L'JNVASION. -
ntcE~IBRE
1815.
5!H
négociation, qu'ainsi on ne pouvait pas déclarer
tout haut ce qu'on céderait ou ce qu'on ne céde–
rait pas, car c'était dire son secret
[1
un ennemi
qui ne dísait pas le sien, ou bien présenler un
ultimatum,
sortc desommation qu'oun'employait
qu'au lerme d'une négociation, lorsqu'il était
urgent de metlre fin
a
des lenteurs calculécs, et
qu 'on avait la force de soutenir le langage péremp–
toire auquel on avait recours.
Éclairé par ces observations pratiques, M. Lainé
promit de faire entendre raison a ses collegues
sur ce point, et tint parole. En c:ffet, aprcs des
discussions fort vives, la commission r enon <;a
a
insister sur l'énumération détaillée des sacrifices
qu'on ferait
a
la paix, mais ell e eut soin de bien
spécifier que la France s'arretait irrévocablement
a
ses frontieres naturelles, sans rien prétendre
au dela, et que ce sacrificc élant sincerement
proclamé, c'élait maintenant
a
l'Europe a s'ex–
pliquer définilivement sur les bases de Francfort
P~'oposées
par elle, et form cllemcnt acceptées par
M. de Caulaincourt dans sa lcttre du 2 décem–
bre. Ce point une fois convenu, on passa
a
la po–
liliqueinlérieure, et toutes les passions éclatcrcnt
a
l'occasion de l'arbitraire sous Jeque! on gémis–
sait dans le sein de l'Empirc. La-dessus chacun
nvait des griefs sérieux
(1
allégu cr : impóts levés
sans Joi , vexations horribles dans l'application
des lois sur Ja conscriplion, abus i11supportable
des réquisitions en nature, ::irrcsl.ations illégalcs,
délentions arbit.raircs, cte... Sous tous ces rap–
ports, les foits étaient aussi nombrcux que va–
riés; et dans un momcnt oú le go uvcrnemcnt
demandait qu'on se dévouat pour lui , c'était bien
le cas de lui dire que pour le ciloyen patriote il
y avait dcux choses égalemcnt sacrées, le sol et
les lois: le sol , qui cst Ja place que l'hommc oc–
cupe sur la tcrre, et qu'il doit défcndre contre
tout cnvahisseur; les lois,
a
l'abri desquelles
il
vit, sclon lcsquelles l'a ulorité publique peut se
faire sentir
a
luí , et dont il a le droit de réclamer
l'observation rigoureuse. Le sol et les lois sont
les dcux objcts sacrés du vrai palriotisme. Tout
citoyen, en se dévou ant
a
l'un , cst fondé
¡,
c:xiger
l'autre ; tout citoyen a le droit de dire a un gou–
vernement qui lui demande de grands sacrifices:
Je ne vous aide pasa chasscr l'enncmi du ter–
ritoire , pour trouvcr la tyrannie en y ren–
trant.
Sur ce point les assislanls furcnt unanimes,
et on forma le projct d'une manifcslaLion mo–
déréc, mais expresse. Commc conclusion de ces
communications, on devait présenter un rapp ort
au Corps législatif, daos lcquel on lui dirnit tout
ce qu'on avait appris, et tt la suite duque! on
proposcrait une adresse
a
l'Em.per eur. M. Lainé
fut 'ch argé de ce rapport, c't il le rédigea dans
!'esprit que nous venons d'indiquer. Il constataiL
qu'it Francfort on avait fait
a
Ja Francc une ou–
verture foncléc sur la base des fronti éres natu–
rel!es; que le
16
novembre la Franceavaitaccueilli
cette ouvertu rc, en proposant un congres a Man–
l1eim; que sur une nouvelle interpcllation de
l\I.
de Metlernich, qui trouvait l'acceptation des
frontieres nalurclles trop peu explicite,
fa
France
les avait form ellement accQptées le
2
décembre;
que c'étaient Ja désormais les bases sur lesqucllcs
on nvait
a
traiter. Le rapport disait que les puis–
sances alliées clevaicnt
a
la France, et se devaicnt
a
elles-memes, de s'cn lenir a ce qu'clles avaient
proposé, et que la Francc, de son cóté, devaitsa–
crifi cr lout son sang pour le main ticn de condi–
tions posécs de la sorte. Le rapport ajoulait qu'il
y avnit pour un pays deux biens suprcmcs, l'in–
tégrilé du sol et
le
maintien des lois, el
a
ce
sujct il fai sait en termes respcclueux pour l'Em–
percur, et avec une enlicre con fian cc dans sa
justice, un exposé de quelqucs-uns des acles dont
on nvait
:i
se plaindre de la part des autorités
pub~iqucs .
Le langage du reste étnit sincere,
mais grave et réservé.
On se r éunit le 28 pour soumettre ce projet de
rapport, car ce n'était qu' un projct, au prince
archichancelier et
a
l\L d'Hnutcrive.
L'nrchichancclicr, quo iq ue jugcnnt tres-fon–
décs les obscrvnlions de la commission, fut ce–
pendant alarmé de l'cffet que ce rnpport pourrait
produire sur l'Europe, et en particulier sur
Napoléon . Aux yeux ele l'Europe il passeraitpour
un ncte d'hostililé sourde, dans une circonstancc
oú l'union la plus complete entre les pou yoirs
était indispensable; a l'égard de Napoléon, il le
blcsscrait, et provoqucrait de sa part quelquc
violcnce regrettablc, et plus regrettablc en ce
momcnt que dans aucun autre. Le prudent ar–
chichancclicr pouvait avoir raison sur ces deux
points, mais pourquoi n'avoir accordé aux repré–
scnlants du pays que ce jour, ce jour si tardff,
pour exprimer des vérités indispensables?...
Toutefoi s, bien qu'ils fussent fondés
a
élever des
plaintes de la nature la plus grave, diífércr eút
pcut-etre mieux valu. L'ar chicbancelicr s'clfor<;a
de le lcur pcrsuadcr, ctsa lJcllc el puissanle
figur~,
bien faite pour consciller la prudcnce, produisit
sur les assistan ts quclque imprcssion. Divrrs
changcmcn ls furcnt consentís.
l\I.
d'Hautcrive