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LIVRE CINQUANTIE!UE.

Nos soldats, habitués a des canonnades comme

celle de la Moskowa, et méprisant Ja chance

prcsquc nulle

a

lcttrs ycux d'un éclat de bombe

daos une ville spacieuse, ne s'inquiétaient pas

plus de ce genre d'altaque que d'une fusillade

hors de portée, et se bornaient

a

prendre pitié

des habitants inofl'ensifs, et beaucoup plus expo–

sés qu'cux a la pluie de feu qui tombait sur lcur

ville. Les assiégeants avaient fait un abominable

calcul, celui de nous embarrassei· bea ucoup en

mettant le feu aux amas de bois que contenait

Dantzig. Le

1

r.r

novembre, en efl'ct, le feu avait

pris aux chantiers de Dantzig, et un incendie

cfl'royable s'était allumé. Les habitauts éperdus

s'étaient enfuis ou cachés dans Jeurs caves, n'o–

saut pas allcr éteindre !'incendie sous les éclats,

des bombcs. Nos soldats l'avaient essayé pour

eux, et

n'y

avaient r éussi que lorsque déja ces

vastes dépóts de bois étaient aux trois quarts

eonsumés. D'immenscs tourbillons de flammes

ne cessaicot <le s'élever au-dcssus de l'infortuoée

villc de Dantzig, au milieu du roulcment d'un

tonnerre continucl, saos que nos soldalsparus–

sent disposés a se rendre . Rapp ,· ne chcrchant

pas a deviner ce que dcviendrait cette guerre a

la suite du désastre de Leipzig, croyant qu'il y

avait des prodigcs dont il ne fallait jamais déscs–

pérer a-vcc Napoléon, s'cn tenait a ses instruc–

tions, qui lui enjoignaient de ne livrer Dantzig

que sur un ordre écrit et signé de la main impé–

riale. En conséquence, ayant encore

18

mille

homme pour se défendre, quelques breufs de

la

Nogat pour se nourrir,

il

laissait tirer les An–

glais, bruler les bois de Dantzig, et attendait

pour se rendre que l'ord1·e de Napoléon arrivat,

ou que la France füt dédruite, ou que l'ennemi

füt entré par la breche. Modlin et Zoruosc, apres

avoir fait Jeur devoir, avaient capitulé. Les gar–

nisons polonaises avaient été conduitcs en capti–

vité.

Voila comment, sur l'Elbe, J'Oder et la Vistule,

vivaient ou mourraient les

190

mille soldats

laissés si Join du Rhín, qu'ils auraient pu r endre

invincible

!

Voila comrnent s'était terminée cette

campagne de

1815,

qui était destinée a réparer

les désastres de la camp::igne de

18'12,

et qui les

aurait réparés en e:ffet, si Napoléon aYait su bor–

ner ses désirs.

Cette grande et terrible campagne, sans égale

.. jusqu'ici dans l'histoire des siecles, par l'immen–

sité de la lutte, par la variété des péripéties et

des combinaisons, par !'horrible e:ffusion du sang

humain, est marquée, en ce qui concerne Napo-

Jéon, d'un trait parliculier et significatif, que

nous avons déja signalé: c'es t d'avoir achevé de

Lout perdre, en voulant regagncr d'un seul coup

tout ce qu'il avait pcrdu. Avec Ja seule volonté

d'arreter l'cnnemi dans son essor victorieux, de

rétablir le prestige de nos armes, et, ce résullat

obtenu, de transigcr sut• des bases qui laissaient

la France encore plus grande qu'il ne fallait,

Nripoléon aurait infailliblement triomphé. Effec–

tivement, si, apres Lulzen et .Bautzen, ses armes

étant redevenues victorieuses par son génie et Ja

bravoure incxpérimentée de ses jeunes soldats,

il avait poussé les Russes et les Prussiens jusqu'a

Ja Vistule, sans accepter l'armistice de Pieiswitz,

il

les aurait séparés des AutJichiens, et tres–

certainemenl il eut mis la coalition da ns une com–

plete déroute. l\Iais, pour le faire impunément,

il aurait fallu

etl'C

pret a donner une réponse

satisfaisante a l'Aut1·iebe, qui le pressait de s'ex–

pliqucr tout de suite sm· les eonditions de

ta

paix

!

Quelquc loug qu'ait été ce tragique récit,

on se rappelle , hélas

!

pour quel motil' Napoléon

s'arreta : ce fut, avo11s-nous dit, pour préparer

une armée contre l'Aulriche, et ctre en mesure

de ne pas subir ses conditions, meme les plus

modérécs. Pour ce triste motif, il s'al'l'eta, et il

laissa volontairement la Russie et la Prusse

a

portée de l'Autriche, en mesure de lui tendre la

main, et de s'unir

a

elle.

Pendant ce fun este armistice, on a vu encore

combien il cut été facile a Napoléon, en sacri–

fi ant Je duché de Varsovie, qui ne pouvait pas

survivre a la eampagne <le Russie, en renorn;ant

au protectorat du Rhin , qui n'était qu'un inulile

outrage

a

l'Allemagne, en restituant enfin .les

villes hanséatiques, que nous ne pouvions ni dé–

fendre ni faire servir avantageusement

a

notre

commerce, on a vu . combien

il

eut été facile de

garder le Piémont, Ja Toscane, Rome en dépar–

tements franc;ais, la Westphalie, la Lombardie,

Naples en royaumes vassaux du grand empire

!

Hambourg, possession impossible pour nous, le

protectorat du Rhin, tilre vain s'il en fut, furent

les causes <l'une rupture ínsensée. Pourtant l.a

r ésolution de continuer la guerre étant prise,

c'était le cas de profiter de l'armistice pour reti–

rer de Zomosc, de l\fodlin, de Dantzing, de Stettin,

de Custrin, de Glogau, les 60 mille hommes que

nous n'avions plus aucune raison politique ni

militaire d'y laisser, puisque l'Elbe devenait le

siége de nos opérations, et leur limite autant que

Ieur appui. Napoléon , eette fois encore, par le

désir et l'espérance d'etre reporté par une seule