L'INVASíON. -
DÉCEMllRE
18-15 .
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Jura , ou , complant sur la neutraliLé suisse, elle
n'avait jamais songé
a
élcver des défcnses . Il
fallait done se portera Balc,iy passer Je Uhin , qui
ne gele point en cet endroit, traverser la Suisse
qui invoquait sa délivrance
a
grands cris, et
prendre ainsi Ja France
a
revers, ce qui procu–
rcrait plusieurs avantages , celui de la séparer de
l'Italie, de
la
priver des secours qu'elle en pour–
rait r ecevoir si Napoléon rappelait le prince Eu–
gene, et en meme temps d'isoler tellcment ce
prince, qu'iJ succombcrait par le fait seul de son
isolemen
t.
On devine saos doute les motifs qui , outre Ja
valeur r éelle de ce plan, lui attiraient les préfé–
rences de l'Autriche. Elle voulait pénétrc1· en
Suisse, y rétablir son influ ence, et priver non
pas la France des secours de l'llalie, mais l'ltalie
des secours de Ja France. La Suisse était elfecti–
vement daos un éLat de fcrmentation extraordi–
nairc, et disposée
a
se comporter comme la IIol–
lande, avec cclle différ ence, néanmoins, qu'il y
avait chez elle un parti frarn;ais tres-fort, rcpo–
sant sur des intérets tres-récls et trcs-Jégitimes .
Les cantons autrefois dominateurs, et c'étaient
les cantons démocratiques aussi bien que les
cantons aristocratiques , car l'ambilion n'es t pas
plus inhérente
a
un principc qu'a l'auL1·e, se fl at–
taient de recouvrer les pays sujets. Les pelits
cantons aspiraient
a
posséder , comme jadis, les
bailliages italiens,Ja Valteline etJeValais; Beroe
aspirait
a
posséder Je pays de Vaud , l'Argovie,
le Porentruy ; les famiJJes arislocraLiques revaient
leur prédominance d'autrefois sur les classes
moyennes. Au contraire, les pays jadis sujets,
les classes jadis opprimées ne voulaient
l1
aucun
prix rentrer sous leurs anciens maitres : tristes
divisions que Napoléon avait fait cesser par l'acte
de médiation. l\falheurcusement ce bel acte,
digne du temps oú il concluait le Concord at, la
paix d'Amiens, la paix de Lunéville , ava it été
bientót gaté, comme tous ]es autres, par son génie
envahissant. Il avait rempli Ja Suisse ele ses doua–
niers et meme de ses soldats. Il occupait le Tcssin
par un clétachement de l'armée d'ltalic, ce qui
était un argument fort spécicux contre la ncutra–
lité suisse. De plus, en bloquant étroilement la
Suisse pour y empecher la fraude commer cialc,
il
avait, dans certains cantons manufacturiers,
fait descendre le prix de la journée de
1
!)
sous
a
!)
sous , et rendu JaSuisse presqueaussi misérable
que la Hollande. Pourtant ces maux n'avaient pu
faire oublier aux pays aITranchis l'intéret de leur
ind épendance, et s'il y avait un pHrLi de l'ancieu
r égime qui
demanda.itl'invasion étrangcre, il
y
avait un parti du nouveau q ui s'y opposait de
loutes ses fo rces . La Suisse était en ce moment la
seule contrée ou Na pol éon n'eut pas en tierement
dégouté les peuples de l'influence
fran~aise
et des
príncipes de notre révolu tion. La luttc était done
vive et opiniutre entre les deux partís. Les par–
Lisans de l'ancien régime pressaien t l'Autrichc
d'entrer ehez cux, et elle ne demandait pas mieux
que de les salisfaire, et d'adopter une marche
qui devait lui rendre Ja Su isse en y r établissant
l'iníluence aristocratique, l'llali c en Í'isolant.
Les Prussiens et les Russes reprochaicnt
a
ce
plan d'ctre dicté par un intéret particulicr
a
l'Autri che, .d'éloigner la coalition de sa route
la
plus dirccte vers Paris, de l'exposer
a
un long
détour pour allcr gagner Bale, rl'entrai ner enfin
une lrop grande division des masses agissantes,
car on ne pourrait pas s'empccher d'avoir une
armée dans les Pays-Bas, des lors un e armée inter–
médiaiee vers Cobl cntz ou Mayencc, ce qui devait
faire trois armées avec celle qui eotrerait par
le
Jura, et permettrait
a
Napoléon sa manmuvre
favoritc de battrc un enncm.i apres l'autrc.
Les Anglais, qui inclinaicnt généralement vers
les Aulrichiens
conl.reles Prussiens et les Russes,
qui étaicnt déja offusqu és de l'empire pris par
Alexandre, qui avaient spécialemcnt bcsoin de
l'influencc de l'Autrichc pour constituer le
royaumc des Pays-Bas , et tenaient d'ailleurs
bea ucoup
a
soustraire la Suisse
a
l'influence frao–
~a i
e, se montraient fa vorables au plan d u prince
de Schwarzenberg. L'empereur Alexandre au
contraire le repoussait, et par plusieurs raisons.
Bien qu'on s'accablat
a
Francfort de protestations
de fid éli té et de dévoucment par crainte de voir
Ja coali tion se dissoudre, bien qu'A lcxandrc y
aj outat une coquetterie de manieres qui , d'inno–
cente qu'elle avait été
da.nssa jeunesse, devenail
astu cieuse avec l'age, on avait souvent failli rom–
pl'e, et notamment daos une affaire récent.e,
cclle de Bern a<loltc, que les An glais accusaient
de négliger tout
a
fait
la
Hollandc, que les Autri–
chiens accusaient de violenter le Dnnemark, et
que les Russes , en paraissant le désavouer ,
avaient secretemcnt encour·agé. Alexandre, pris
en flagrant délit de duplí cité, éprouvait de l'hu–
meur; il s'en prenait surtout au x Autrichiens
qui, dans cctte occasion , avaient dévoilé ses se–
cretes menées . De plus, tou t en fl attant, dans le
sein de la coalilion , le parti ardent qui voulait
délruire jusqu'a In derniere les oouvres de la Ré–
volution fran c;a isc, il fl attait en meme temps les
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