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524

LlVRE CINQUANTE ET UNIEI\1E .

tie11, il écouta bcau coup, parla peu, se borna

~'

dire que , privé de toute comn1 unicatiou avec le

mond e, il ne savait ríen , qu'il était hors d'élat

par conséquent de se former une opinion sur quoi

que ce füt, qu'il était placé sous la main toute–

puissante <le Napoléon, qu'il s'y trouvait bien ,

qu'il ne dcmandait pas

a

sortir de sa retraite, et

qu'il ne cesserait jamaís d'etre reconnaissant des

bons procédés qu'on avait pour lui. Voila ce que

l'oppression fait des etrcs sournis

a

son empirc

!

Napoléon en était venu

a

ce point de ne pouvoir

faire accepter

a

Ferdinand VI

1

ni la liberté ni le

tróne, dans un moment ou il aurait eu lant d'in–

térct

a

lui rendre l'un et l'autre

!

:M.

de Laforest

vit bien qu'il fallait laisser

a

cctte

~me

défiante

et effarouchée Je temps de se rassurer et de

réfléchir.

11

le quitta, pour le revoir le lende–

main.

Ferdinand VII, apres avoír conféré avec son

frere et son oncle, et surtout avec lui-meme,

avait ccmpris que Napaléon devait etre daos de

grands embarras, et que son offre de lui resti–

tuer le tróne était sincere. Mais avanCd'écouter

une proposition qui se présentait sous un aspect

si attrayant, il voulait savoir si on ne cherchait

pas

a

lui tendre des piéges cachés, et

a

Jui arra–

cher des engagements dangereux ou déshono–

rants. D'ailleurs, dépourvu

a

Valcnc;ay de toute

autorité sur l'Espagne, il avait

a

craindre (et cette

crainte était fondée) de ne pouvoir tenir les en–

gagements qu'on l'obligerait

a

souscrire.

11

réso–

lut done, en s'ouvrant davantage, de prendre

une attitude un pcu plus royalc, mais d'etre

toujours extremement circonspect.

M. de Laforest en le revoyant le lcndemain le

trouva beaucoup plus composé dans son attitude,

prenant place entre son oncle et son frere comme

leur maitre hiérarchique, se posant, en un mot,

et parlant en monarque .

11

ne dissimula pas qu'il

commenc;ait

a

regarder comme sérieuse la pro–

position qu'on lui adressait, qu'il en devinait

meme la véritable cause, mais

il

affecta de ne

})OUVOÍr s'arreter

a

aucun partí, privé qu'il était

de conseillers, et affirma surtout qu'il était sans

autorité, car il ne savait si ce qu'on signerait

a

Valen~ay

serait accepté et exécuté

a

Madrid.

Toutefois

il

était facile de deviner qu'il ne vou–

lait pas rompre ces

pourparl~rs,

et refermer sur

lui la porte de sa prison prete

a

s'ouvrir. Visi–

hlcment il était tres-anxieux. M. de Laforest lui

ayant offert de recevoir son ancien précepteur,

le chanoine Escolquiz tenu en surveillance

a

Bourges, son secrétaire intime Macanaz tenu en

surveillancc

a

Pal'is, l'illustre Palafox prisonnier

a

Vincennes, enfin le duc de San-Carlos interné

a

Lous-le-Saulnier, il parul n'accorder confiance

a

.aucun de ces bommes. On eut dit que les

nommer c'était

a

l'instant meme les perdre dans

son esprit.

Les conférences continuercnt, et l'évidenle

bonne foi de

1\1.

de Laforest, la simplicité frap–

panle des conditions qu'il apportait, finissant

par agir sur !'esprit de Ferdinand, le désir sou–

lout de la liberté exerc;ant son influence, il se

rassura peu

a

peu, et se mit

a

raisonner avec

infiniment de sens sur ce qu'on lui proposait.

Enfin l'arrivée de M. de San-Carlos, qui avait vu,

enlendu Napoléon, et pu apprécier la sincérité

de ses intentions, acheva de triompher des om–

brages du captif de

Valen~ay.

M. de San-Carlos

eul bien lui-meme un instant de défiance

a

vaincre

chez son maitre, mais il parvint bientót

a

se faire

écouter, et des lors on enlra sérieusement en

matiere. Ferdinand VII n'avait ríen

a

objecter

a

la proposition de rentrer en Espagne, de remon·

ter sur le tróne, de servir une pension

a

son

pere, de conserver tout le territoire continental

et colonial de son antique monarcbie, meme de

pardonner aux

afrancesados.

Le mariage avec

une fille de Joseph lui plaisait moins; mais apres

avoir demandé avec instance une princesse Bo–

naparle,

il

n'était plus temps d'afficher le dédain,

et d'ailleurs , pour recouvrer Ja liberté et le tróne,

il n'était point de mariage qu'il ne fUt pret

a

con–

tractcr. La difficulté n'était done pas dans l'union

proposée, elle était autre part. On présentait

a

ses yeux éblouis une infinité de cboscs tres-dési–

rables et tres-désirées, et on proniettait de les

lui accorder

a

condition que les Cortes ou la

régence ratifieraient le traité qu'il auraiL signé;

on faisait ainsi dépendre ce qu'il souhaitait

ardemment d'une volonté qui n'était point Ja

sienne. Il le <lit avec franchise, et montra avec

beaucoup de raison que ce qu'il ordonnerait de

loin courrait la chance de n'etre pas exécuté.

11

parla sur le ton de la colere des limites que cer–

tains hommes, suivant lui factieux, avaient voulu

imposer

a

son pouvoir royal, et laissa voir qu'a–

pres les Franc;ais ce qu'il ha1ssait le plus c'étafont

les libéraux espagnols.

11

fit

sentir que le 'moyen

le plus sur d'obtenir ce qu'on voulait de l'Es–

pagne c'était de l'envoyer

a

Madrid, oti personne

n'aurait de prétexte, lui présent, pour luí refu–

ser obéissance, tandis que ses sujets pouvaient

maintenant alléguer la captivité de Valenc;ay

pour feindrc de ne pas croire ce qui serait dit en