L'JNVASION. -
NOVEOlllRE
1815.
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Au lieu de Ja Jaisser parlagée en armées d'Anda–
lousie, du Centre, du Portugal et du Nord, ce
qui présentait de graves inconvénients, il l'avait
formée en simples dívisions,
a
la tete desquelles
il avait placé de trcs-bons <livisionnaires, qui
étaient nombreux dans cette armée dont la forte
constitution avait résislé
a
tous les revers. Apre ·
l'avoir distribuée en dix <livisions, dont une de
réserve, il avait confié la droite au général Reillc,
Je centre au général comt.e d'Erlon, la gauehc
au général ClauscJ. Ce dernier, apres la bataille
de Vitloria, ayant réussi, par un miraclc de cou–
rage et de présence d'esprit,
a
gagner Sarugosse,
était rentré en France par Jaca, et vcnait de re–
joindre le maréchal Soult avcc 15 roillc Lommcs.
Ce mouvement avait,
il
est vrai, l'inconvénient
de découvrir Saragosse, mais il avait l'avantage
de coacentrer nos forces contre les Anglais, qui
étaient nos enncmis les plus redoutables en
Espagne, et il était permis d'en espérer quelque
résultat si ces forces, tres-considérables rncore,
étaient bien employées. L'armée, sous le raµport
des qualités militaires, n'avait pas d'égalc, sur–
tout depuis les perles que nous avions foitcs en
Russie et en Allcmagne. C'étaicnt les plus brares
soldats, les plus aguerrís, les plus rompus a la
fatigue qu'il
y
cut alors en Europe. l\Iais en meme
temps ils étaient, comme nous l'avons déja <lit,
dépités, dégoutés de se voir depuis six ans sacri–
fiés non- seulement a une entreprise funeste,
mais
a
l'iocapacité et
a
la rivalité de leurs chefs.
Avec une
confian~e
immense en eux-mellles, ils
n'en avaient aucune daos lcurs généraux, excepté
toutefois les généraux Reille el Clausel , et. ils ne
s'attendaient qu'a etre battus. Ce défaut de con–
fiance dans ceux qui les commandaient avait
achevé de détruire parmi eux la discipline, déja
fort ébranlée par la miscre. Habi Lués
a
n'ctre
jamais nourris,
a
vivre uniquement de ce qu'ils
arrachaient
a
une population qu'ils ha'issaient
et dont ils étaient ha'is, ils se regardaient comme
les maitres de tout ce qui était sous leur main ,
et, meme rentrés en France,
i1
n 'élait pas pro–
bable qu'on changeat beaucoup leur maniere de
penser, si on ne chaugeait pas leur maniere de
vivre. Déguenillés, hftlés par le soleil, irrilés,
arrogants, ayant
a
leur tete des officiers encore
plus
a
plaindre qu'eux' et qui n 'osaicnt pas
montrer leurs vetements en lambcaux, ils pré–
sentaient le spectacle le plus navrant, cclui
de braves soldats aux priscs avcc le vice et la
misere. Un grand général, qui aurait su s'em–
parcr d'eux et qui les aurait reconduits
a
la vic-
toire, en eut fait la premierc arméc du monde.
Napoléon , de peur de désorganiser les seulcs
provinces ou Ja gucrre d'Espagne n'eut pas élé
désastreuse, n'avait pas voulu retirer le maré–
chal Suchet de l'Aragon, et, par le rnotif que nous
avo11s
d éj~
iudiqu é, il avait choisi Je rnaréchal
Soult. Ce maréchal , qui avait une grande reoom–
mée, moindre toutcfois en Espagnc oú il avait
servi qu'aiiieurs, n'était pas accueilli de l'armée
avec une enticre confiance. Cependant il pouvait
bca ucoup réparer.
11
avait affaire
a
un redou–
table cnnemi, nou s voulons dire
a
l'armée anglo–
porlugaise, comptant 45 mille Anglais et 11'> miJle
Portu gais cnorgueillis de leurs victo ir es, plus
50 ou 40 millc Espagnols, les meilleurs soldats
de l'Espagne.
JI
élait certainement possible avec
70 mille Fran<;a is de tcnir tete
a
cctte armée,
plus nombrcuse que la nótrc, muis inférieure en
qu alité, les Anglais cxceptés.
Lord \Vellington, mcme apres la bataille de
Vitlori a, hésitait
a
pénélrer en France : aussi
essriyait-il d'assiéger Saint-Sébastien et Pampe–
lune, bien plus pour se donner un prétcxte de
tcmporiser que pour se procurer ces deux postes,
qui valaicnt au surplus la iJeine d\10 siége. Pour
protéger cette double ent.repri e contr c les re–
Lours oífensifs des Frarn¡ais, il avait distribué son
armée assez habilemcnt , et surmonté, autant que
possiblc, la difficullé des lieux. Sai11t.-Sébastien,
comme on le sait, est situé au bord de Ja mer,
presque
ñ
l'embou chure de la Bidassoa, et
a
l'ex–
trémité de Ja vallée de Bastan; Pampelune, au
conLra fr e, capitale de la Navarre, cst sur le
r cvcrs de cctte vall ée et daos le bassin de l'Ebrc.
(Voir la carte n° 43 .) Lord Wellington avait
chargé du siége de Saint-Sébastien l'armée espa–
g nole de Freyrc, aidée d'un c division vortugaise
ctde deux divisions un glaiscs. Ces trou pes étaient
natu r ellcment pres de la mer,
a
l'extr émité de
la vallée de Bastan. Il avait aux envirous de Saint–
Estevao, au centre meme de la vallée de Bastan,
lrois divisions aoglaises pretes
a
descendrc sur
SainL-Sébastien, ou
a
r emonter la va llée, pour
se jetcr en Navar rc au secours de Lrois autres
di visions anglaises qui cou vraient le siége de
Pampelunc, confié aux troupes espagnoles du
général .Morillo. Avec une pareillc disLribution
de ses forces, le général nnglais croyait etre en
mesure de faire face aux événements quels qu'ils
fussent. Attaqué cepcndant avec promptitude et
en sccret, il n'est pas certain qu'il eút pu pal'cr a
tout. Aussi n'était-il pas saos ioquiétude, et se
gardait-il avcc une extreme vigilance.
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