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LlVRE CINQUANTE ET UNIEI\1E .
tie11, il écouta bcau coup, parla peu, se borna
~'
dire que , privé de toute comn1 unicatiou avec le
mond e, il ne savait ríen , qu'il était hors d'élat
par conséquent de se former une opinion sur quoi
que ce füt, qu'il était placé sous la main toute–
puissante <le Napoléon, qu'il s'y trouvait bien ,
qu'il ne dcmandait pas
a
sortir de sa retraite, et
qu'il ne cesserait jamaís d'etre reconnaissant des
bons procédés qu'on avait pour lui. Voila ce que
l'oppression fait des etrcs sournis
a
son empirc
!
Napoléon en était venu
a
ce point de ne pouvoir
faire accepter
a
Ferdinand VI
1
ni la liberté ni le
tróne, dans un moment ou il aurait eu lant d'in–
térct
a
lui rendre l'un et l'autre
!
:M.
de Laforest
vit bien qu'il fallait laisser
a
cctte
~me
défiante
et effarouchée Je temps de se rassurer et de
réfléchir.
11
le quitta, pour le revoir le lende–
main.
Ferdinand VII, apres avoír conféré avec son
frere et son oncle, et surtout avec lui-meme,
avait ccmpris que Napaléon devait etre daos de
grands embarras, et que son offre de lui resti–
tuer le tróne était sincere. Mais avanCd'écouter
une proposition qui se présentait sous un aspect
si attrayant, il voulait savoir si on ne cherchait
pas
a
lui tendre des piéges cachés, et
a
Jui arra–
cher des engagements dangereux ou déshono–
rants. D'ailleurs, dépourvu
a
Valcnc;ay de toute
autorité sur l'Espagne, il avait
a
craindre (et cette
crainte était fondée) de ne pouvoir tenir les en–
gagements qu'on l'obligerait
a
souscrire.
11
réso–
lut done, en s'ouvrant davantage, de prendre
une attitude un pcu plus royalc, mais d'etre
toujours extremement circonspect.
M. de Laforest en le revoyant le lcndemain le
trouva beaucoup plus composé dans son attitude,
prenant place entre son oncle et son frere comme
leur maitre hiérarchique, se posant, en un mot,
et parlant en monarque .
11
ne dissimula pas qu'il
commenc;ait
a
regarder comme sérieuse la pro–
position qu'on lui adressait, qu'il en devinait
meme la véritable cause, mais
il
affecta de ne
})OUVOÍr s'arreter
a
aucun partí, privé qu'il était
de conseillers, et affirma surtout qu'il était sans
autorité, car il ne savait si ce qu'on signerait
a
Valen~ay
serait accepté et exécuté
a
Madrid.
Toutefois
il
était facile de deviner qu'il ne vou–
lait pas rompre ces
pourparl~rs,
et refermer sur
lui la porte de sa prison prete
a
s'ouvrir. Visi–
hlcment il était tres-anxieux. M. de Laforest lui
ayant offert de recevoir son ancien précepteur,
le chanoine Escolquiz tenu en surveillance
a
Bourges, son secrétaire intime Macanaz tenu en
surveillancc
a
Pal'is, l'illustre Palafox prisonnier
a
Vincennes, enfin le duc de San-Carlos interné
a
Lous-le-Saulnier, il parul n'accorder confiance
a
.aucun de ces bommes. On eut dit que les
nommer c'était
a
l'instant meme les perdre dans
son esprit.
Les conférences continuercnt, et l'évidenle
bonne foi de
1\1.
de Laforest, la simplicité frap–
panle des conditions qu'il apportait, finissant
par agir sur !'esprit de Ferdinand, le désir sou–
lout de la liberté exerc;ant son influence, il se
rassura peu
a
peu, et se mit
a
raisonner avec
infiniment de sens sur ce qu'on lui proposait.
Enfin l'arrivée de M. de San-Carlos, qui avait vu,
enlendu Napoléon, et pu apprécier la sincérité
de ses intentions, acheva de triompher des om–
brages du captif de
Valen~ay.
M. de San-Carlos
eul bien lui-meme un instant de défiance
a
vaincre
chez son maitre, mais il parvint bientót
a
se faire
écouter, et des lors on enlra sérieusement en
matiere. Ferdinand VII n'avait ríen
a
objecter
a
la proposition de rentrer en Espagne, de remon·
ter sur le tróne, de servir une pension
a
son
pere, de conserver tout le territoire continental
et colonial de son antique monarcbie, meme de
pardonner aux
afrancesados.
Le mariage avec
une fille de Joseph lui plaisait moins; mais apres
avoir demandé avec instance une princesse Bo–
naparle,
il
n'était plus temps d'afficher le dédain,
et d'ailleurs , pour recouvrer Ja liberté et le tróne,
il n'était point de mariage qu'il ne fUt pret
a
con–
tractcr. La difficulté n'était done pas dans l'union
proposée, elle était autre part. On présentait
a
ses yeux éblouis une infinité de cboscs tres-dési–
rables et tres-désirées, et on proniettait de les
lui accorder
a
condition que les Cortes ou la
régence ratifieraient le traité qu'il auraiL signé;
on faisait ainsi dépendre ce qu'il souhaitait
ardemment d'une volonté qui n'était point Ja
sienne. Il le <lit avec franchise, et montra avec
beaucoup de raison que ce qu'il ordonnerait de
loin courrait la chance de n'etre pas exécuté.
11
parla sur le ton de la colere des limites que cer–
tains hommes, suivant lui factieux, avaient voulu
imposer
a
son pouvoir royal, et laissa voir qu'a–
pres les Franc;ais ce qu'il ha1ssait le plus c'étafont
les libéraux espagnols.
11
fit
sentir que le 'moyen
le plus sur d'obtenir ce qu'on voulait de l'Es–
pagne c'était de l'envoyer
a
Madrid, oti personne
n'aurait de prétexte, lui présent, pour luí refu–
ser obéissance, tandis que ses sujets pouvaient
maintenant alléguer la captivité de Valenc;ay
pour feindrc de ne pas croire ce qui serait dit en