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LlVRE CINQUANTE-DEUXIEl\IE.
Schwarzenberg un traitement assez semblable
a
celui qu'avait essuyé l'armée de Blucher. Pour–
tant il fallait la poursuivre saos rel:iche, si on
voulait obtenir les résultats qu'on était fondé
a
espérer, et Napoléon précipita le mouvcmcnt de
tous ses corps. On s'avarn;a rapidemcnt sur Nan–
gis, refoulant a la fois les troupes russes de
Wittgenstein dont on venait d'anéantir l'avant–
garde, et les troupes bavaroises qui se repliaient
sur leur corps de bataille. Le succes de cetle
nouvelle série d'opérations tenait essentiellement
au passage immédiat de la Seine, car si Napo–
léon parvenait
a
la franchir avant que tous les
corps ennemis l'eussent repassée, et
par~iculie
rement ccux qui s'étaient aventurés sur Fontai–
nebleau,
il
était presque assuré de prendre en
détail la plupart des retardataires. 11 se dirigea
done en toute hale sur les ponts de Nogent,
Bray et l\fontereau qu'il avait devant lui. (Voir
la carte n°-62.) 11 achemina le maréchal Oudinot
par Provins sur Nogent avec une partie de la
cavalerie d'Espagne sous le comte de Valmy, et
le maréchal l\'lacdonald par Donnemarie sur
Bray. Quant a luí, se faisant suivre des'troupes
du maréchal Víctor,
il
prit
a
droite, et se porta
par Villeneuve sur l\fontereau. Ne sachant le–
quel de ces trois ponts serait le plus facile
a
re–
conquérir,
il
dirigeait ses efforts sur les trois a
la fois. En marchant hardiment on pouvait bien
enlever un ou deux des trois ponts, et alors il
étaít possible de repasser la Seine assez tót pour
couper toute retraite aux corps ennemis qui se
seraient trop avancés.
En cheminant sur Villeneuve le maréchal
Victor, toujours précédé par les divisions Du–
four et Hamelinnye que conduisait le général
Gérard, rencontra un peu au dela de Valjouan
la
division bavaroise Lamotte qui cherchait a s'en–
fuir, et qui avait peu de cavalerie
a
opposer
a
la nótre. Elle était en travers de la grande route,
la gauche fortement établie au village de Ville–
neuve, la droite déployée daos une petite plaine
entourée de bois. Le général Gérard, présent de
sa personne a tous les engagements, se porta sur
Villeneuve avec un bataillon du 86e, l'enleva a
la
ba'ionnette, et óta ainsi
a
la division Lamotte
l'appui de ce village. Des lol's elle fut obligée de
se retirer a travers la pctite plaine qu'elle avait
derriere elle, pour chercher asile daos les bois.
C'était pour nos trou.pes
a
cheval le moment de
charger. Le général Lhéritier, commandant une
partie des dragons de Milhaud, se trouvait la
et s'il cut profité de la circonstance, c'en
étai~
fait de la division Lamotte. Nos soldats, toujour;;
intelligents, appelaient a grands cris la cavalerie,
mais soit que le général Lhéritier attendit les
ordres du maréchal Víctor qui n'arrivaient pas,
soit qu'il n'eut point aper<;u cette favorable occa–
sion, il resta immobile, et l'infanterie bavaroise
put traverser impunément le terrain découvert
qu'elle avait a franchir. Heureusement le géné–
ral Gérard, guidé par un paysan, avait suivi la
lisiere des bois, et il déboucha soudainement
avec son infanterie sur le flanc de la division
Lamotte qui se retirait en carrés. 11 altaqua ces
carrés
a
la bai:onnette, en rompit plusieurs, et
fut sccondé tres
a
propos par le gél!.éral Bordes–
soulle, qui, voyant l'immobilité du reste de la ca–
valerie ,fondit sur l'ennemi avectrois centsjeunes
cuirassiersarrivanta peine du dépót de Versailles.
Ces braves débutants, avec une ardeur et une
férocité assez fréquente chez les jeunes soldats,
s'acharnerent sur les Bavarois rompus, et en
percerent un grand nombre de leurs sabres. On
enlev~
ainsi
1 ,ñOO
hommes
a
cette division,
qu'on aurait pu prendre tout entiere. On mar–
cha ensuite sur Salins, ou le maréchal Víctor
s'arreta pour coucher' bien qu'il eut l'ordre de
courir
a
l\fontereau. Il aurait voulu que le géné–
ral Gérard s'y rendit; mais celui-ci avec ses
troupes harassécs par une longue marche et par
deux combats, ne le pouvait guere, et c'était
au maréchal Víctor, dont les deux divisions
n'avaient pas combattu, a former pendant la
nuit la tete de la colonne. Le marécbal n'en fit
ríen :
il
était fatigué, malade, abattu, mécon–
tent de Napoléon, qui lui reprochaít d'avoir mal
défendu la Seine, souffrant en un mot physique–
ment et moralcment, bien que toujours pret
a
redevenir sur le champ de bataille un officier
aussi intelligent que brave. 11 caucha done
a
Salins
a
une licue du pont de Montereau, oú
nous attendaient les plus grands résultats si
notre activité répondait a l'urgence des cir–
constances.
Napoléon accablé de fatigue avait pris un
instant de repos
a
Nangis avec l'intention de se
lever au milieu de la nuit, ainsi qu'il en avait la
coutume, pour expédier ses ordres qui devaient
etre donnés la nuit pour arriver
a
la pointe du
jo ur
a
leur destination. A une heure
il
était de–
bout, et
il
apprenait
que.lemaréchal Víctor était
r esté a Salios. Son irritation fut vive, car tous
les r apports rectus dans la soirée annonc;aient
que-l'ennemi en se retirant avait pris ses précau–
tions pour nous disputer les ponts de Nogent et