L'INVASfON. -
DÉCEMDRE
1815.
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]'une de ces trois routes. On vient de voir que
Napoléon, en prenantdans lesdépóts les hommes
actuellemelilt formés, et en y ajoutant ensuitc
les conscrits des anciennes classes qu'on se dis–
penserait, en cas d'urgence, de faire passer par
les dépóts et. qu'on cnverrait directement aux
régiments, espérait porter d'abord
a
80, puis
n
140 mille hommes l'infanterie des co11ps établis
sur le Rhin. Il se flattait, en réorganisant saca ....
valerie et son artillerie, de les porter
a
200 milie
hommes au printemps, et enfin
a
500 mille en
y
joignant la garde impériale.
11
projetait en effet
de donner
a
celle-ci une extension qu'elle n'avait
j amais eue. Voici q.uelles furent
a
cet égard ses
com.binaisQns.
Bien qu'elle eut de g-raves inconvénients, la
garde, par son excellent esprit, par sa forte dis–
cipline, avait rendu les plus grands services dans
Ja dernierecampagne, soit en frappant des coups
décisifs les jeurs de bataille, soit en conservant
daos les revers une tenue qye ne présentait pas
le J?esie de l'armée. Elfo étai•t réduite en ce mo–
ment
a
environ 12 miUe hommes d'infanterie,
et
a
5 ou 4 miJle de eavalerie. Elle consistait en
deux divisions de vieille garde, grenadiers et
chasseurs, deux de mQyenne garde, fusiliers et
flanqucurs, et
qua~re
de jeune garde, tirailleurs
et voltigeurs. Comme elle abondait en sujets ca–
pables de devenir de tres-boas sous-officiers, il
était facile de l"étendre sans en altérer !'esprit,
saos en di:minuer
la
consistance. C'était de tous
les corps de l'armée celui ou
il
était le plus aisé
de jeter des milliers de jeunes gens, qui se trans–
formaient tout de suite en soldats. Napoléon avait
pour y réussir une facilité de plus, due tout en–
tiere
a
un seul homme, et cet homme était l'il–
lustre Drouot, officier supéricur d'artillerie dans
la garde, et modele accompli de toutes les vertus
guerrieres. Drouot, simple et meme un pcu
gauche dans ses allures, n'avait pas été d'abord
apprécié par Napoléon. Mais tandis que daos ces
guerres inccssantes, l'ambition faisant des pro–
gres et la fatigue aussi, on éiait obligé de récom–
penser plus cherement des services moindres,
Napoléon avait été frappé de l'attitude de cet of–
ficier, connaissant
a
fond toutes les parties de
son métier, s'y appliquant avec une ardeur infa–
tigable, saos se rehicher jamais, saos chercher
comme beaucoup d'autres
a
se faire valoir
a
me–
sure que les difficultés augmentaient, propGr–
tionnant ainsi en silence son intrépidité aux pé–
rils, son zele aux embarras, n'ayant pas flatté
son maitre jadis, ne cJ:ierchant pas
a
l'aflHger
par ses critiques aujourd'hui , se bornant
a
servir
de toutes ses facultés le prince et la patrie qu'il
confondait daos la meme affection et le meme
dévouement. Napoléon comme les despotes de
génie, jouissant des adulatcurs saos les croire,
n e pouvait s'empecher d'eslimer et de recher–
cber les honnetes gens quand il les r encontrait,
et il avait peu
a
peu ressenti pour Drouot un
penchant qui s'étai t acera avec ses malheurs, et,
au rn oment ou nous sommes ar.rivés,
il
avait ré–
solu de lui confier sa garde tout entiere.
JI
s
'éta.itaper<;u que le ministre Clarke succombait sous
la besogne, et meme que sa fidélité s'ébranlait.
Aussi avait-il commcncé
a
s'en défier profondé–
ment.
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fit done de Drouot, saos lui conférer
d'autre litre que celui de son aide de camp, un
véri Lable ministre de la garde impériale ,
11
lui
attribua le soin de toutes les promotions, qui al–
laient devenir nombreuses dans un corps destiné
a
s'accroitre considérablement , et lui confia en
outre sa dernicre re¡;source, sa
poire pou1•
la
soif,
oomme
il
l'appelait, les 65 mi.Ilions restant de ses
économies personnelles, certain que Drouot équi–
perait les divers corps de la garde avec autant
d'économio qu'on pouvait l'espérer de la probité
la plus purc, de
la
vigilance la plus soutenue.
En conséquence, d'apres les instructions de
Napoléon , les compagnies furent portées de
quatre
a
six dans les bataillons de la garde. Les
bataillons durent elre portés
a
dix-huit dans la
vieille gardc ,
a
huit dans la
moye~ne,
a
cin–
quante-deux dans la jeune. La vieille garde de–
vait se recruter avec des sujets d'élite prélevés
sur toute l'armée, la moyenne et la jeune avec
des conscrits, en ayant soin de ohoisir. les meil–
leurs . Ces diverses combinaisons, si elles s'exé–
cutnicnt, ne pouvaient pas donner moins de
80 mille hommes d'infanterie. Avec la cavalerie,
l'artillerie, le génie, les pares, Napoléon ne
croyait pas rester au-dessous <le 100 mille
hommes.
11
autorisa Drouot
a
acheter des che–
vaux,
a
faire confectionner des affuts pour l'ar–
tillerie,
a
créer
a
Paris et
a
Metz des atelicrs
d'habiHemcnt, en lui recommandant de tout
faire , de tout payer lui-meme, et sans employer
l'intermédiairc du ministre de la guerre. Drouot
devait recevoir du trésorier particulier de Napo–
léon les fonds dont
il
aurait besoin.
Avec 200 mille hommes de l'armée de ligue,
avec 100 mille hommcs de la garde impériale,
Napoléon ne désespérait pas de rejeter hors de
notre territoire les ar.mées de la coafüion qui
oseraient J'envahil'. On vcrra bienLót, par ce qu'il
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