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L'INVASíON. -

DÉCEMllRE

18-15 .

359

Jura , ou , complant sur la neutraliLé suisse, elle

n'avait jamais songé

a

élcver des défcnses . Il

fallait done se portera Balc,iy passer Je Uhin , qui

ne gele point en cet endroit, traverser la Suisse

qui invoquait sa délivrance

a

grands cris, et

prendre ainsi Ja France

a

revers, ce qui procu–

rcrait plusieurs avantages , celui de la séparer de

l'Italie, de

la

priver des secours qu'elle en pour–

rait r ecevoir si Napoléon rappelait le prince Eu–

gene, et en meme temps d'isoler tellcment ce

prince, qu'iJ succombcrait par le fait seul de son

isolemen

t.

On devine saos doute les motifs qui , outre Ja

valeur r éelle de ce plan, lui attiraient les préfé–

rences de l'Autriche. Elle voulait pénétrc1· en

Suisse, y rétablir son influ ence, et priver non

pas la France des secours de l'llalie, mais l'ltalie

des secours de Ja France. La Suisse était elfecti–

vement daos un éLat de fcrmentation extraordi–

nairc, et disposée

a

se comporter comme la IIol–

lande, avec cclle différ ence, néanmoins, qu'il y

avait chez elle un parti frarn;ais tres-fort, rcpo–

sant sur des intérets tres-récls et trcs-Jégitimes .

Les cantons autrefois dominateurs, et c'étaient

les cantons démocratiques aussi bien que les

cantons aristocratiques , car l'ambilion n'es t pas

plus inhérente

a

un principc qu'a l'auL1·e, se fl at–

taient de recouvrer les pays sujets. Les pelits

cantons aspiraient

a

posséder , comme jadis, les

bailliages italiens,Ja Valteline etJeValais; Beroe

aspirait

a

posséder Je pays de Vaud , l'Argovie,

le Porentruy ; les famiJJes arislocraLiques revaient

leur prédominance d'autrefois sur les classes

moyennes. Au contraire, les pays jadis sujets,

les classes jadis opprimées ne voulaient

l1

aucun

prix rentrer sous leurs anciens maitres : tristes

divisions que Napoléon avait fait cesser par l'acte

de médiation. l\falheurcusement ce bel acte,

digne du temps oú il concluait le Concord at, la

paix d'Amiens, la paix de Lunéville , ava it été

bientót gaté, comme tous ]es autres, par son génie

envahissant. Il avait rempli Ja Suisse ele ses doua–

niers et meme de ses soldats. Il occupait le Tcssin

par un clétachement de l'armée d'ltalic, ce qui

était un argument fort spécicux contre la ncutra–

lité suisse. De plus, en bloquant étroilement la

Suisse pour y empecher la fraude commer cialc,

il

avait, dans certains cantons manufacturiers,

fait descendre le prix de la journée de

1

!)

sous

a

!)

sous , et rendu JaSuisse presqueaussi misérable

que la Hollande. Pourtant ces maux n'avaient pu

faire oublier aux pays aITranchis l'intéret de leur

ind épendance, et s'il y avait un pHrLi de l'ancieu

r égime qui

demanda.it

l'invasion étrangcre, il

y

avait un parti du nouveau q ui s'y opposait de

loutes ses fo rces . La Suisse était en ce moment la

seule contrée ou Na pol éon n'eut pas en tierement

dégouté les peuples de l'influence

fran~aise

et des

príncipes de notre révolu tion. La luttc était done

vive et opiniutre entre les deux partís. Les par–

Lisans de l'ancien régime pressaien t l'Autrichc

d'entrer ehez cux, et elle ne demandait pas mieux

que de les salisfaire, et d'adopter une marche

qui devait lui rendre Ja Su isse en y r établissant

l'iníluence aristocratique, l'llali c en Í'isolant.

Les Prussiens et les Russes reprochaicnt

a

ce

plan d'ctre dicté par un intéret particulicr

a

l'Autri che, .d'éloigner la coalition de sa route

la

plus dirccte vers Paris, de l'exposer

a

un long

détour pour allcr gagner Bale, rl'entrai ner enfin

une lrop grande division des masses agissantes,

car on ne pourrait pas s'empccher d'avoir une

armée dans les Pays-Bas, des lors un e armée inter–

médiaiee vers Cobl cntz ou Mayencc, ce qui devait

faire trois armées avec celle qui eotrerait par

le

Jura, et permettrait

a

Napoléon sa manmuvre

favoritc de battrc un enncm.i apres l'autrc.

Les Anglais, qui inclinaicnt généralement vers

les Aulrichiens

conl.re

les Prussiens et les Russes,

qui étaicnt déja offusqu és de l'empire pris par

Alexandre, qui avaient spécialemcnt bcsoin de

l'influencc de l'Autrichc pour constituer le

royaumc des Pays-Bas , et tenaient d'ailleurs

bea ucoup

a

soustraire la Suisse

a

l'influence frao–

~a i

e, se montraient fa vorables au plan d u prince

de Schwarzenberg. L'empereur Alexandre au

contraire le repoussait, et par plusieurs raisons.

Bien qu'on s'accablat

a

Francfort de protestations

de fid éli té et de dévoucment par crainte de voir

Ja coali tion se dissoudre, bien qu'A lcxandrc y

aj outat une coquetterie de manieres qui , d'inno–

cente qu'elle avait été

da.ns

sa jeunesse, devenail

astu cieuse avec l'age, on avait souvent failli rom–

pl'e, et notamment daos une affaire récent.e,

cclle de Bern a<loltc, que les An glais accusaient

de négliger tout

a

fait

la

Hollandc, que les Autri–

chiens accusaient de violenter le Dnnemark, et

que les Russes , en paraissant le désavouer ,

avaient secretemcnt encour·agé. Alexandre, pris

en flagrant délit de duplí cité, éprouvait de l'hu–

meur; il s'en prenait surtout au x Autrichiens

qui, dans cctte occasion , avaient dévoilé ses se–

cretes menées . De plus, tou t en fl attant, dans le

sein de la coalilion , le parti ardent qui voulait

délruire jusqu'a In derniere les oouvres de la Ré–

volution fran c;a isc, il fl attait en meme temps les