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L'INVASJON. -

NOVEMBRE

18{5.

5H

pressant, et tant il sentait qu'il fallait, au dedans

comme au dehors, des satisfactions

a

l'opinion

courroucée. Ainsi sous les gouvernements despo–

tiqucs aussi bien que sous les gouvernements

libres, les instruments des fautes sont punís;

seulement ils le sont avec moins de ménagement

pour l'orgueil du maitre, qui est réduit a se con–

damner lui-meme en les frappant, aveu fücheux

et la plupart du temps stérile, parce que le sacri–

ficc arrive lorsque le mal est irréparable.

Lesdeux auteurs de la chute de·M. deBassano,

lUM. de Talleyrand et de Caulaincourt, étaient

seuls capables de

le

remplacer. Napoléon songea

d'ahord au premier, qui avait en Europe plus

d'autorité que

le

second, quoiqu'il inspirat moins

d'esLime. M. de Talleyrand, avec sa rarc sagacité

politiquc, voyait venir la fin de l'Empire ; pour–

la-n:t

il

n'cn éta·i·t pas assez sur pour rcfuser la

direction d'es affnires étrangeres,

a

laquelle

il

devait sa grandcur. :Mais se défiant du despotisme

de Napoléon autant que Napoléon se défiait de

sa fidélite, il attachait du prix a rester grand di–

guitairc, Or, sur ce sujet, Napoléon s'était fa it

un systcme, c'était de ne jamais réunir chez le

meme ind.ividu le pouvoir rninistéricl et la qualité

de grand dignitaire. Dans son cmpirc, tel qu'il

l'avaitimaginé, les grands dignilaires, émanation

de l'autorité souverainc, veiJlant de haut

a

]'une

des branches de radministration , avaient quel–

que chose de l'inviolabilité du monarque comme

ils avaient quelque chose de son auguste carac–

tere. Or,

il

ne voulait pas que ses ministres fus–

sentinviolables, et M. de Talleyrand moins qu'un

autre. Mais M. de l 'alleyrand tenait

a

l'etre sous

un lel maitre , du moins autant que possible. Pour

ce motif si mesquin on ne s'entendit point, et

M. de Caulaincourt devint ministre des affaires

étrangeres. On n'en pouvait trouver un plus

estimable, plus estimé, mieux accueilli de l'Eu–

rope.

Napoléon profita de l'occasion pour opérer

quelques autres changemcnts dans le ministere,

les

1.ms

résultant de celui qui venait de s'accom–

plir , les autres proj-etés depuis quelque ternps.

En retirant a M. de Bassano la direction des

affaires étrangeres, Napoléon n'entendait cepen–

danit pas laisser sans emploi ce fidele serviteur,

et il lui rendit le poste de seerétaire d'État, qui le

repla<¡ait dans la plus intime confiance du mo–

narque. C'était le ramener au point de départ de

son ambition, mais il fallait céder

a

l'opinion

déja plus forte en ce moment que Napoléon lui–

meme. La secrétairerie d'État était alors occupée

par

1'1.

Daru. Il y avait encore moins de rnotifs

de laisser sans emploi un personnage dont le sa–

criftce n'était pas plus désiré par l'opinion qu e

par le monarque. M. Daru , administrateur inte–

gre , ferme, infatigable, sans cesse

a

la suite de

Napoléon dans ses campagnes les plus difficiles,

ayant partagé tous ses dangers, passait pour

avoir en mainte occasion donné d'utiles conseils,

et personne n'aurait vu daos son éloigncment un

avanlage pour les affaires. Napoléon qui le pen–

sait ainsi lui confia l'un des deux ministeres de la

guerre. Le général Clarke, duc de Feltre, avait

l"administration du personnel, M. de Cessac cellc

du rnatériel. Ce dernier avai t déja r endu de

longs services, et était capable d'en rendre en–

core; mais Napoléon , contra int de faire vaq uer

des places, lui accorda un repos anticipé, en y

ajoutant du reste les marques de distinction les

plus méritées.

1\1.

Daru succéda a M. de Cessac.

Enfin le grand juge Reynier, due de 1\lassa, ma–

gistrat laborieux et integre, rnais agé, ne pou–

vait plus supporter les fatigues d'une gran<le

administration. Napoléon, quoique ayant pour

lui beaueoup d'estime, l'avait déja éloigné tem–

porairement a la suite d'une· Jongue maladie, et

il choisit cette occasion de le rcrnplacer définiti–

vement par

1\f.

le comte Molé, dont

il

aimait

!'esprit, le nom et la maniere de penscr. Napo–

léon , ne voulant pas que ce remplacement de–

vint une disgrace pour le duc de l\fassa, résolut

de luí eonfier la présidence du Corps législatif.

M. de l\fassa n'étai t pas membre du Corps légis–

latif, et n'avait par conséquent aucune chance de

se trouver sur la liste des candidats

a

la prési–

dence que ce corps avait le clroit de présenter.

On ne se laissait pas arreter alors par de telles

difficultés

!

Il fut décidé qu'on apporterait un

changement

a

la constitution au moyen d'un sé–

natus-eonsulte, et que le Corps législatif ne con–

tribuerait plus a la nomination de son présidcnt

par une présentation de candidats. Ce n'était pas

le moment de donner des déplaisirs

a

un corps

qui, suivant un exemple alors assez commun,

scmblait acquérir du courage

a

mesure que Na–

poléon perdait de la force; cependant on passa

outre, et ce sénatus-consulte, moins indi:fférent

qu'il ne paraissait l'etre, fut préparé avec plu–

sieurs autres plus utiles et plus urgents.

JI

s'agissait,

a

la veille d'une lutte supreme

contre l'Europe, de trouver des homme et de

l'argent, d'en trouver beaucoup et r apidement.

Or ces deux moyens essentiels de toute guerre

étaient épuisés. Au mois d'octobre précédent,