VINVASION. -
DÉCUBRE
·1815.
52 l
ments pout· acheter aulo\11' d'cux ceux qu'ils
pourraient se procurer.
On avait de la poudre, du plornb, des fers de
toute sorte, des armes blanch es, des ca nons,
mais on manquait de fusils, et ce fut l'une des
principales causes de not1·e ruine . Pendaut sa
prospérité , Napoléon en avait poussé la fabrica–
tion jusqu'a un million . .Mais la campngne de
Russie, ou plus de
t>OO
mille avaient été enfou is
sous les neiges, celle <l'Allemagne ou nous e11
avions perdu 200 mille, les places étrangcres
enfin dans lesquellcs il était resté une a sez
grande quantité d'armes
fran~a iscs
, avaient
épuisé nos arsenaux. Les aleliers pour la fabrica–
tion des fusils étaient plus difficiles a créer que
les ateliers pour l'habillemcnt et le harnache–
ment, et pourtant c'était n'avoir rien fa it que
de se procurer des hommes si on ne parvenait
a
les armer. Chose étrange qui caractérisait bieo
cetle politique, si occupée de la conquéte, et si
oublieuse de la défense, la France menacée avait
plus de peine
a
trouver 500 mille fu sils que
500 mille hornmes pour les porter.
On tira des ouvriers des provinces ou les di–
verses industries du fer sont pratiquées, et on
les réunit soit a París , soit a Versailles, afi n d'y
établir des ateliers pour la réparation et la fabri–
cation des armes
a
feu. On en fit au tant dans les
grandes places de seconde ligne. On eut rccours
a un autre moyen pour se procurer des fu sils,
ce fut de désarrner les régiments étrangcrs, tous
devenus suspects,
a
l'exception des Suisses et des
Polonais. Le meme jour et sur divers points on
désarma les Hollandais, les Hanséates, les Croa tes,
les Allemands, et on mit a pied ceux d'en tre eux
qui appartenaient a la cavalerie. Cette mesure
procura quelques mille fusils et quelques cen–
taines de chevaux. On vida ensuite les arsenaux
de la marine, et néanmoins l'entetement J e l'es–
prit de conquete était tel chez Napoléon, qu'il
ne craignit pas de faire embarquer a Toulon pour
Genes ?50 mille fusils destinés
a
l'Italie, daos un
moment ou
il
n'était pas sur d'en avoir assez
pour la défense de Paris
!
Pendant qu'il s'effor9ait ainsi de rétablir ses
ressources par des prodiges d'activité adminis–
trative,
il
songea
a
s'en ménager quelques-unes
aussi par une politique sage, mais trop tardive
!
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envoya le général Delort
a
Francfort pour
traiter avec les généraux ennemis de la reddition
des forteresses de la Vistule et de l'Oder,
a
la
condition de la rentrée immédiate des garnisons
en France avec armes et bagages. Si celte con-
coNsoLAT.
5.
dition étai t ag réée, le général Dclol't dcvait fairc
cnsuitc des ouver turcs pour les garnisons bien
plus importantes de Harnbourg, de Magdcbourg,
de \>Vi ltenberg, d'Erfurt, etc . Une pareillc con–
Vl' ntion cut fait rentrer cent milf c solda ts de
premiere qualité, et en eut procuré, il est vrai,
un nombre égal aux coa1isés, en mcttant fin au
blocus des places. Mais tandis qu'elle nous eut
restitu é de bons soldats, elle n'eut rendu dispo–
nibles chez nos ennemis que les soldats les plus
niédiocrcs, et d'aill eurs daos l'état de dénument
ou nous étions, 100 mille hornmes nous impor–
taient plus que 200 millc
a
la coalition. l\ia1heu–
reuscment cettc raison , qui ava it provoqué la
violation de la capitulation de Dresde, nous lais–
sait pcu d'espérance de réussir dans une négo–
ciation de ce genre.
11
y avait une ressource bien supérieure en–
cor e
a
celle-la, c'était celle qu'on aurait tro uvée
dans les armée3 d'Espagne, si on avait pu les re–
porter des Pyrénées vers le Rhin. La, indépen–
<lamment du nombre, lout était excellent, in–
comparable : aucune troupe en Europe ne valait
les régiments du maréchal Suchet, ni ccux du
maréchal Soult. Ces derniers, restes de plusieurs
armées toujours malheureuses, étaient, il est
vrai, dégoutés de servir; mais le Rhin a défen–
dre, et le commandemenL direct de Napoléon ,
eussent certainement convertí leur dégou t en
zcle ardent.
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y a peu de témérité
a
dire que si
les 80 mille hommes placés actuellement dans
les mains du maréchal Suchet et du maréchal
Soult s'étaient trouvés en tre le Rhin et París,
jamais la coalition n'aurait approché des murs
de notre capitale. Pour les y amcner
il
aurait
fallu conclure la paix avec les Espagnols, mais
cette paix, qui semblait devoir etrc si facile en
rendant aux Espagnols Jeur roi et leur territoire,
était plus difficile peut-etre que celle qu'on espé–
rait négocier
a
Manheim.
11
ne suffisait pas, en
effct, que Napoléon renon9at
a
l'Espagne pour
que l'Espagne
renon~at
a
lui, qu'il repassa t les
Pyrénées pour qu'elle consentit a ne pas les pas··
ser ell e-meme en compagnie des Portugais et des
Anglais. Le chatiment des fautes serait en vérité
trop léger s'il suffisait de n'y pas persister pour
en abolir les conséquences
!
Napoléon, ainsi que nous l'avons dit, avait dc–
puis environ deux années résolu d'aba ndonner
l'Espagne, saos dire toutefois son secret, qui a
laissé assez de traces daus nos archi ves pour que
l'histoire n'en puisse douter. Cependant avec un
caractere tel que le sien,
il
n'était pas possible
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