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LINVASION. -

NOVEMBRK

~8t5.

505

avaient pris pour plus de .70 millions. L'état mo–

ral du pays était plus désolant encore, s'i l cst

possiblc, que son état matériel. L'armée, con–

vaincue de la folie de la politique pour Jaquclle

on versait son sang, murmurait hautemcot ,

<¡uoiqu'elle fút toujours prete, en présence de

I'ennemi,

a

soutenir l'honneur des armes. La

na~

lion, profondémcnt irritéc de ce qu'on n'avait

pas profité des victoires de Lutzen et de Bautzen

ponr conclure la paix, se regardant commc sn–

criftée

a

une ambition insensée, connaissait

mainlenant par l'horreur des résultnts les incon–

vénicnts d'un gouvernement snns conlróle. Dés–

enchantée du génie de Nnpoléon , n'ayant jamais

cru

¡,

sa prudence, mais aya nt toujours crn

a

son

invincibilité, elle était

a

Ja

fois dégoi'ilée de son

gouverncment, peu rassurée par sés talcnts mili–

laircs, épouvantée de l'immensité des masscs

ennemies qui s'approchaient, moralement hrisée

en un mot, au moment mcme ou elle aurait cu

hesoin pour se sauver de tout l'enthousiasmc pa–

triotique qui l'avait animée en 1792, ou <le toule

l'admiration confiante que lui inspirait, en 1800,

le Premier Consul l Jamais, enfin , plus grand

abattcment ne s'était rencontré en face d'un plus

affreux péril

!

Certessi l'étranger victorieux, qui soup«;onnait

une partie de ces vérités, avait pu les connaitre

dans toute Jeur étendue, il ne se serait arreté

qu'un jour aux bords du Rhin, juste le temps

nécessaire pour réunir des cartouches et du pain;

il eüt franchi ce Rhio qui dcpuis 1795 semblait

une frontiere inviolable, et marché droit sur

Paris, Ja ville ou naguere paraissait résider en

permanence le génie de la victoire.

l\f

ais la coali–

tion fatiguéc de ses elforts extraordinaiPes, toute

surprise encorc de ses triomphes malgré deux

eampagnes successives qui se terminaient

a

son

avantage, était disposée

a

s'arreter sur le Rhin :

dernier répit que la fortune semblait vouloir

uous aeeordcr avant de nous abandonner défini–

tivement l

Plus d'une cause contribuait

tl

cette disposition

des esprits dans le sein de la coalition , mais

notre gloire était la prioeipale. Si la politiquc de

Napoléon nous avait mis le monde sur les bras,

la gloire qu'il avait répandue sur nous, la bra–

voure sans égale avec laquelle nous avions sou–

tenu ses gigantesques entreprises, le souvenir de

la nation francaise se soulevant tout entiere en

1792 pour

r~pousser

l'agression européenne,

donnaient

a

réfléchir aux puissances continen–

tales, toujours les plus compromises daos une

lu tte contre la France. On nous ha'is'lait beau–

coup, mais on ne nous crnignait pas moins.

J,'idée de passer le Rhin , d'n ller affronter chez

elle cette nation qui avait inond é l'Europe de

ses armées victoricuses, chez laquelle il n'y avait

presqu e pas un homme qui n'eut porté les armes,

qui blamait l'ambition de son chef, mais qui Je

souliendrait peut-etr e forlemcnt si, apres l'avoir

ramcnésur ses fronti eres, on voulait les fra ncbir,

celt.e idée troubl ait, intimidait les plus sages des

généraux et des ministres de la eoal ition. D'ail–

leurs, apres avoil' expulsé Napoléon de l'Alle–

mHgnc , qu'y avait-il de plus

a

prétendre? F11l–

Jait-il , nprcs un triomphc inespéré, tenter de

nouveau la fortune, échoner peut- etre dans une

entreprise téméraire, se faire rejeter au dela du

Rhin ponr n'nvoir pas su s'y arreter, rendre des

lors Napoléon plus exigeant que jamais, r éveiller

en lui des prétentions qui étaient pres de s'étein–

dre, et se eondamncr

a

une guerre sans fi n pour

n'avoir pas su faire la paix

a

propos , pas plus

qu e Napoléon n'avait su la faire

a

Prague? Et

puis la guerre n'avait-elle pas été assez cruelle?

Toutes les armées curopéennes portaient sur

leurs corps des plaies larges et saignantes, qui

attestaient ce que leur avaient coüté nou-seule–

ment Moscou, non-seulemcnt Lutzen, Baulzen et

Dresde , ou elles avaient été vaincues, mais la

Katzbacb , Gross-Beeren , Kulm , Dennewitz ,

Leipzig, ou elles avaicnt été victorieuses

!

Si on

cxecpte les Prussiens, cbez lesquels régnai t une

sorte de fureur nationalc, excitée par l'influence

des soeiélés secretes, le désir de la paix était gé–

néral parmi les militaires de toutes les nations.

Quoique fort braves et fort orgueilleux de leurs

sueces, les milítaires russes avaient voulu s'arre–

ter sur J'Oder; ils le voulaient bien plus eneore

sur le Rhin, et ils pensaicnt que c'était assez

d'etre venus en eombattant de Moscou

a

Mayeoce,

et que pour eux il n'y avait ríen

a

faire au dela.

Les Autrichiens qui se battaient depuis viogt–

deux ans, qui avaient rejeté le vainqueur de

l\Iarengo, d'Austerlitz, de W agram h ors del'Au–

taiche et de l'Allemagne, qui sentaient profon–

dément le besoin de se r eposer, qui daos la

prolongation de la guerre ne voyaient qu'unc

satisfaction pour la h aine des Prussiens, un

acrrandissement d'influenee pour les Russe et

I~s

Anglais, et ut-etre des chances de défaite

pour tous, étaie fort enclin

a

une paix qui

cette fois paraissait devoir eLr durable. A la tete

de ces militaires, le prince de Schwarzenberg,

importuné de la violencc des Prussiens, de l af-