L'lNVASlON. -
DÉCElllBl\E
1315.
raisonncment l'occupation du Tessin, le litre de
MÉDIATEUR
pris par Napoléon, les régiments au
service de France qui récemment venaient de
recevoir des recrues, et enfin un événement fort
inaper~u,
l'cmprunt du tcrritoire suissc que la
division Boudet avait foit en
1815
pour se trans–
portcr en Allemagnc. On ne s'cxpliquait pas, du
reste, sur ce que feraient les armées coalisécs en
conséqucnce de ces précédents, et on se bornait
a
établir ses litres sans déclarcr cncore qu'on en
userait. Sous main on insinuait aux Grisons, aux
pclits canlons, aux Bernois, qu'il fallait se sou–
Iever et renverser la diele, que dans ce cas les
arrnées alliées enlreraicnt en Suissc, et Icur rcn–
draicnt, en passant, la Valleline, les bailliages ita–
licns, le Valais, le pays de Vaud, le Porentruy, ele.
Les raisons alléguées par la diplomatie des coa–
Iisés n'avaient pas grande valeur ; car le Tcssin
élait évacué, et son occupatiou n'avait été, au
surplus, qu'une représaille insignifiante pour des
faits .patents de contrebande; le titre de média–
teurn'était qu'un acte de gratitude de la part des
Suisses, n'entrainant aucune dépcndance envers
la France; l'admission enfin des régimcnts capi–
tulés au service de diverscs puissances n'avait été
prisc
a
aucune époquc pour une violation de la
ncutralité. Mais, dans ce vaste conflit européen,
le droit n'était plus qu'un vain mot, et le
19
dé–
cembrc, tout en répétant
a
l'cmpcrcur Alcxandrc
qu'on n'entrerait pas en Suisse sans y ctre ap–
pclé, le princc de Schwarzcnbcrg s'approcha du
pont de Bale, et prit position en face des troupes
du général suissc de Wattcvillc. Le généralis–
simc aulriehien comptait
a
tout rnoment sur une
insurrection
a
Berne,
a
la
suite de laquelle la
diete étant renverséc, et une autorité nouvellc
proclamée, il pourrait se dit·e appclé par les
Suisscs eux-mcmcs. Néanmoins, fatigué d'at–
tcndre, le prince de Schwarzcnberg se mit en
mesure, le 21 déccmbrc, de franchir le pont <le
Bale, et le commandant des troupes suisses,
qui regardait comme impo:;sible de résisler a
l'Europe armée, excusant sa faiblessc par son
impuissance,
fit
un simulacrc de protcstation,
puis livra le passagc sans coup férir. A cclte nou–
vclle, le mouvemcnt si impatiemmcnt désiré
a
Bernc éclata, et la dicte, qui étaiL légitimcmcnt
établie en vcrtu d' unc constitution cxccllente
justifiée par douzc annécs d'unc pratique heu–
reuse et tranquillc, la diete fut déclarée déchuc.
Des mouvements parcils éclatercnt daos plu–
sieurs cantons, et on se prévalut de ces mouvc–
mcnts, qu'on avait produíts au lieu de les at-
tendre, pour opércr une víolation flagrante du
droit des gens. Du reste, les coalisés fircnt une
déclaration dans Iaqucllc ils
annon~aicnt
qu'ifs
respccteraient invariablcment Ja nculralité suissc
a
l'avcnÍI',
e'est-~-dirc
lorsqu'ils u'auraicnt plus
bcsoin de Ja violer, et qu'au conLraire ils au–
raicnt besoin qu'elle füt respectéc.
L'empcrcu1· Alexandre qu'on avait trompé, et
qui sut quclqucs jours plus tard que les mouvc–
mcnts dont on s'autorisait, au licu de précédcr
l'invasion, l'avaicnt suivic, fut
a
la fois blessé et
irrité au plus haut point. Mais il ne pouvait
guere se plaind1·c, car l'Autrichc lui avait rcndu
en cetLe occasion ce qu'il avait fait plus d'une
fois, notamment dans !'affaire des Suédois contre
les Danois. D'aillcurs,
il
cut été cncore plus
fü–
chcux de romprc que d'ctre trompé, et il se con–
tenta de se plaiudre amercment, de fairc dire
aux Vaudois et
a
tous les pnys sujcts d'ctre tran–
quilles, et qu'il ne permettrait pas qu'on les
rcmit sous l'ancien joug. Les armées alliées mar–
chcrcnt done et inonderent bientót la Suisse et
la Franchc-Cornté. Les Bavarois se dirigercnt
sur Iléfort, les Autrichiens sur Bcrne et Gencve,
pour se portcr, en travcrsant le Jura, sur Bcsan–
~on
et Dólc. Bluchcr, vcrs Mayencc, aLtcndait
que les Autrichiens eussent acltevé le long tlé–
tour qu'ils avaicnt cntrepris, pour franchir lui–
mcme le Rhin. Ainsí, le
21
décembre
1815,
jour de funcste rnémoirc, apres plus de vingt ans
de triomphes inou'is, l'cmpirc, par un terrible
revircment de la fortune, se trouvait envahi
a
son tour, et la Francc, qui, loin d'étrc le cou–
pablc, avait étc le patient, la Francc, apres avoir
crucllcmcnt souífcrt de la faute, allait cruclle–
ment souffrír de l'expiation, destinée ainsi
a
ctrc
dcux fois victime, victime de l'hommc extraor–
dinairc qui l'avait glorieuscmcnt mais durcmcnt
gouvcrnée, victime des souverains qui vcnaicnt
se vcngcr de lui
!
Craignant par-dcssus tout le soulcvemcnt de
Ja population, les coalisés en entrant en Francc
mircnt un soin extreme
a
rassurcr les esprits.
Déja, par une déclaraLion publiéc
a
Francfort le
1cr
décembrc,
ils
s'étaient cfforcés de prouver
qn'ils n'cn voulaicnt pas
a
la grandeur de la
Francc. Le princc de Schwarzcnbcrg
fit
pré–
céder les troupes de In coaliLion de la proclama–
tion suivante :
u
Franc¡ais !
«
La victoirc a concluit les armécs alliées sur
votre frontiere; elles vont la franchir.