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LIVRE CINQUANTE ET UNIÉME.
qu'il
f:it
franchemcnt le sacrifice d'une conquete,
et
il
s'était encore flatté l'année précéJente de
conserver les provinces de l'Ebre. Ce dernier
rcve s'était cnfin évanoui, et
il
était décidé
a
r endre purcment et simplement l'Espagne
a
Fcrdin and VII, moyennant que ce prince signnt
la paix et la
fit
accepter
a
son peuple. Les con–
ditions du traité étaient faciles
a
imagincr. On
délivrerait d'abord Ferdiirnnd VII et les princes
détenus avec lui
a
Valen~ay;
on rendrait de plus
les prisonniers de guerre et les places fortes . En
rcto ur, les armées espagnoles rcntreraient chez
elles, exigeant que les troupes anglaises reotras–
sent
a
leur suite. 11 semblait qu'apres ces satis–
factions réciproques , la France et l'Espagnc
n'eussent plus rien
a
se demander l'une a l'autre.
Mais de fücheuses circonstances compliquaient
cettc situation en ap:parence si simple. Les Espa–
gnols aspiraient a se venger, et a ravager la
France
a
leur tour. Les Anglais, apres avoir con–
tribué puissamment
a
leur délivrance' n'étaient
pas gens a prendre le congé qu'on lcur signifie–
rai t, et a repasser les Pyrénées sur une somma–
tion partie de Cadix ou de Madrid. D'ailleurs un
cngagement contenant la condition de ne pas
traitcr l'une sans l'autre liait l'Angleterre et l'Es–
pagn~
Enfin les Cortes, exeri;ant en ce moment
la royauté, n'étaient pas pressées de résigner
lcur toute-puissancc aux pieds de Fcrdinand VII,
et n'avaient pas autant que l'Espagne et que lui–
memc le désir de son retour. En tout cas elles
ne voulaicnt lui rendre son sceptre qu'a condi–
tion qu'il preterait sermcnt
a
la constitutiou de
Cadix. Par ces divers motifs, il se pouvait que
ni les Anglais ni les représentants de l'Espagne
ne consentissent
a
la ratification d'un traité signé
a
Valen~ay,
pour recouvrer Ferdinand VII au–
quel ils ne tenaient guere. Ferdinand lui-méme,
une fois délivré, pouvait bien ne pas se soucier
du traité qui luí aurait ·rendu sa liberté, dire
qu'on ne devait rien
a
qui vous avait trompé, et
s'armer ainsi d'une raison alléguée jadis par
Fran~ois
Jer,
et nullement condamnée par les
docteurs en droit public, c'est qu'un engagement
pris en captivité ne lie pas. La conduitc suivie
en
1808
en-vers ·la famille royale d'Espagne avait
été tclle, que personnc en Europe, memc en
France, n'eut osé blamer le prisonnier de Valen–
<;ay. Napoléon, ce Iioo si ficr, n'eut paru en cette
occasion qu'un renard pris au piége.
Si, au contraire, par une défiancc toute natu–
relle, Napoléon déteoait Ferdinand VII jusqt:1.'a
ce que le traité conclu avec lui cut été por·té
a
Cadix et acceplé ,par la régence,
i.J
était possible,
les Anglais aidant, et aussi les Cortes, qu'on re–
poussli:t le traité, qu'on le déclarat nul comme
ayant été conclu en captivité, et qu'on en remit
l'acceptation jusqu'a la ·renlrée de ce prince en
Espagne. Ferdinand VII en serait plus longtemps
prisonnier, mais les Anglais n'auraient pas plus
de chagrín que les libéraux espagnols de sa cap–
tivité prolongé.e.
Dans cette alternativ.e de voir le traité méconnu
par Ferdinand VII ou par ceux qui exeri;aient
son autorité en son absence, le plus stlr eut été
encore de renvoyertout simplement le monarque
espagno! dans ses États. En Je renvoyant on avait
au moins la chance de sa fidélité a sa parole,
dont son extreme dévotion offrait quelque ga–
rantie, tandis qu'en expé<iliant le traité sans lui,
on avait la presque certitude que ce traité serait
rcpoussé par les Anglais et par les Es·pagnols,
fort ünpatients les uns et les autres d'envahir le
midi de
la
France. M. de Caulaincourt était
d'avis de courir le risque de la coafiance. Napo–
léon, qui ne se fiait pas du touta Ferdinand VH,
et qui avait ses raisons pour cela, voulut user
d'un moyen te11me consistant, apres avoil' conclu
un traité a;vec Fe:rdinand VII, a faire porter se–
cretement ce traité en Espagne par un h.ommc
sur qui tacherait d'éveiller chez les vieux servi–
teurs de la dynastie le désir de la revoir, et qui
aurait d'ailleurs pour les persuader un autre ar–
gument, celui de la restitution immédiate des
places fortes espagnoles. De plus, comme
H
ar.–
rive souvent entre alliés faisant la guerre en
commun, les Anglais .et les Espagnols étaicnt
assez mécontents les uns des autres, et il étáit
probable que les Esp.agnols ne seraient pas
fac~1és
de pouvoir dire aux Anglais qu'ils n'a;vaicnt plus
besoin d'eux, auquel cas ces dernicrs, privé:; du
concours des armées espag.noles, et .n'ayant plus
de ligne de Fetraite assurée a travcrs les Pyré–
nées, n'oseraient .pas rester sur.la.frontie.i:e fran–
~aise.
Ce fut d'a,pres ces vucs que Na
1
poléon arreta
sa conduite a l'égard de Fcrdinand VII. U donna
l'ordre a
l\f.
de Laforest, .longtemps ambass.adeur
a Madrid, de se rendr.e sous un nom supposé
a
Valen~ay,
de s'aboucher en grand ·secret avec
les princes
csp~gnols,
el de leur proposer les
conditions de paix suivantcs .: évacuation réci,..
proque des
territoir.es, retour de Ferdinand VII
a Madrid, restitution des prisonnicrs, retraite
des Anglais . - Na.poléon y ajoutaít diverses
conditions parLiculie-res qui lui faisaient bon-