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LIVRE CINQUANTE ET UNIEi\JE.
fait sourirc un frere moins raill eurque Napolóon . •
Il convcnait qu'il avait commis des fautes mili–
taires, mais pas aussi grandes qu'on le disait;
il
se déclarait pret
a
se démettre du tróne d'Espa–
gne, mais en vertu d'un traité, et
a
Ja condition
d'úne indemnité territoriale
a
Na ples ou
a
Turin.
Quant
a
rcdevenir simplement prince
fran~ais,
apres avoir porté l'une des plus grandes cou–
ronnes de l'univers, il paraissait peu disposé
a
s'y résigner. Ces prétentions provoquerent de la
part de Napoléon une explosion de railleries
sanglantes, les unes injustes et meme cruelles,
les aut.res scnsécs , mais , hélas
!
bien tardives !
- Joseph a commis des fautes militaires
!
s'écria-t-il en écoutant M. Rrederer, mais
il
n'y
songe pas
!
Moi, je commets des
fa
utes, je suis
militaire, je dois me tromper quelquefois dans
l'exercice dema profession, maislui, des
fa
utes!. ..
11
a tort de s'accuser,
il
n'en a jamais commis.
En fait, il a perdu l'Espagne, et
il
ne la recou–
vrera point
!
C'est ehose décidée, aussi décidée
que chose ait jamais pu l'etre. Qu'il consulte le
dernier de mes généraux, et il verra s'il
est
pos–
sible de prétendre
a
un seul village au dela des
Pyrénées. Un traité
!
des conditions
!
et avec
qui? au nom de qui?... Moi, si je voulais en
faire avec l'Espagne, je ne serais pas meme
écouté. La premiere condition de toute paix avcc
l'Europc, la condition sans Jaquelle
il
est impos–
sible de réunir deux négociateurs, c'est la resti–
tution pure et simple de l'Espagne aux Bourbons,
heureux si je puis
a
ce prix me débarrasscr des
Anglais, et ramener mes armées d'Espagne sur
le Rhin ! Quant
a
des indemnités en Italie, ou
les prendre? Puis-je óter
a
Murat son royaume?
C'est
a
peine si je puis le rappeler
a
ses devoirs
envers la France et enversmoi. Comment serais–
je obéi si j'allais lui dernander de descendre du
tróne au profit de Joseph? Quant aux États ro–
mains, je serai forcé de les rendre au Pape, et
j:y suis décidé. Quant
a
la Toscane, qui est
a
Elisa, quant au Piémont, qui est
a
la France,
quant
a
la Lombardie ou Eugene a tant de peine
a
se maintenir' puis-je savoir ce qu'on m'en
laissera? Sais-je meme si on m'en laissera qucl–
que chose? Pour garder la France avec ses limites
natureJles
il
me faudra remporter bien des vic–
toires; pour obtenir quelque chose au dela des
Alpes,
il
m'en faudrait remporter bien plus cn–
core
!
Et si on me laissait un territoire en Italie,
pourrais-je pour Joseph l 'óter
a
Eugene, ce fils
si dévoué, si brave, qui a passé sa vie au feu
pour moi et pour la France, et qui ne m'a jamais
donné un seul sujct de plainte?
Ou
d.onc Joscph
_v.cut-il que je lui trouve des indemnités? 11 n'a
qu'un róle, un seul, c
1
cst d'etre un frcrc fidcle,
un solide appui de ma femmc et de mon fils si je
su is absent, plus solide si je suis mort, et. de con–
tribuer
a
sauvcr le tróne de F11ance, seule res–
source désormais des Bonaparte. Il sera princc
frarn;ais, traité eomme mon frcre, comme l'oncle
de mon fils , partagcant par conséquent tous les
honneurs impériaux. S'il agit ainsi, il aura rna
faveur, l'cstime publique, une situation grande
encore, et
il
contribuera
a
sauver notre existcnce
a
tous. S'il s'agite au contraire, et
il
en· est bien
capable, car il ne sait suppo1,ter ni le travail ni
l'oisiveté, s'il s'agite durant rr¡a vie,
il
sera arreté,
et ira finir son rcgne
a
Vincenncs; s'il le fait
apres ma mort, Dieu décidera
!
Mais probable–
ment
i1
contribucra
a
renverser le tróne de mon
fils, le seul aupres duque]
il
puisse lrouver la
dignité, l'aisance, et un reste de grandeur.
Ces sagcs mais rudes paroles, portées, repor–
técs
a
Morfontaine da ns plusieurs allées et ven ues,
ne convainquirent point Joseph. 11 ótait tour–
mcnté, malade, et souffrant d'une quantité de
maux
a
la fois: la sévérité railleuse de Napoléon,
un tróne perdu , des enfants sans patrimoine, et
pour toút avenir l'obéissance aux ordres d'un
frere impérieux, point méchant, mais dur. Daos
cette disposition <louloureuse
il
refusa d'adhércr
a
ríen de ce qui se traitait
a
Valen~ay,
et conti–
nua de se tenir
a
Morfontaine, oú Napoléon le
laissa dans l'isolement, disant que les Espagnols
et luí Napoléon se passeraient hiende la signature
du roi Joscph pour remettre Ferdinand VII sur.
le tróne des Espagnes.
Ce moment de
la
chute des trónes de famille
était celui de fréquentes agitations intérieures,
qui, s'ajoutant
a
tou~
les soucis de Napoléon,
contribuerent
a
lui rendre la vie fort amere .
.Jéróme, retiré successivement
a
Coblentz,
a
Co–
logne et
i1
Aix-la· Cha pelle,
y
était tris
le
et mal–
heureux. Il désirait se rendre 3 Paris de peur
que Napoléon ne l'oubliat dans la future paix,
et Napoléon, qui était plus affectueux pour
Jé–
róme que pour ses autres freres, résistait cepen–
dant
a
ses désirs, parce qu'il lui était pénible
d'arnir sous ses yeux ses freres détrónés, dont la
présence d'ailleurs révélait en traits si sensibles
le r uine pvogressive de l'Empire franc;ais. Mais
tandis qu'il refusait
a
Jéróme l'autorisation de
venir
a
Paris, il avait avec Mural de bien nutres
sujets de contestation.
L'infortuné Murat était rentré
a
Naples
le
creur