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LIVRE CINQUANTE ET UNJEl\IE.
ment non mojns rapjde du prcstige de Napoléon,
l'indépendance renaissait dans tous les esprits.
JI
y
avait done a craindre des discussions
fü–
cheuses, et d'ailleurs, si prompte que fUt l'adop–
tion des mesures proposées, elle ne pouvait pas
s'effectuer avant le milieu de décemhre, et la per–
ception des centimes devait alors se trouvcr
remise au mois de janvier, tandis qu'on en avait
besoin sur-le-champ. On prit en conséquence le
partí d'ordonner par simple décrct la levée des
centimes extraordinafres, ce qui faisait gagncr un
mois. Cette maniere de procéder, absolument
impossible sous un régime légal et régulier, était
autorisée par plus d'un précédent. En effet, tan–
tót pour payer l'équipement des eavaliers votés
par les départcments, tantót pour répartir plus
égalcment la charge des r équisitions en la con–
vertissant en contributions publiques, les préfcts
n'avaieñt pas hésité
a
lcver des centimes addi–
tionnels de leur seule autorité, et soit le sentiment
du besoin , soit l'habitude de la soumission, per–
sonne n'avait r éclamé. L'Empercur en présence
du daoger pouvait bien oser autant que les pré–
fets, et un décret rendu Je
11
novemure, le sur–
lend emain meme de son arrivée
a
París, ordonna
les perceptions que nou s venons d'énumérer. Le
crime n'était pas grand, si on Je compare
a
tout
ce que le gouveroement impérial s'était permis en
fait d'illégalités, et en tout cas il avait pour ex–
cuse la g1·avité et l'urgence du péril. Mais cet
acte, comme bien d'autrcs, prouve quel cas on foi–
sait alors des loi's. Le concours du Corps législalif
devcnant moins nécessaire, puisqu'on avait pres–
crit par simple décrct Ja levée des impositious
cxtraordinaires, on ajourna sa réunion du 2 dé–
cembre au 19, afin de s'épargner des discussions
inopportuoes. La précaution, comme on le verra
bientót, n'était pas des mieux imagioées, car ces
législateurs presque tous r endus
a
Paris, et y pas–
sa nt le temps a ne ríen faire, ou 3 s'aoimer des
sentirnents' de cette capitale, n'en devaient pas
devenir plus indulgeuts pour un gouvernement
bassement adulé quand il était tout-puissant,
trés-librement jugé depuis ses premiers r evers,
et mcnacé, a la veille de sa chute, d'un déch aine–
ment universel. Un autre inconvénient de Ja con–
vocation du Corps législatif qu'on avait vo ulu
éviter , c'était l'obligation de faire élirc la qua–
trieme série (le Cor·ps Jégislatif était divisé en
cinq) , dont les pouvoirs, expirant au commence–
ment de
'18'15,
avaient déja été prorogés d'une
année. Réunir des électeurs en ce moment pou–
vant etre aussi dangereux que de réunir des
députés, on décída de remettre a une autre année
l'élection de la quatrieme série. Cette mesure,
celle qui abolissait les listes de candidats pour la
présidence du Corps Jégislatíf, celle enfin d'un
nouvel appel de 500 mille hommes, relevaient
naturellement de I'autorité du Sénat, qui était
censé toujours assemblé, et supposé toujours sou–
mis, comme il le fut cffectivemcntjusqu'a l'avant–
derniere heure de l'Empirc. On le convoqua done
pour Je
1?)
novembrc, et on lui présenla ces trois
mesures.
La réunion du Sénat fut entourée d'un appa–
reil inaccoutumé. On voulait .frappcr ]'esprit de
la nation, parlera son coour, excitcr son dévoue–
ment patriotique. l\falheureuscmcnt quand on
parle rarement ou trop tard aux nations, on est
cxposé a etre écouté avcc défiancc, ou mal com–
pris. L'oratcur du gouvernemcnt raconta en
vain les derniers revers de nos armées, il se
déchaina en vain conlre la perfidie des alliés,
contrc la fatale imprudence commise au pont de
~eipzig,
il montra en vain ce que la France avait
a
craindre d'une coalition victorieuse, il touoha
peu un séna t insensible et abaissé, et ue pro–
duisit qu'un genre de conviction, c'cst qu'en
e.ffet
.Je
danger était immcnsc, c'est qu'en effet il
fallait
dem~rnd er
de gr ands efforts a la nation,
sans beauceup d'espérance, héias
1
de la voir
r épondre
i1
un semblable appel apres ·quinzc ans
de gucrres
fo
Hes etinutiles. Les 500 millehommcs
a
prendre sur les classes antérieures furent :votés
sans une scule objection. L'ajournement de I'élec–
tion de la quatrieme série fut également accordé,
par le motif qu'il était pressant de réunir le
Corps législatif, motif singulier lorsqu'on ajour–
nait du 2 déccmbre au
19
la réunion de ce corps,
dont les membres étaient presque tous présents
a París. Enfin, pour supprimer la liste des can–
didats
a
la présidenée du Corps législatif, on
fit
valoir une raisoo non moins étrange, c'est qu'il
serait possible que les candidats proposés igno–
rasscnt l'étiqu ette de la cour, ou bien fussent
to ut a
fait
inconnus
a
l'Empereur. Le Sénat ne
contredit pas plus les motifs que le dispositif de
ces décrets, et il les vota sans mot dit·e, comme
il
allait tout voLer, jusqu'au jour ou il votcrait la
déchéance de Napoléon lui-meme sur une invita–
tion de l'étranger
!
Ces mesures politiques , militaires et finan–
cieres n'avaient cessé d'occuper Napoléon depuis
son rcto ur a París. C'étaiL
UJil
premier résultat
qu'on aurait pu considérer comme heureux s'il
n'a vait pas été si tardif, que de transférer de