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LIVRE CTNQUANTE
ET
UNIEJUE.
gosse, Tudela, Pampcfonc, avcc cnviron 2[) mille
hommes ; tantot que le m11réclrnl, repassant les
Pyrénées et faisnnt
a
l'inl éricur l'immcnse détour
de Pcrpignan, Toulouse, Bciyonne, se réunít
a
lui pour d ébouchcr en massc conlrc les Angl11is.
Le premier de ces plans ex posa it le mAréchal
Suchet au dangcr d'exécul er une marche de plus
de cent licues entre l'armée anglo-sicilienne qui
était de 70 rnille hommes, les Calalans com–
pris, et l'armée de lord Wcllinglon qui ét.a it de
100 rnille, c'cst-a-dirc au dnn ger d'étrc accablé
par ces forces réunics, ou bien rcjeté en Espagnc,
oú il aurait été pour ainsi dire précipité dans un
gouffrc. Le second plan , en le condamnant
a
un
trajct de cent cinqunntc licues en Francc, livrait
les places de Ja Catalogne et Ja frontiere du Rous–
sillon
a
l'armée anglo-sicilicnne, pour un succes
bien inccrtain , car
il
é~ait
douteux que le maré–
chal Soult, n'ayant pas su batlre l'armée anglaise
avec 70 mille hommcs, y r éussit avec 90 mílle,
la force numériquc ne lui ayant pas manqué
dans les derniers combats. Tous ces flrojets
avaient été jugés impralicables, et
il
n'y avait
que la fin de la guerre d'Espagnc qui, en faisant
cesser l'alliance des Espagnols avec les Anglais,
ptlt nous débarrasser des nns et des autres, snuf
a
voir les Anglais repar11ilre plu s tard sur un
point quelconque de nos frontieres maritimcs.
Le 7 octobre enfin, Je maréclrnl Soult s'était
laissé surprendre sur sa droite,
a
Andaye, avait
pcrdu 2 ,400 hommes , et avait été obligé de
céder
a
l'enncmi une premierc portion du terri–
toire fran¡;ais. Pampelune ava it ouvert ses portes
le 51, et lord Wclling ton, n'ayant plus aucun
motif de s'arreter
a
Ja frontierc , allait étre amené,
presque rnalgré luí,
a
la fran chir.
La situalfon de nos armées était done fort
triste sur tous les points : sur le H.hin,
ñO
a
60 millc hommes épuisés de fatigue, suivis d'u n
nombre égal de trainards et de malades, ayant
a
combattre les 500 mille hommcs de Ja coalition
européenne; en Italie, 56 mille combattants,
vieux et jeunes, se trouvant aux prises, sur
l'Adige, avec 60 rnille Autrichiens , et ayant
a
contenir l'Italie fatiguée de nous; Murat prct
a
nous abandonner; sur Ja fronticre d'Espagne,
50 mille vieux soldats, r ebutés par l'infortune,
défcndant
a
peine les Pyrénées occidentales
contre les 100 mille hommes victorieux de lord
Wellington, et, sur cette meme frontiere, 25 mille
autres vicux soldats, en bon élat sans doute,
rnais ayant
a
disputer les Pyrénées orientales
a
plus de 70 mille Anglais, Siciliens et Catalans,
tcl étnit l'état exact de nos
affair~s
mililaircs ex–
primé en nombres précis. Napoléon, il est vrai,
avnit prouvé cent fois avcc qucllc r apidité prodi–
gieuse il sav::iit créer les ressom·ccs, mais jamais
il ne s'ét.ait trou vé dans une pareillc détresse
!
Plus de 140 mille hommes de nos rneillcures
troupes étaient dissémin és dans les ptaccs de
l'Europe; il ne restait en France que des dépols
ruin és , qui déja, dans cette annéc
l
815 , s'étaient
efforcés de drcsscr en deux ou trois mois de
jeunes rccrucs, et leur avaient donné en officiers
~t
sous-offi ciers lout ce qu'ils contcnaient de
meilleur. Sans doute, il
y
avait encore dans les
régiments qui r entraient en France de vicux
soldats et de vieux officiers, mais on allait etrc
obligé de leur envoyer directcment les conscrils
non habillés, non ·instruits, pour qu'ils fissent ce
que les dépots n'auraicnt ni le temps ni Ja force
de foire eux-memcs, et ils allaient etre contraints
d'employer
a
instruire des recrues le temps qu'ils
auraient eu besoin d'employer
a
se reposer, si
meme l'cnnemi leur en laissait le Joisir
!
Nos
places, qui auraient pu servir d'appui
a
l'armée,
étaient , comme nous l'avons dit, dépourvues de
tous moyens de défense. L'cnvoi d'un matéricl
immcnse au dela de nos frontieres les avait pri–
vées des objcts les plus indispensables. On avait
a Magdebourg et
a
Hambourg ce qu'on aurait du
avoir a Strasbourg et
a
l\fetz,
a
Alexandrie ce
qu'il aurait fallu avoir
a
Grcnoble. Une partie
memc de J'artillcric de Lille se trouvait encore
au camp de Boulognc. Ce n'était pas le matéricl
scul qui manquait. Le personnel des officicrs du
génie, si nombreux, si savant, si brave en
France, était dispersé dans plus de cent villcs
étrangeres. A peine avait-on le tcmps de former
a la hale quelques cohortes de gardes nationales
pour accourir
a
Strasbourg,
a
Landau,
a
Metz, a
Lillc
!
Ainsi, pour conquérir le monde qui nous
échappait, Ja France était derneurée sans défense.
Nos finances, jadis si prosperes, conduites avec
un esprit d'ordre si admirable, s'étaient autant
épuisées que nos armées pour la chimere de la
domination universelle. Les domaines
commu~
na ux , cmployés
a
liquider les exercices
1811
et
1812, et
a
solder l'insuffisance de celui de 1Sf5,
étaient r cstés invendus. C'est tout au plus s'il
s'était présenté des achcteurs pour 1
O
millions
de ces domaincs. Le papier qui en. représentait
le prix anticipé, perdait de 15
a
20 pour cent,
bien que la prcsque totalité de ce qt1i avait été
émis se trouvat dans les caisses de la Banque et
dans celles de la couronne elle-meme, qui en