, mais devenu
infirme, ne connaissant aucun des membrcs du
Corps législatif, n'étaut connu d'aucun d'cux, et
leur déplaisant parce que sa préscnce seule était
un dcrnicr cxcmple des volontés capricieuses
<l'un dcspotisme auquel on rcprochait d'avoir
pcrdu la France.
Ce présidcnt ne pouvait done rien pour sur–
montcr les difficultés de la situation, pour foirc
sentir qu'au-dcssus du droit de se plaindrc
il
y
avait le dcvoir de s'unir contrc les ennemis de la
France. Si des ministres formes et convaincus
avaient pu se pr·éscnler
a
la tribune pour
y
por–
ter avcc dignité les aveux néccssaircs, pour y
demandcr
a
tous les _ressentimenls de se taire et
<le faire place au patriotismc, il aurait été possi–
ble de se passcr des moycns détournés qui
s'adrcssent achaque homme en pa,rticulier, mais
dans la constitu lion du Corps législatif tou t le
monde était muct, le pouvoir commc l'assemblée
cllc-memc. Un oratcur du gouvcrnement, per–
sonnagc seconclaire et sans rcsponsabilité, vcnait
débiter une haranguc convenuc, devant des lé–
gislateurs qui répondaicnt par une harangue du
meme genre, les uns et les autrcs n'accomplis–
sant qu'unc vainc formalité dépourvue d'intéret.
JI
n'y avait lit aucun moycn de soulagcr le sen–
timcnt public, de par\er
a
la nation , de luí tracer
ses dcvoirs, et de s'cn fairc écouter et croire.
Ou dira peut-elrc qu' unc assemblée
libre~
au
licu de secours, aurnit apporté des cntraves: on
va voil', par ce qui arriva, si une assernbléc libre
aurait pu etre plus nuisible que ce Corps légis–
Jatif asscrvi et avili !
On était done réuni
a
Paris, le creur gros de
chagri11s, d'alarmes, de sentiments amers de
tout gcme, qui auraicnt eu besoin de se faire
jour, et qui n'cn avaient pas la possibilité, lors–
que Napoléon ouvrit le Corps législatif en pcr–
sonnc, le
1
!)
décembrc. Au milieu d'un silence
glacial, il lut le discours suivant, simplement,
noblement écrit, commc tout ce qui émanait di–
rcclcmcnt de lui.
" Sénatcurs, conseillcrs d'Élat, députés au
" Corps législatif,
" D'éclatantcs vict.oÍl'cs ont illustré les armes
" frani;aiscs dans cclte campagne; des défeetions
" sans excmplc ont rendu ces vicloircs inutilcs:
" tout a tourné contrc nous. La Frunce memc
" scrait en danger sans l'énergic et l'union des
" Frarn;ais.
<
Dans ces grandes circonstanccs) ma pre–
" mierc penséc a été de vous appelcr pres de
" moi. l\lon cccur a bcsoin de In préscnce et de
" l'aJTcction de mes sujets.
" Je n'ai jamais été séduit par la prospérité.
" L'adversité me trouverait' ai_1-dcssus de ses al-
" !cintes.
f;
«
J'ai plusicurs fois donné Ja paix aux nations
" lorsqu'clles avaient tout perdu. D'unc part de
" mes conquetcs j'ai élevé des tróncs pour des
" rois qui m'ont abandonné.
<<
J'avais coni;u el cxécuté de grands dcsseins
" pour la prospérité et le bonhcur du monde!. ..
" l\Ionarquc et pcrc, jc scns ce que la paix ajoute
{(
a la séeurité des tróncs et
a
cellc des
famille~.
" Des négociations sont cntamécs avcc les puis–
" sanees coalisécs..J'ai adliéré aux bases préli–
" mi naires qu'elles out présentées. J'avais done