L'rnVASION. -
DtCEMJJRE
'1815.
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son nom. Plus d'une fois il jura sur ce qu'il y
avait de plus sacré qu'il tiendrait sa parole en.
roi, en honnete homme, en bon ehrétien. Bien–
tót s'animant davantnge, et sorlant des profon–
deurs de sa dissimulation,
il
laissa éclater une
p:ission extraordinaire d'etre libre, de partir, de
régner, ce qui était fort légitime, et insista de
toutes ses forces pour qu'on adoptat sa proposi–
tion, comme la seule qui offrit des chnnces de
succes.
Cependant les instru ctions de Napoléon étant
formelles,
il
fallait bien s'y soumettre, et on
conclut i.m traité par lequel Ferdinand VII de–
vait rentrer en Espagne, des que l'autorité de Ja
régence aurait aceepté ce trailé , et orclonné son
exécution. Les conditions étaient celles que nous
avons dites : intégrité coloniaJe et contincntale
de l'Espagne, restitution des places cspagnolcs,
retour des garnisons
fran~aises,
relraite des ar–
ruées espagnoles et anglaises au dela des Pyré–
uées, amnistíe généralc, pension a Charles
IV.
Le mariage avec une filie de Joseph ne fut point
formellement stipulé. Ferdinand affirma qu'il
u'en contraclerait pas d'autre s'il élait libre, mai s
il ajouta que c'était une chose dont il ne serait
possible· de parler qu'a Madrid mcme.
Les articles ei-dcssus énoneés ayant été signés
le
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décembre, restait a savoir qui les porterait
a Madrid au nom de Ferdinand. L'envoyé était
tout indiqué, e'était le duc de Séln-Carlos lui–
meme. II fut convenu que ce personnage se ren–
drait en grande h:ite, et en obscrvant le plus
complet incogoito,
a
l'armée de Catalógnc, afin
d'endormir la vigilance des Anglais qu 'il auruil
fort éveillée en passant p:ir le quurtier général
de lord Wellington; qu'il tachera it d'arriver
a
.Madrid, et se transporterait meme
a
Cadix, si la
régence s'y trouvait encore, pour lui présenlcr
Je traité et en obtenir la ratifica! ion. Le duc de
San·Carlos devait persuader aux sujets de Ferdi–
nand VII, devenus ro is
a
sa place, de songer
avant tout
a
le dé!ivrer, et de tout sacrífier
a
cet
objet essentiel.
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avail en meme temps pour
mission expresse de ne pas adhérer
a
Ja consti-
-tution, et, s'il y était obligé, de ne Je faif'e qu'a, ce
des réserv,es qui permissent de rompre les eoga–
gements qu'on aurait pris avec les soi-disant
facticux.
Ces choses arrctées, le cluc de San-Carlos partil
de
Valen~ay
le
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déccmbre, accompagné d<'s
vreux des prin ces csp:ignols, qui , mettant clésor–
mais toute dissi mulation de cólé, moutraient
mai11tenant une impatience presque enfantine
de devenir libres. Rassurés sur les intenlions de
Napoléoo, ils consentircnt a revoir ks fideles
srrviteurs doot ils avaient paru se déficr d'abord,
le chanoine Esco'iquiz, le sccrétaire Macanaz, le
défenseur de Saragosse, Palafox. Se flattaot que
ce dcrnier :rnrait plus de crédit aupres des Espa–
gnols que le due de San-Carlos, car il devait etre
rcligieusement écoulé d'eux s'ils n'avaient pas
perd u toute mémoire, on le
fit
partir par une
autre voie avec une copie du traité, afin· d'en
solliciter l'acceplation.
On n'étonner-a pe1·sonne en disant que Napo–
léon avait conduit cetle négocia lioo sans en parlcr
a
son frere Joseph, presque aussi prisonnier
a
l\forfontaine que Ferdinand VII
a
Valen~ay.
Joseph, commc on doit s'cn souvenir, avait re<;u
ordre, npres la bataille de Viltoria, de s'enferme r·
a
l\Jorfontaine, de n'y admettrc pcrsonne, et de
u'en point sortir, sous peine de devenir l'ohjet
de mesures séveres . Napoléon sed éfi ait tellement
du sang actif des Bonaparte, meme chez le plus
modéré de ses freres, qu'il n'avait pas voulu per–
mettre
a
Joseph d'allcr
a
Paris, dans la craintc
qu'il ne c.réat des díffic11ltés
a
la régente. L'espl"it
tout plein des troubles suscités pcndant les mi–
norités royales par les freres, oncles ou cousins
des rois, il voyait toujours Marie-Louise réduitc
a
défendrc son fils contre les prét.entions de ses
beaux-freres. Malgré ces ordres, Joseph était
ven u secrclemrnt a Paris, mais uniquement pour
ses plaisirs , et nullement pour des intrigues
politiques. Le duc de Rovigo, interprétant
a
la
lellre les ordres impériaux, avait fa it dire
a
Jose ph que si ses courses clandestiues se renou–
velaient, il serait obligé d'y mettre obstaele , de
quoi Joscph, déja fort offensé de tout ce qu'il
avait eu
a
souffrir, avait paru profondément
irrité.
Napoléon depuis son retour
a
París n'avait
point vu son f'rcre. ll ne voulut pas cependant
que la négocialion nvec Fcrdinand VII, tout
a
fait terminée, arrivat
a
etre connue de l'Europc
avant de l'etre de Joseph.
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ehargea le person–
nagc qui ordinairement luí servait d'intermé–
diaire, M. Rrederer, d'aller
a
Morfontaine pour
inf"ormer Joseph de tout ce qui ava it été fait, et
l'engagcr a redevenir paisiblement prince fran–
c;ais, largemcnt doté, siégeant au conseil de ré–
gence, servant de son mi eux Ja France qui était
son unique et dernicr asil e. Joseph eri recevant
ces communicat.ions se plaignit ameremrnt des
Lraitements dont
il
avait été l'ohjet, et montra
des restes de préteutions royales qui auraient