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LIVRE CJNQUANTE ET UNlEME.
avant de quitter Dresde pour Lcipzig, Napoléon
avait chargé i'\Iarie-Louisc de se rendrc au Sénat
afio <l'obtenir la conscription de '181!), qui devail
fournir
160
mille conscrits, et en outre une levée
cxtraordinaire de
120
mille hommes sur les
classes de
1812, '18'15
et
1814,
déja libérées. Le
Sénat n'avait pas mis plus de difficulté
a
accorder
ces
280
mille hommes, qu'il n'en avait mis
a
Jivrer a Napoléoo tant d'autres victimes de la
guerre actuell ement ensevelies daos les plaincs
de la Caslille, de l'Allemagnc, de la Pologne, de
Ja Russie. Malbeureusement ces immenses levées,
dont le prompt succcs était si désirable, étaient
plus faciles
a
décr éter qu'a exécuter.
Parmi les 280 mille hommcs dont l'appel avait
été décidé en octobre,
il
fall ait considérer comme
ne
pouvant rendre aucun service prochain Ja con–
scription de
181D
qui, grace au systemc des
anticipations, devait donner des sold ats de
18
et
de
19
ans, c'est-a -dire des enfants, braves mais
faibles , et incapables de supporter les rudes tra–
vaux de Ja guerre. L'Europe avait vu périr des
milliers de ces enfants , qui, pleins d'ardeur sur
le champ de balaille, mouraient bientót de fati–
gue sur les grandes routes ou dans les hópilaux.
Napoléon n'en voulait plus, et s'il avait demand é
la conscription de
18'15 ,
c'était daos la peo éc
d'en former une r éserve qui remplirait les dé–
póts et occuperait les places fortes. II n'y avait
done
a
compter que sur les
'120
mille homme
des classes antéricures. l\1ais cclte lcvée, Ja seulc
utile, était d'une exécution difficile parce qu'il
fallait rechercher des hommes précédemment
libérés, et qui, ayant déja répondu
a
plusieurs
appels par des remplac;ants, se voyaient frappés
jusqu'a trois et quatre fois. Aussi ces r ecours aux
classes antérieures, tout en procurant la meil–
leure qualité de soldats, avaient-ils l'inconvé–
nient d'exciter les mécontentements les plus
violents,
et
d'exiger des ménagements qui ren–
daient les appels beaucoup moins productifs.
Ainsi il fallait reooncer aux hommes mariés, aux
individus jugés nécessaires
a
leurs famill cs, et
tandis qu'on avait espéré 100 mille hornmes, on
était heureux d'en obtenir
60
mille. Se fon dant
sur l'urgence des circonstances, Napoléon ima–
gina de recourir
a
toutes les classes libérées an–
térieurement, et de prendre tous les célibataires
qui n'étaient pas retenus chez eux par les raisons
]es plus légitimes. Évaluant a
500
mille les sujets
qu'il pourrait trouver par ce moyen, il
fit
rédi–
ger un sénatus-consulte qui l'autorisait.
a
lever ce
nombre d'hommes sur les classes antérieures, en
remontant de
'18-15
a
1805.
Ces
500
mille
hommes
2
joinls aux
280
mille décrétés en octo–
bre, portaient
a
environ
600
mille les levées
qu'on allait exécuter durant cet hivcr, et jamais,
il
faut le dire, on n'avait fait
a
une population
des appels aussi exorbitants, aussi ruineux pour
les générations futures. Ce n'élait pos l'opposi–
tion du Sénat qu
1
on craignait, mais celle des
famillcs, et il était fort douteux que, meme la
loi a la main, on les amenat a sati faire a de pa–
reillcs cxigences. Certainement si les
600
mille
hommes dont il s'agissait avaicnt pu étre réunis,
instruits, incorporés
a
temps, on aurait eu plus
de soldats qu'il n'en fallait pour refouler ·1a coa–
lition au <lela de frontieres. l\Iais avec le soule–
vemcn t des espri ts con tre la guerre, avecl'opinion
régnante qu'on la faisait pour Napoléon seul,
combien y en avait-il parmi ces 600 mille hommes
qui r épondraient
a
!'appel du gouveraement? Et
combien de temps surtout aurait-on pour les
convertir en armées rrguliercs? Personne ne le
pouvait dirc. Nnpoléon néanmoins, habitué a la
soumission des peuples,
a
!'incapacité et
a
la len–
teur de ses adversaires, espérait obtenir une
grande partie des hommcs appelés, et avoir
jusqu au mois <l'avril pour les préparer
a
la pro–
ebaine campagne. Ces plans furent fondés sur
cette double supposition.
Ces
600
mille hommes, qu'ils arrivassent un
peu plus tót ou un peu plus tard, il fallait les
payer , et les finances de Napoléoo, si bien admi–
nistrées pendant quinze années, venaient,comme
toutcs les autres parties de sa puissance, de suc–
comber par suite de I'abus qu'il en avait fait. O_n
a vu comment es budgets de 7!)0 millions (saos
compt er
120
millions pour les frais de perception)
étaient successivement montés
a
un milliard,
apres Ja réunion de Rome, de Ja Toscane, de
l'Illy rie , de la Hollande, des vílles hanséatiques.
Laguerre ayant pris dcpuis
'1812
desproportions
gigantesques , le budget de
1815
avait été évalué
a
1 ,191
millions, sans les frais de perception. Les
dépenses de Ja derniere campagne, celles du
moins qui se soldaient par le budget, s'étant éle–
vées de
600
a-
700
millions, on estimait que ce
budget atteindra-it le chiífre, énorme alors, de
1,500
millions (
1,II-20
avec les frais de perception).
Ainsi en deux ans on était arrivé d'un milliard
a
1,400 millions de dépenses, et si on se reporte
aux valeurs de cette époque, on verra quelle
charge supposait un chitfre aussi considérable.
Ce n'était ríen toutefois si on parvenait
ay
faire
fa
ce. Mais indépendamment des 100 millions