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LIVRE CINQUANTE ET UNIEME.
heure l'état vrai des choses , pendant ce meme
mois de novembre que Napoléon avait perdu en
pourparlers équivoques, au lieu de l'employer en
réponses positives qui liassent les aute.urs des
propositions de Francfort. Un événement des
plus
graves~
et du reste des plus faciles a pré–
voir, vint jeter une nouvelle lumiere sur eette
situation, et rangcr dans le partí des esprits ar–
dents l'Angleterre elle-meme, qui avait paru un
peu moins violente qu'autrefois. Cet événement
c'est en Hollande qu'il se produisit.
La Hollande s'était soumise
a
Napoléon en
1810
lorsqu'il av.ait décrété la réunion de cette contréc
a
la France, d'abord parce qu'a cette époque il
était irrésistible, et ensuite parce que divers in–
térets avaient trouvé daos la réunion des avan–
tages momentanés. Les révolutionnaires hollan –
dais, les eatholiques, les commer9ants , s'étaient
résignés a une révolution qui pour les uns était
l'exclusion de lá maison d'Orange, pour les autres
l'abaissement du protestantisme, pour les der–
niers l'annexion eommerciale au plus vaste em–
pirc du monde. Peut-etre, avec un meilleur ré–
girne poli tique et la paix, ces intérets eussent-ils
fini par trouver sous le sceptre impérial une
satisfaction qui eut fait taire le sentiment de
l'indépendanee nationale, mais il n'en fut point
ainsi. L'architrésorier Lebrun continua, eomme
le roí Louis, de préférer les orangistcs, qui
étaient nobles et riches, aux patriotes qui ne
l'étaient pas. La querelle avee le Pape aliéoa les
eatholiq
1
ues en HoJlande aussi bien qu'en Franee.
La guerre maritime récluisit les eommer9ants a
une misere profonde, qui atteignit bientot toutes
les classes, et les classes inférieures plus forte–
ment que'les au tres. Sous le roí Louis, la contre–
hande tolérée avait procuré un certain adoucis–
sement aux maux de la guerre,,mais les douaniers
fran9ais, depuis la réunion, ayant privé le com–
merce hollandais de cet adoucissement, le mal
fut bientüt porté
a
son comble. L'inscriptioo
maritime et la conscription, introduites dans le
pays, vinrent ajouter de nouveaux maux a Ja
détresse universelle, et des lors le sentiment
natiooal se réveilla avec viotence. En
1815
Ham–
bourg et les provinccs hanséatiques ayant secoué
Je joug impériaJ, la commotion s'étendit jus–
qu'en HoUande, et il fallut des rigueurs pour en
arreter les effcts. On condamna aux galeres ou
a
mor t un certaio nombre de malheureux, et on
en exécuta six a Saardam, quatre
a
Leyde, un
a
la Haye, deux
a
Rotterdam. Ces mesures, au lieu
de calmer l'exaspération, ne firentque l'augmen-
ter. Les victoires de Lutzen et de Bautzen la
cootinrcnt un momenl ,sans l'apaiser, mais Ja
bataille de Leipzig lui rendit toute sa force.
L'architrésorier
Lebr.un,personnellement op–
posé aux mesures rigoureuses, avait cherché
a
méoager tout le monde. mais il n'avait réussi
qu'a donner l'idée d'une bonne volonté impuis–
sanfe. Le général Molitor, commandant Jes trou–
pes, s'étaít fait respecter comme un militaire
ferme et probe, qui n'abusait pas de Ja force
pour son avantage particulier. MaJgré ces ména–
gements du chef civil et du chef militaire, les
Hollandais étaient bien décídés, des qu'ils le
pourraient'
a
les renvoyer l'un et l'autre, saos
to11tefois exercer contre eux aucune violence ,
mais en égorgeant, s'ils le pouvaieot, les doua–
nicrs et les agents de police qu'ils avaient en
horreur. Tandis que les ch0ses en étaient arri–
vées
a
ce point, de nombreux érnissaires anglais
parcouraient la Hollande pour le compte de la
maison d'Orange, et promettaient l'appui cle
!'
Angleterre aux populations qui se souleverai.ent.
Celles-ci répondaient qu'a Ja premiere appar1tion
d'une force armée elles proclameraient la maison
d'Orange, longtemps impopulaire, et rcde'Venue
maintenant l'espérance et le vreu du pays. Mais
il fallait faire venir cette force armée. Les An–
glais avaient bien quelques mille hommes prets
a
embarquer, mais l'acces de toutes les rades
était interdit par de
formi~ables
hatteries ou par
des flottes
a
l'ancre. L'amiral Missiessy avec l'es–
cadre d'Anvers défcndait les bouches de l'Escaut
et de la Meuse; l'amiral Verhuel avec l'escadre
du Texel défendait l'entrée du
Zuyderz.ée.Ce
n'était done que par terre qn'on pouvait tendre
une main secourabJe a·ux Hollandais. Bernado,tte
avait re<¡u mission, en quittant Leipzig, de déli–
vrer Hambourg, jJreme et Amsterdam avec l'ar–
mée du Nord, mais .iJ n'en avait ríen fait. 11 avait
porté tout son corps d'armée vers le Holstein
pour réduire le Danemark, et lui arracher la
cession de la Norwége. Daos cette vue, cherchant
a se débarrasser du mal'échal Davoust qui était
J'appui des Danois,
il
avait enlrepris de conclure
avec lui un traité pour Ja libre évacuation de
Hambourg , ce qui eut permis
a
ce rnaréchal de
ren trer en Hollande avec
40
mille hommes.
A cette nouvelle les agents anglais et autrichicns
avaient jeté les hauts
cris
1
les premiers parce
qu'ils ne voulaient pas qu'on envoyat
40
miJie
Franca is en Hollande, les seconds parce que le
cabi~t
de Vienne,
a
l'époque ou
il
travaillait
a
propager le systerne de la médiation, s'était
Jié