LlVRE CINQUANTE ET UNIEJ.\IE.
ration germanique plus forte que l'ancienne,
mieux Jiée surtout conlre la France, dirigée non
par l'empereur d'Autriche qu'on regardait comme
trop modéré pour Je rcfairc empereur d'AJlcma–
gne, mais parunedietcqu'animeraientles passions
les plus violentes, les plus antifraw;aiscs qu'on put
allumer. Tellesétaient les vues desesprits ardents,
soit parmi les chefs de la coalition, soit parmi les
agents secondaires qui entouraic11t la cour nom–
Lreuse et ambulante des monarques alliés.
Les Anglais toutefois,
dev~nus
un peu plus
modérés sous l'influcnce du Parlement qui ne
cessait de reprocher aux ministres leur haine
a,·eugle contre Ja France, et représcntés
a
Franc–
fort par un esprit des plus sages, lord
A
berclecn,
auraicut répugné
a
autant de bouleverscments,
si daos Je nombre il ne s'en était .trouvé un qui
répondait
a
tous Jeurs vooux, celui qui con–
sistait
a
óter
~
la France les Pays-Bas , c'est-u–
dire Anvers et Flcssingue. Cependau t ils osaient
a
peine espérer un pareil résultat, et ne pous–
saient leurs prétentions que jusqu'Q.Q. allaicnt
Jeurs espérances. Lcurs agcnts inféricurs, moins
mesurés, osaient seuls parlcr comme les Prus–
siens, qui étaient les provocateurs principaux de
ces résolutions extremes. Chose singuliere, les
Pru~icns,
ayant dans leur coour tous les senti–
ments de la révolution
fran~aise,
étaient, pnr
haine contre la France, les plus ardcnts fautcurs
de cctte especede contre-révolution europécnne.
Aimant la liberté jusqu'a épouvanter lcurs prin–
ces, ils voulaient, par esprit de vengeaoce, ne pas
laisser trace de ce que la révolution
fran~aise
avait fait en Et:rope. lis ne se contentaient pas
de mener leur roi, ils entraiuaient l'empercur
Alexandre, en le flattant, en le qualifiant de roi
des rois , de chef supreme de la coalition, en Jui
attribuant les grandes résolutions de cette guerre,
eu lui promettant de la conduirc
a
París, ce qui
e~altait
jusqu'au délire la vanité de ce prince.
Alexand1·e, aimablc p11r nature et par calcul ,
ajoutant a son amabilité naturelle un soin conti–
nuel
a
flatter loules les passions, caressait les
Prussiens dont il ne cessait de van ter le courage
et Je patriotisme pour les avoir avec lui contre
les Autrichiens qu'il jaJousait, caress11it les Aulri–
chiens eux-mcmes en affcctant de dire qu'on Je ur
avait du
a
Prague le salut de l'Europe, et enfi n
se gardait .de uégliger les Aoglais qu'il appelait
les modeles de la persévérance, les premicrs
auteurs de la résistance
a
Napoléo o, les premier s
vainqueurs de ce conquérant réputé invincible.
Ainsi parlan t, landis qu'il fcignait a Francfort
d'appuyer les avis modérés, secretement
il
lachait
Ja bride aux esprits ardents, el les laissait faire
pour se les attacher. Par ces moyens il avait
réussi
a
maintenir. la coalition qui aurait été
fort mcnacéc de désunion sans son savoir-fairC',
et s'y était :icqµis une autorité prépondérante.
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avait aupres de luí, et s'était attaché en lui
donnant asile
a
sa cour, le fameux comte de
Stein, ce Prussien qui avail été obligé de cher–
cher un refuge en Russic contre le courroux de
Napoléon, et qui <lepuis avait exercé beaucoup
d'influence sur Alexandre et sur la coalition.
Ou l'avait mis a la tete d'un comité qui .dirigeait
les affaires allemandes, et administrait au )Jl'Ofit
des armées coalisées les territoires reconquis sur
la Francc, et dont la restitution aux anciens pos–
sesseurs nºétait ni accomplie, ni meme décidée.
Ces territoires étaient ceux de Saxe, de Hesse, de
Wcstphalie, de Brunswick , de Hanovre, de Berg,
d'Erfurt, etc. Quant aux confédérés du Rhin,
alliés qui nous avaient trahis, ce comité ne leur
tenant aucun co.mple de leur défcction, leur avait
imposé en hommes et en argent le double de ce
qu'ils avaient jadis fonrni
a
la France. On avait
soumis
a
un contingcnt de
141>
mille hommes, et
f.
un subside de 84 millions de florios (Jeque!
avait été remis a la Prusse,
a
la Russiei
a
l'Au–
triche, en obligations portant intérets) les États
suivants: Hanovre, Saxe, Hesse, Cassel, Bcrg,
'Wurtemberg, Bade, Baviere. Le comité des at:.
faires allcinandes était ainsi une espece de comité
révolutionnaire, qui , agissant au nom du salut
public, ne mettait aucun freiu a ses volontés.
Sous le prétexte de livrer la direction de leurs
affaires aux Allemands
a
qui elle était due,
AJcxandre les livrait
a
eux-memcs,
a
condition
de les avoir avec luí dans tous les cas ou il pour–
rait en avoir besoin.
Un personuage singulier, un Corse, élranger
a
toutes ces passions par origine et par supério–
rité d'esprit, n'ayant, en fait de passion, que la
sienne qui était la haine, le célebre comte Pozzo
di Borgo, s'était réfugié aupres d'Alexandre, sur
leq uel
il
commen<;ait
a
prendre un asccndant
marqué. Cette haine, qui était son ame tout en–
tiere, quel en · était l'objet? demandera-t-ou.
C'était l'homme prodigieux sorti comme lui de
l'i le de Corse, et dont la gloire, en éblouissant le
monde, avait désolé son coour envieux.
11
y
avait
certes une arrogance bien rare ajalouser un génie
tel qlle Napoléon, car c'est au grand Frédéric,
c'est a César, Annibal, Alexandre, si Jcurs creurs
rcssentent encore les soucis de la gloire morteUe,