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LlVRE CINQUANTE ET UNlEME.

it[llienne ' prometlant

a

ce prix d'arrivcr sur

l'Adige, non pas seulement avec 50 millc Napo–

lita ins, mais avcc 100 millc Italicns.

JI

le supplia

de répoodrc sur-le-champ, car les circonstances

étaicnt prcssantes, et

iJ

n'y avait pas un instant

a

perrlre si on voulait en profitcr.

Sans étonner Napoléon, qui s'a ttendait

a

tout

de la part des hommes qu'il avait élevés au faite

des grandeurs, la proposition de Mural l'indigna

cepcndant, et elle devait l'indigncr. Si l\Iurat cut

été un esprit politique capable de s'éprendre

d'une grande idée morale telle que la régénéra–

tion de l'Italie, on aurait pu, a la rigueur, atlri–

buer cetle proposition a un cntrainement géné–

rcux. l\lais évidemmcnt ce n'était qu'un prétextc

pour colorer une folle ambition, peut-etre memc

une défcction imminente. Demander a Napoléon

pour prix de ses bienfaits le patrimoinc de

l'Église dont il ne disposait ·déja plus, la Toscane

qui était l'apanagc d'unc sreur, le Piémont qui

élait

un~

province

fran~aise,

les Légations qui

faisaicnt partie des États du prince Eugene,

c'était lui demaodcr de dépouiller ou

la

France

ou sa famille, de se dcssaisir surtout des gages

précieux qui , daos les négociations prochaines,

pouvaient servir

a

conclure une bonne paix , en

fournissant des compensations pour les conquetcs

légitimes de Ja France, tellcs que les Alpes et le

Rhin . C'était mettre en quelque sorle le poignard

sur Ja gorge d'un bcau-frere

a

demi-renversé,

pour Jui arracher un bien qu'il devait ou laisser

a

sa famille' ou sacrifier

a

sa propre conserva–

tion. D'ailleurs jamais l'Europe n'eut accepté un

scmblable partage de l'Italie, et ce que Murat

aurait du faire s'il avait eu du bon sens, c'eut

été de se réunir au prince Eugene, de défendre

courageusement avec lui l'Italie, de conservera

la France des gages de paix, et de s'assurer ainsi

a

l'un et

a

J'autre un établissement qui ne pou–

vail etre durable qu'autant que la dynastie impé–

riale resterait debout entre les Alpes et le Rhin.

Le

prince Eugene donnant si noblement l'exem–

ple de la fidélité, quand son beau-pere Ju i offrait

un moyen et une excuse de transiger avec la

con lition, aurait du inspirer

a

l\lurat un peu plus

de agesse et de gralitude. Napoléon sentit tous

les torts de son beau-frere avce une amertume

extreme. Punir ce parcnt infidele lui parut en ce

moment l'une des plus grandes douceurs de la

vicloire, sil lui éta it clonné de Ja res ai ir. M. de

Ja Be nardierc, dirigea ol les affaires étrangercs

en l'absence de M. de Caulaincourt , qui venait

de partir pour le futur congres de Manheim

essaya vaincmcnt de le calmer, et de luí per–

suadcr que, quelque b!amable que ftit Murat,

il

convenait daos les circonstances présentes de

Je

ménager. Napoléon s'emporta et ne voulut ríen

entendre. - Cet ho.mme, s'écria-t-il, esta la fois

coupable et fou;

il

me fait perdre l'Italie, peut–

C.tre davantage, et se perd lui-meme. Vous ver–

rez qu'il sera obligé un jour de venir me de–

mander un asile et du pain (étraoge et terrible

prophétie

!) ;

mais je vivrai assez, je l'espere, pour

punir sa monstrueuse ingratitudc. - l\faJgré les

instances de

1"J.

de la Besnardierc, Napoléon ne

voulut accorder aucun des ménagements propo–

sés, et tout ce qu'on put obtenir de lui,' ce fut

qu'il répondrait par le

~ilence

aux propositions

de :Murat. Promcttre quclque chose de ce qu'on

luí demandait, consentir ainsi

a

dépouillcr les

siens ou la France au profit d'un insensé, ou

bien fulminer , en lui répondant

1

la condamnation

moralc qu'il avait méritée, ellt été une faiblesse

ou une imprudence, et Napoléoo prit le parti

moyen de se taire. Il Jaissa toute la famillc impé–

riale écrire

a

Murat pour luí faiI•e sentir

a

la fois

son imprévoyance et son ingratilude, et quant

a

lui, multipliant les ordres pour r·cnforcer l'arméc

d'Italic,

il

rccammanda au prince Eugene d'etre

bien sur ses gardcs; il prescrivit

a

sa sreur en

Toscanc, au général Miollis

a

Romc, de former

toutes les forteresses aux troupes napolitaincs,

si Murat, ainsi qu'on avait lieu de le croire, en–

vahissait l'Italie centrale sous prélcxte de soute–

nir la cause des

Fran~ais .

Mural effectivement

n'avait pas cncore jeté le masque, et

s'annon~ait

toujours comme devant bicntót porter secours

~

l'armée

fran~aise

de l'Adigc.

Telles étaient les occupations nombrcuses et

les angoisses cruclles dans lesquelles Napoléou

passa la fin de novembre et le eommencement de

déccmbre. Du reste, si de temps en temps il ru–

gissait comme un lion rccevant de loin les traits

des chasseurs qui n'oscnt encore l'approchcr, il

ne laissait voir ni trouble ni désespoir. Il se flat–

ta it toujours d'ávoir quatre mois pour se prépa–

rcr, de se procurcr dans ces quatre mois 500

mille hommes entre Paris et le Rhin, de pouvoir

méme y joindrc tout ou partie des vieilles ban–

des d'Espagne, et avec ces forces réuoies d'acca–

bler la coalition, ou, s'il succombait, de l'écraser

sous sa chute. Tour

a

tour rcprenant l'espérance

ou ruminant Ja vengca nce, on le vo ait actif,

animé, l'reil ardcnt , se promener vivement en

présencc de sa famille inquiete, de ses ministres

attristés, de sa femme en !armes, prendre son