L'INVASlON. -
DÉCEMBRE
t8t5.
3i?i
M. de Bassano
a
M. de Caulaincourt
la
corres–
pondance avec les cours éÚangeres. M. de Met–
ternich, en recevant la r éponse de M. de Bassa no
a la fois énigmatique et ironique, avait. r épliqué
· le 2 1> novernbre, apres en avoir con féré avec les
com·s alliées, et sa réplique contenait a peu pres
ce qui suit. On apprenait avec plaisir, disait-il,
que l'Empereur eut enfin reconnu daos l'espece
de mission donnée a M. de Saint-Aignan
UD
désir sincere de paix, qu'il cut désigné l\fanheim
pour Jieu de réunion d' un congres, ehoix auquel
on adhérait volontiers; mais, ajoutait-il , on ne
voyait pas avec le meme plaisir le soin que le
gouvernement franc;ais mettait
a
éviter toute
cxplication sur les bases sommaires proposées
a
Francfort, et on ne pouvait se dispenser de
demander avant toute négociation l'ad option for–
melle ou le rejet de ces bases .
11 fallait s'applaudir de voir les coalisés insistcr
encore sur l'adoption des bases de Francfort,
bien qu'il füt déja douteux que daos ce moment
ils Je fissent de bonne foi, et on devait se h ater
de les prendrc au mot·pour Jes empccher de se
dédire. La présence de
l\f.
de Caulaincourt au
département des affaires étrangeres ne laissait
pas d'incertitude sur la réponse. ll insista aupr es
de Napoléon, et il obtint qu'on répondit comme
on aurait du le faire des le 16 novembre. Sans
perdre un instant il écrivit, le 2 décernbre, qu'en
accédant a l'idée d'un congres et au príncipe de
l'indépendance de toutes les nations établies .
dans leurs frontieres naturelles, on avait bien
entendu adopter les bases sommaires apportées
par M. de Saint-Aignan; qu'en tout cas on les
acceptait actuellement d'une maniere expresse;
qu'elles exigeraient de la part de la France de
grands sacrificcs, mais que Ja France ferai t volon–
tiers ces sacrifices a la paix , sut'tout si l'Angle–
terre , renonc;ant de son cóté aux conquctes
maritimes qu'on avait droit de lui redemander,
consentait a reconnaitre sur mer les príncipes de
négociation qu'elle prétendait faire prévaloir sur
terre.
11 est probable que, donnée dix-buit jours plus
tót, ccttc réponsc eut imprimé un tout
aut.recours aux événements. Maintenant elle laissait
bien des prétextes a un changement de résolu–
tion de Ja part des puissances coalisées, si, mieux
instruites de notre détressc, elles voulaicnt reve–
nir sur ce qu'elles avaient offert
a
Fr•ancfort.
En se résignant aux limites naturelles de la
France, Napoléon se réservait néanmoins de
rcten~r
encore tout ce qu'iJ pourrait au dela de
ces limites, et dans les instructions du plénipo–
tentiaire que déja
i1
avait cboisi (c'était
1\1.
de
Caulaincourt),
iI
établissait les conditions qui
suivent. En concéda nt qu'il n'a u:raü rien au dela
du Rhin, il entendait toutefois garder sur la rive
droite Kehl vis-a-vis de Strasbourg , Cassel vis–
a-vis de Mayence, et en outre la ville de Wesel,
située tout entiere sur la rive droite, mais deve–
nue une sorte de ville franc;aise . Quant
a
la Hol–
lan<lc, il ne désespérait pas d'eu garder une partic
en abandon nant les colonies bollandaises
a
l'An–
gleterre. En tout cas il avait le proj et de disputer
sur les limites qui la sépareraient de la France,
et de proposer 'abord l'Yssel, puis le Leck, puis
le Wahal, fronti ere dont il était résolu
~t
ne
point se départir , et qui lui ass urait ce qu'il avait
enlevé de la Hollandc au roi Louis. 11 entcndait
de plus que la Hollande ne retournerait pas sous
l'autorité de la maison d'Orange, et qu'elle rede–
vicndrait république.
Quant
a
l'Allemagne, il consentait bien
a
re–
noneer
a
la Confédération du Rhin, mais a la
condiLion qu'a ucun lien fédéral ne réunirait les
États nll emands entre eux, et qtr'en rcndan t
a
la
Prusse i\Iagdebourg, a
l'
Angletcrre le Hanovre,
on formerait de la Hessc et du Brunswick un
royaume de Westphalie, indépendant de
In
France, mais destiné au prince Jéróme.
Napoléon voulait qu'Erfurt fót accordé
a
la
Saxc en dédommagement du grand-duché de
Varsovie , que la Baviere conservat la Jigne de
l'Inn, afio de n'etrc pas forcé de lui céder Wurz–
bourg, ce qui aurait obligé d'indemniser le duc
de 'Vurzbourg en Italie.
En ltalie il admeltait que l'Autriche eut, outre
l'Illyrie, c'est-a-dire Laybach et Trieste, une por–
tion de tcrritoire au dela de l'Isonzo, mais
a
condition que la Francc s'avancerait daos le Pié–
mont autant que l'Aulriche dans le Frioul. Tout
ce que la France avait posséd é dans le MiJanais,
Je Piémont, la Toscanc, les États romains, con- .
stituerait un royaume d'Italie, également indé–
pendnnt de l'Autriche et de la France, et réservé
au prince Eugene.
Le Pape retournerait
a
Rome, mais saos sou–
veraineté temporelle. Naples restcra it a :Mural,
la Sicile aux Bourbons de Naples. L'ancien roi de
Piémont obtiendrait la Sard aig ne seulement.
Les ilcs Joniennes feraicnt retour a l'un des
États d'llalie, si Malte ét.ait cédée
a
la Sicile. Dans
Je cas contraire, les ilcs Ioniennes appartien–
draient
a
la France avec l'Jle d'Elbe.
L'Espagne serait rcstituée a Ferdinand VII , le