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L'JNVASION. -

NOVEMBl\E

1815.

509

profonde dans les ports, r ésultant de la clóture

absolue des rners; sur le·s frontieres de terre

ouvertes naguere

a

notre industrie, des

millier~

de bafonnettes étrangeres ne laissant pas pnsser

un ballot de marchandises ; enfin une terreur

iodicible et universelle de l'invasion , tous ces

maux

a

la fois provenant d' une seule volonté

non contreditc, étaient une cruelle le<;on , qui

avait infirmé celle qu'on avait r e<;ue des malheurs

de la révolution, et qui, sans rendre la France

républicaine, la ramenait

a

désirer une monar–

chie libéralement constituée. Tous les partis,

Jongtemps oubliés, commen<¡aient

a

se montrer

de nouveau. Les révolutionnaires s'agitaient,

mais

a

la .vérité sans effet. Quelques-uns, en tres–

petit nombre, sa ratlachant

a

Napoléon par la

crainte des Bourbons qu'ils ha!ssaient, voulaient

bien le proclamer dietateur, a condition qu'il

aurait recours

a

des moyens extraordinaires, et

qu'il appellerait le peuple

a

un mouvement sem–

blable a celui de

1792.

Mais c'étaient des mania–

qucs revant un passé actuellement impossible.

Le mouvement de

1792

n'avait été qu'une ex–

plosion d'indignation de la part de Ja France

injuslement assaillie par l'Europe, et ce senti–

ment c'était aujourd'hui l'Europe qui l'éprouvait

a

son tour contre nous. Les royalistes, partisans

de Ja maison de Bourbon, r animés par l'espé–

rance, excités par les pretres bien plus nombreux,

bien plus hardis en ce moment que les révolu–

tionnaires, commen<¡aient

a

élever la voix et

a

se

faire écouter. La France avait presque oublié les

Bourbons, dont elle était séparée par des événe–

ments immenses qui tenaient dans les esprits la

place de plusieurs siecles, et ell e craignait d'a il–

Jeurs leur maniere de penser, Jeur entourage,

leurs ressentiments; mais épou vantée del'empire,

persistant

a

repousser Ja r épubliq ue, elle en ve–

nait

a

comprendre que les Bourbons, contenus

par de sages lois, pourraient offrir un moyen

d'échapper au despotisrue comme

a

l'anarchie.

II n'y avait, du reste, que les hommes les plus

éclairés qui portassent leurs vues aussi Join ; Ja

masse laissait parler des Bourbons pour rie plus

entendre parl er de la g uerre, qui dévorai t les

enfants, aggravait les impóts, et empechait tout

commeree.

Lorsqu'un gouvernement commence

a

etrc en

danger, on peut en apercevoir le signe certain

dans l'état d'esprit des fonclionnaires. En

1815

et

·J814

les fonclionnaires de l'Empir e étaient

tristes, découragés,

aball.us

, et quoiqu'un certain

nombre afl'ectassent uu zele violent, la pl upart

sans le dire en voulaient

a

Napoléon aulan t que

ses plus gra nds ennemis, parce qu 'ils cntaient

qu'en se compromettant lui-meme il les avait

tous eompromis. Le péril nw1it rcodu quelque

indépeodance aux fonctionnaires d'un ordre

élevé. lis avaient déja dita Napoléon ,

a

la fin de

18 •12, et ils luí répétaient bien plus

a

la fi n de

·J

815, que saos la paix ils seraient tous perdus,

eux comme lui. Les militaires d u plus haut grade

qu'il avait comblés de biens, rnais sans les en

laisser jouir, se taisaicnt en mootrnot un sombre

mécontenternent, ou disaicnt duremen t qu'il ne

restait aucune ressource pour soutenir la guerre.

Les deux hommes les plus sensés, l'un de l'armée,

l'au tre du gouvernement, Berthier et Cambacé–

res, ne cachaient plus leur consternation. Ber–

thier était malade; Cambacéres était tombé daos

une dévotion qui, ne répondant

a

aucune de ses

dispositions antérieures, était la suite visi ble de

de son profood découragemeot. Se taisant avec

Napoléon comme on a coutume de faire avec les

incorrigibles, il avai t demandé

a

se retirer, pour

finir sa vie daos le repos et la piété. D'autres

personnages moins résignés avaient manifesté

plus ouvertement leur chagrin. Ney, disait-on,

avait laissé échappé des paroles violentes ; Mar–

mont avait profité d'une ancienne intimité pour

hasarder quelques avis; Macdonald, avec un mé–

lange de finesse et de simplicité un peu rude,

avait dit son sentiment; M. de Caulaincourt avait

réitéré l'expression du sien, avec son courage

ordinaire et une sorte de h auteur respectueuse.

Tous n'avaient que le mot de paix

a

la bouche.

Enfin l'impératrice, saos donner un avis , car elle

ne savait qui avait tort ou raison, s'était bornée

a

pleurer. Elle érai t épouvan tée pour elle, pour

son fils, meme pour Napoléon , qu'elleaimait alors

comme une jeune femme aime le seul homme

qu'elle ait connu.

Cette idée de la paix, qui le poursuivait commc

un reproche amer, importunait Napoléon, d'au–

tant plus qu'apres ne l'avoir point voulue quand

il dépendait de lui de l'obteuir,

il

sentait qu'au·

jourd'bui, meme en la voulant, il ne l'obtiendrait

pas, et que cette paix longtemps repoussée s'en–

fuirait

a

son tour quand il courrait apres elle:

siuguliere et fatale vcngeancc des choses de ce

monde! L'Europc certainemen t venait d'offrir

avec bonnc

foi

la reprise des négociations, mais

on pouvait douter de cette bonne

foi

quand on

n'était pas dans le secret de ses conseils, et il

était probable d'ailleurs qu'elle ne persisterait

pas daos une telle offre, des que notre faiblesse,