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LIVRE CINQUANTE ET UNIEl\IE.
ta ch e, pour sa personne une fin crue11e. Ce
prince, né avec des sentirnenls boas et généreux ,
dou é de quelque esprit el d' une Lravoure hé–
roi'que, n'avuit pas assez de jugement pour dis–
cerner que si avec la France il courait Je double
danger d'etre abandonné par la vicloire et par
Napoléon, il avait
fa
certitudc avec la coalition,
;1pres aYoir été ménagé, caressé pendant qu'on
aurait hesoin de luí , d'c tre bientót S•-lCJ·ifi é aux
vi eill es royautés italienncs, el d'ctre ainsi ¡1 la
fois dé tróné et déslionoré. N'aya nt pas assez de
porlée d'esprit pour apercevoir cet avenir ,
n'ayant. pas des príncipes assez arr ctés pour
préférer l'honneur
a
l'intéret,
j)
devait :llotter
quelques jouris entre mille sentiments contraires,
pour finir par une défection déplorable.
A peine revenu dans ses Élats, trouvant Ja
r eine convertic
a
son opinion, il était entré en
pourpm·lers avec la légation autrichienne, et ne
disputait plus que sur l'étend uc des avantages
qu'on lui accorderait. PassanL touL
a
coup , avcc
]'extreme mobilité de sa nature, du déscspoir
a
une sorle d'incsse d'ambition, il se Hvrait en
ce moment aux r eves les plus étranges, et se
flattait d'etre bientót le roí et le héros de la n n–
tion italienne .
JI
avait éLé frapp é en traversant
l'Italic d'une disposition asscz générale ch ez les
Italiens, c'ét.ait de devenir indépendants de l'Au–
triche aussi bien que de la France . Saos doute
les nobles, les pret.res, Je peuple memc souhai–
taient Je r etour
a
l'Autriche, parce qu e pour les
uns c'était Je retour
a
leur ancien état, pour k s
autres l'exemplion de la conscription. La bour–
geoisie au contraire, éprise des idées d'indépen–
dance, disai t que c'était bien d'échapper
a
Ja
France, mais tout aussi bien de ne pas retomber
sous Ja main de l'Autriche; qu'il n'y avait au–
cune raison d'al1er de l'une
a
l'autre ' d'etre
ainsi toujours Je jouet, la victime de maitres
étrangers ; que l'Autriche devrait se trouver
heureuse de ne plus voir l'Italie aux mains de
Ja France, et la France de ne plus
Ja
voir aux
mains de l'Autriche; que pour l'une et l'au tre
l'indépendance de la Péninsule était un moyen
terme acceptable, désirable meme, et au fon d
plus avantageux que Ja possession directe, car
l'ltalie soumise
a
l' une des deux puissances serait,
contre celle qui ne l'aurait pas, un dangereux
moyen d'attaque, et pour celle qui la posséderait,
un sujet toujours révolté, toujours pret
a
de–
venir un ennemi furieux. Ces idées avaient en–
vahi la partie la plus active et la plus cultivée
de la bourgeoisie. l\furat, placé au fond de Ja
Péninsule,
a
égale distance des Fran<;HÍS et des
Autrichiens, ayant intéret
a
se sauvcr sans
trahir Napoléon, capable avcc ses talents et sfl
gloire militaires de créer une armée italienne,
l\'.lurat avait paru au partí des indépendanl s
propre
a
devenir leur héros.
JI
pouvait en effrt
dire aux Autrichiens : Je ne suis pas la France;
aux F1·a1JC;ais: Je ne suis pas l'Autriche; il pou–
vait dirc
a
tous: l\Iénngez-moi, et acceptez-moi
comme ce qu'il y a de moins hostile pour vous,
et meme cornme ce qu'il y a de plus avantageux,
si vous savez comprendre vos intérets véritables.
- Les partisa ns de J'indépendance avaient don e
entouré l\'.lurat, lui avaient prodigué les pro–
messes et les flatteries, et l\'Iurat qui, dans cet
étnt de fermentation d'esprit, pensait
a
lout,
était pret
a
tout, les ª''ait accueillis et acceptés
pour ses agents. Ceux-ci,
a
Florence,
a
Bologne,
a
Rome, le célébraient comme le s11uveur rle
l'Jtalie, et
annon~aient
en prosc et en vers sa
missioo providentielle.
Les Autrichiens naturellerncnt n'accueillaient
guere ces id ées , mais ils ne les décourageaient
pas absolument , et laissaient espérer
a
Murat,
sous le prétexle de l'indemniser de la Sicile, un
agrandissement assez notable dans l'Italie cen–
trale. Mural, dans I'élan de son ambition, ne
mettant plus de bornes
a
ses désirs, avait pensé
que peut-elre il rencontrerait aupres de Napo–
léon plus d'encouragement qu'aupres des Autri–
chiens pour sa nouvclle royauté italiennc. De–
venu daos ces circonstances plus" mobile encorc
que de coutumc, cessant. d'apercevoir le péril du
cóté de l'alliance fraiu;aise quand il croyait y
trouver plus de chances de grandeur , se ber«;ant
de J'espérance de voir tous les Italiens se lever
en masse s'il leur promcttait J'indépendance et
l'unité, il ·se disait que si Napoléon Jui permet–
tait de proclamer celle índépendance et cetle
. unité, et de s'cn fairc le représentant,
il
appor–
terait au prince Eugene non-seulement le se–
cours de l'armée napolitaine, mais celui de 100
mille Jtaliens accourus
a
sa voix; qu'alors
il
se
sauverait en s'agrandissant, en s'honorant, en
réunissa nt tous les av:intagcs
a
la fois, et notam–
ment celui de conserver, s'il était allié de la
France, les officiers fran<;ais qui étaient en grand
nombre dans son armée, et qui en constituaient
Ja principale force.
T elle était l'espece de tourbillon d'idées qui
s'était produit dans la tete enflammée de ce mal–
hcureux prince. Par Je découragement conduit
a
la pensée funeste d'abandonner la France et