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L'INVASION. -

DÉCEMBRE

18t5.

327

désolé, l'esprit en désordre. De tous les princes

condamnés

a

cette époqué

a

voir s'évanouir lcur

·royauté éphémcre, Murat était le plus inconso–

lable. 11 semblait que ce soldat, né si loin du

tr·one,

a

qui une véritable gloirc militaire aurait

du servir de dédommagement, ne pouvait vivre

s'il ne régnait pas. Apres les événements de la

derniere campagne, il luí était difficile de croirc

que la puissance de Napoléon, si elle se mainte–

uait en France, put s'étendre encore au dela du

Rhin, des Alpes et des Pyrénées, et qu'au dela de

ces limites il put soutenir ou punir des alliés. 11

courait done la chance en restant fidclc a Napo–

léon de n'etre point soutenu, et ne courait guerc

ccllc d'elre puní s'il était infidele. Sans doutc,

réuni au prince Eugene, amenant 50 mille Na–

politains bien discipliués

a

l'appui des 40 millc

Fran~ais

qui défcndaient l'Adige,

il

y avait quel–

que_possibilité pour luí de disputer J'Halie aux

Autrichiens, mais possibilité et point certitude.

Vaincus, les deux lieutenanls de Napoléon se–

raient Licntót détronés; vainqueurs, queseraient–

ils? Que seriait Murat surtout? Sacrifié au prince

Eugenc qu'il jalousait, relégué au fond de la

Péninsule, réduit au royaumc de Naples qui était

peu de chose sans la Sicile,

il

n'avait pas meme

l'assurance de s'ymaiotenir, car si une paix avan–

tageuse avec l'Europe tenait au sacrifice de son

beau-frcre, Napoléon ne serait pas assez bon

parcnt et assez mauvais

Fran~ais

pour refuser ce

sacrifice. D'aillcurs, bien qu'il cut un esprit sans

solidité, Murat avait une certaine finesse, et

il

s'était souvent

aper~u

que Napoléon, en appré–

ciant sa hravoure, ne faisait aucun cas de son

caractere, et ce dédain marqué le hlessait beau–

coup. Telles étaicnt les considérations qui avaient

agité, tourmenté l'esprit de Murat, pendant son

voyage d'Erfurt a Na ples. Tandis qu'il voyait tant

de périls

a

etre fidele, et si peu

a

ne plus l'elrc,

de funestes suggestions eontt·ibuaient a augmen- .

ter son trouhle. 11 n'avait pas cessé de se tenir

en relation avec les 'puiss:mces coaiisécs, meme

lorsqu'il était au camp de Napoléon, et qu'il s'y

conduisait si bravcment. Au moment ou il avait

quitté Nraples pour Dresde, il avait aupres de lui

des agents de lord William Bcntinck, gouver–

neur anglais de la Sieile, et il les avait brusque–

ment renvoyés pou:r aller rejoindre l'armée

fran~aise,

ce qui avait surpris et indisposé lord

William. l\faís

il

n'avait pas agi de n;ieme envers

l'Autriche, et

il

avait continué de laisse:r aupres

d'elle le prince Cariati, ministre napolitain, et

de conserver a Naples le comtc de Mire, mi-

nistre autrichien.

l\f.

de Metternich, profitant

de ce double moyen de communi cation , avait

cherché sans cesse

a

ébranler la fidélité de

la

cour de Nnples, car

il

savait bien que si Murat,

au lieu de se ranger

i1

la droite du prince Eu–

gene, allait prendre ce prince a revers, l'Italie

serait immédiatemcnt enlevée aux Francais et

acquise aux Autrichiens. Non content de ces

efforts aupres du roi, M. de Mettcrnich avait

noué des trames secretes avec la reine, qu'il

avait connue

a

Paris lorsqu'il était ambassadeur

en France, et avait essayé de luí faire oublicr

ses devoirs de sreur en excitant ses sentiments de

mere et d'épouse. Non-seulement il avait promis

de laisser

a

Murat le treme de Nllples, sans la

Sicile toutefois que l'Angleterre tenait

a

con–

server aux Bourbons, mais

il

avait laissé entre–

voir la possihilité pour lui du plus bel établisse–

ment en Italie. Le prince Eugcne, la princcssc

Élisa expulsés a la suite des Fran<¡ais, le Piémont

reconquis, on pouvait, en réservant une hclle

part aux Autrichicns, en rétablissant le Pape

a

Rome, constituer un royaume de l'Italie ccn–

trale, qui, accordé

a

Murat, ferait de celui-ci le

prernicr prince de l'Italie, et un mooarque de

sccond rang en Europe. C'étaient la les argu–

ments que M. de .Metteroicb avait employés avec

un succes chaque jour plus marqué. Courir en

effet les plus grands périls avec Napoléon sans

memela certitude d'etre maintenu par lui si on

triomphait et, au contraire, obtenir de la coali–

tion, outre la certitude de rester roí de Naples,

l'espérance de devenir une sorte de roi d'Italie,

était une perspective qui devait entrainer le

malheureux Murat., apres avoir séduit

la

reine

ellc-meme. Cellc-ci dans les commencemeots, re–

présentant fidelement

a

Naples le partí fram;ais,

s'était défcndue contre les suggestioos autri–

chiennes, et avait cherché

a

ramener Murat

a

Napoléon. Bieutot le danger croissant, et do–

minée elle aussi par le désir de conserver la cou–

ronne

a

ses enfants, elle avait preté l'oreille aux

inspirations de M. de Metternich, et fini par de–

venir son principal intermédiaire aupres de

Murat. Voulant en meme temps colorer sa con–

duite aux yeux du ministre de Francc, elle affec–

tait de ne pouvoir plus rien ni sur la cour, ni

sur le roi, et

d'~tre

obligée, en épouse soumise,

t!n mere dóvouée, de suivre la politique du ca–

binet napolitain. Murat, rcntré dans ses États,

avaib done trouvé la cour unie pour le pousser

dans les voies déplorables ou il devait, au lieu

d'un treme, rencontrer pour sa mémoire une