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522

LIVRE CINQUANTE ET UNIÉME.

qu'il

f:it

franchemcnt le sacrifice d'une conquete,

et

il

s'était encore flatté l'année précéJente de

conserver les provinces de l'Ebre. Ce dernier

rcve s'était cnfin évanoui, et

il

était décidé

a

r endre purcment et simplement l'Espagne

a

Fcrdin and VII, moyennant que ce prince signnt

la paix et la

fit

accepter

a

son peuple. Les con–

ditions du traité étaient faciles

a

imagincr. On

délivrerait d'abord Ferdiirnnd VII et les princes

détenus avec lui

a

Valen~ay;

on rendrait de plus

les prisonniers de guerre et les places fortes . En

rcto ur, les armées espagnoles rcntreraient chez

elles, exigeant que les troupes anglaises reotras–

sent

a

leur suite. 11 semblait qu'apres ces satis–

factions réciproques , la France et l'Espagnc

n'eussent plus rien

a

se demander l'une a l'autre.

Mais de fücheuses circonstances compliquaient

cettc situation en ap:parence si simple. Les Espa–

gnols aspiraient a se venger, et a ravager la

France

a

leur tour. Les Anglais, apres avoir con–

tribué puissamment

a

leur délivrance' n'étaient

pas gens a prendre le congé qu'on lcur signifie–

rai t, et a repasser les Pyrénées sur une somma–

tion partie de Cadix ou de Madrid. D'ailleurs un

cngagement contenant la condition de ne pas

traitcr l'une sans l'autre liait l'Angleterre et l'Es–

pagn~

Enfin les Cortes, exeri;ant en ce moment

la royauté, n'étaient pas pressées de résigner

lcur toute-puissancc aux pieds de Fcrdinand VII,

et n'avaient pas autant que l'Espagne et que lui–

memc le désir de son retour. En tout cas elles

ne voulaicnt lui rendre son sceptre qu'a condi–

tion qu'il preterait sermcnt

a

la constitutiou de

Cadix. Par ces divers motifs, il se pouvait que

ni les Anglais ni les représentants de l'Espagne

ne consentissent

a

la ratification d'un traité signé

a

Valen~ay,

pour recouvrer Ferdinand VII au–

quel ils ne tenaient guere. Ferdinand lui-méme,

une fois délivré, pouvait bien ne pas se soucier

du traité qui luí aurait ·rendu sa liberté, dire

qu'on ne devait rien

a

qui vous avait trompé, et

s'armer ainsi d'une raison alléguée jadis par

Fran~ois

Jer,

et nullement condamnée par les

docteurs en droit public, c'est qu'un engagement

pris en captivité ne lie pas. La conduitc suivie

en

1808

en-vers ·la famille royale d'Espagne avait

été tclle, que personnc en Europe, memc en

France, n'eut osé blamer le prisonnier de Valen–

<;ay. Napoléon, ce Iioo si ficr, n'eut paru en cette

occasion qu'un renard pris au piége.

Si, au contraire, par une défiancc toute natu–

relle, Napoléon déteoait Ferdinand VII jusqt:1.'a

ce que le traité conclu avec lui cut été por·té

a

Cadix et acceplé ,par la régence,

i.J

était possible,

les Anglais aidant, et aussi les Cortes, qu'on re–

poussli:t le traité, qu'on le déclarat nul comme

ayant été conclu en captivité, et qu'on en remit

l'acceptation jusqu'a la ·renlrée de ce prince en

Espagne. Ferdinand VII en serait plus longtemps

prisonnier, mais les Anglais n'auraient pas plus

de chagrín que les libéraux espagnols de sa cap–

tivité prolongé.e.

Dans cette alternativ.e de voir le traité méconnu

par Ferdinand VII ou par ceux qui exeri;aient

son autorité en son absence, le plus stlr eut été

encore de renvoyertout simplement le monarque

espagno! dans ses États. En Je renvoyant on avait

au moins la chance de sa fidélité a sa parole,

dont son extreme dévotion offrait quelque ga–

rantie, tandis qu'en expé<iliant le traité sans lui,

on avait la presque certitude que ce traité serait

rcpoussé par les Anglais et par les Es·pagnols,

fort ünpatients les uns et les autres d'envahir le

midi de

la

France. M. de Caulaincourt était

d'avis de courir le risque de la coafiance. Napo–

léon, qui ne se fiait pas du touta Ferdinand VH,

et qui avait ses raisons pour cela, voulut user

d'un moyen te11me consistant, apres avoil' conclu

un traité a;vec Fe:rdinand VII, a faire porter se–

cretement ce traité en Espagne par un h.ommc

sur qui tacherait d'éveiller chez les vieux servi–

teurs de la dynastie le désir de la revoir, et qui

aurait d'ailleurs pour les persuader un autre ar–

gument, celui de la restitution immédiate des

places fortes espagnoles. De plus, comme

H

ar.–

rive souvent entre alliés faisant la guerre en

commun, les Anglais .et les Espagnols étaicnt

assez mécontents les uns des autres, et il étáit

probable que les Esp.agnols ne seraient pas

fac~1és

de pouvoir dire aux Anglais qu'ils n'a;vaicnt plus

besoin d'eux, auquel cas ces dernicrs, privé:; du

concours des armées espag.noles, et .n'ayant plus

de ligne de Fetraite assurée a travcrs les Pyré–

nées, n'oseraient .pas rester sur.la.frontie.i:e fran–

~aise.

Ce fut d'a,pres ces vucs que Na

1

poléon arreta

sa conduite a l'égard de Fcrdinand VII. U donna

l'ordre a

l\f.

de Laforest, .longtemps ambass.adeur

a Madrid, de se rendr.e sous un nom supposé

a

Valen~ay,

de s'aboucher en grand ·secret avec

les princes

csp~gnols,

el de leur proposer les

conditions de paix suivantcs .: évacuation réci,..

proque des

territoir.es

, retour de Ferdinand VII

a Madrid, restitution des prisonnicrs, retraite

des Anglais . - Na.poléon y ajoutaít diverses

conditions parLiculie-res qui lui faisaient bon-