Table of Contents Table of Contents
Previous Page  356 / 616 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 356 / 616 Next Page
Page Background

546

LIVHE CINQUANTE ET UNIEnIE.

préparatifs, _il avait, en oulre, des mesures politi–

ques

a

prendrc poor fa irc oncourir les moycns

moraux avcc les moycns matéricls. Apr cs avoü·

laissé oisifs

a

Paris les mcmLrcs du Corps légis–

lalif, il avait enfin résolu de les réunir, et il

voulait s'cn servir pour réveiller l'opinion publi–

qu~,

pour la ramener

a

lui, et, s'il ne le pouvait

pas, pour la forccr au moins de se préoccupce

des périls de la Fraucc, menacée en ce mo1t1cnt

d'un affrcux désaslrc.

II arl'ivait en ccttc occasion ce qui c:.t arri\'é

bien <les foi s, ce qui arrivera bien des fois cn–

core, c'cst que l'opinion qu'on a voulu compri111cr

n'cn dcviont que plus vive et plus intempestivo

dans ses manif'estations. Pour n'avoir pas voulu

en pcrmctLrc l'cxpression lorsquc cctlc cxprcs–

sion élait sans dangcr , et pouvait rncmc Ctrc

utílc, on est obligé d'en so uffrír la rnanifeslaLiou

a

contre-tcmps et dans un morncn t ou, au licu

de critiques,

il

faudrait le plus absolu dévouc–

ment. Un aulrc inconvéuicnt de ces cxplosion ·

lardives, c'cst que les uus ue sa \'Cnt pas dirc Ja

vérité, les autrcs l'cntcuck c, et qu'au licu d'clrc

un sccours, ccttc vérilé clevicnl un péril, au li cu

d'uu avis une mcnace

!

Les

mcmb!'es du Corps législatif, transportés

a

Paris,

y

élnicnt venus le creur plcin <les scnti–

mcnls de lcurs provinccs désolécs p:.ir la con–

scriptiou, par les réq uisitions, par les mesures

arhitraires des préfels, lcsqucls tanlót étalJlis–

saicnt des impóts

[1

volonlé, lanlót frnppaicnt

d'exil le pcrc riche qui r cfu sait son fils aux gardcs

d'honneur, ou ruinaien t par des garnisaires le

eultivateur pauvre qui avaít caché le sien dans

les bois. A ces douleurs trcs-réellcs, qui n'étaicnt

ni une invention, ni une arme de !'esprit el e

parli, s'éLaicnt ajoutées les notions cxagérécs, si

cilcs avaient pu l'ctrc, de ce qui se passait dans

nos armécs, notions r ecucillics de lous les eótés,

et quelqucfois mcmc auprcs des mcmbrcs cl u

gouverncmcnt. On r acontait partout, sans aclou–

cir les couleurs, les malhcurs de la dcrnicrc

campagne, les souffrances de nos soldals laissés

rnourants sur les roules de

la

Saxe et de la

Franconic, les aífreux ravagcs du typhus sur le

Rhin, les calamités non moins horribles de la

guerrc d'Espagnc. Le sentimcnt de ces maux

s'était aggravé en apprenant combicn

il

eút éLé

faci lc de les évilcr. llicn que le public ne sut pas

qu'un jour,

a

Prnguc, on avait pu obtcnir la

plus bolle paix, et que par une coupablc obsli–

nation on en avait laissé passer le moment (ce

qui était le sccrct de Napoléon et de

1'1.

de Bas-

sano, intéressés

a

ne pas s'en vanter, et de M. de

Caulaineourt, sujet tro p fidele pour Je- <livulguer),

chacun· était persuadé que si la paix n'était pas

conclue, c'était la faute de Napoléon, que tou–

jours les alliés avaicnt voulu

la

faire avcc lui,

que c'était luí qui n'avait jamais voulu la foire

avcc cux, et maintcnaut que le contraire deve–

nait vrai, maiatenant que l'Eui·ope, enha1·dic par

ses suecos, apres avoir vainement désiré

Ja

paix,

ne Ja voulait plus, et que Napoléon en la désirant

était dans l'impossibilité de l'obtcnir, l'opinion

puuli<1uc, ne <listinguant pas entre une époque

et l'autrc, l'accusait d'un lort qu'il avait eu et

qu'il n'avait plus, l'accusait quand il aurail fallu

Je soutcnir : triste et fatal cxcmplc de la vérité

trop lougtemps cachée

!

l\licux vaut, nous le

répétons, en donncr connaissance aux peuples

a

l'instan t mémc, car ils r c<;oivcnt alors en leur

tcmps les imprcssions qu'elle cst destinée

a

pro–

<luire, et n'éprouvent pas dans un mornent les

sentiments qu'ils auraient dú éprouvcr daus un

autrc.

11

cut fallu ctre indigné six mois plus tót,

et auj ourJ'Jrni se tairc et apporter son appui

!

C'cst le conlrairc qu'on faisait. Ajoulez que, la

bassessc du coour humaiu aidant, lcl qui s'élait

monlré des plus soumis, et des plus émerveillés

des gr andc urs du rcgnc, maintenant que le pres–

tigc eommcn9ait

a

s'évanouir, était des moins

réscrvés daos le dénigrcrncnt

!

Un mois passé

a

París dans l'oisivcté, les mau–

vais propos, les fach euscs excilations, n'avaicnt

pas dú calmer les membres du Corps législatif.

Chaeun , dans le gouverncmcnt, avait pu s'aper–

ccvoir de lcurs dispositions et en élait inquict.

l\Iais les changcr n'était pas facile. Ce gouvern·e–

mcnt, si h abitué

a

manier des soldats, montrait,

quand

il

s'agissait de manier des hommes, toutc

la gauchcrie et la rudcssc du dcspotismc. Ou

avait toujours laissé au duc de Rovigo, comme

oouvrc de policc,

le

soin d'influcncer tanlót les

mcmbres du Corps législatif, tanlót ceux du

clcrgé , ainsi qu'on l'a vait vu

a

l'époque du con–

cilc. Dcvincr les bcsoins de famülc de l'un, les

b csoins de clientelc de l'autre, y satisfoire oú

par des places, ou par d'autres moyens moins

arouablcs, était un soin dont le duc de Rovigo

s'acquitlait avec une fa cilité sans scrupule, une

bonhomie toutc soldatcsque, et qui suffisaient

alors

a

l'indépendance des caracteres. l\Iais si on

réussit ainsi aupres de quclqucs individus, avcc

le grand nombre il faut hcurcusemcntdesmoycns

plus nobles, et il Je faut d'aulant plus, que

Ja

cause de l'ag ilation des csprils est plus grave.