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LIEPZíG ET HANAU. -

NOVEMBRE

i815.

<289

rester, disons-nous, dans .un te! coupe-gorge,

répugnait

a

tout le monde, et

a

chaql:Ie instant

surgissait l'idée de s'en aller, car on savait bien

q·tlon n'avait rien

a

faire

a

Dresde, si ce n'est

d'y périr. Cette· pensée de se rctircr étant dans

toutes les tetes, le maréchal Saint-Cyr convoqua

un conscil de guerre, composé du comte de

Lobau, tlu généralDurosnel, du général Matthieu

Dumas et de quelqucs autres. Avec sa remar–

quable sagacité, le comte de Lobau dit qu'il n'y

avait qu'une chose

a

tcnter : c'ébait de se reti-rer

sur T<Yrgau, oti l'on trouverait une garnison

nombreuse, des vivres, et en tout cas la route

ouverte

d

1

e Magdebourg. Les autres généraux

furent effrayés de la 1iesponsabiHté qu'on assu–

merait sur soi en se retirant, et dirent que le

moment n'était pas venu de se croire abandonné,

et des lors de prendre un parti aussi décisif.

A

la vérité, le doute était encore permis le

21

oc–

tobre, l'évacuation de Leipzig n'ayant eu lieu

que le

19.

Bientót cependant la joie non dissimulée

des Saxons·, les communications de l'ennemi,

intére·ssé

a

nous désespérer, nous· apprirent l·e

désastre de 1eipzig, et la retraite forcée de Napo–

léon sur le Rhin. Des lors

il

était évident

qu~il

fallait prendre un partí, et le prendre sur-le–

champ, a:vant que toutes les routes fussent fer–

mées. C'est en ce moment qu'il eut fal1u convo–

quer un conseil de guerre, et obliger chacun

a

délibéver en présence du désastre constaté de la

girande armée, et de· l'impossibilité démontrée

d'etre secouru.

En adoptant les évaiuations les plus affaiblies,

on pouvai.t mett-re sous les armes 25 mille hommes

parfaitement valides·, et tout porte

croire qu'a

la nouvelle du départ on aurait été 50 mille le

fusil

a

l'épaule. On n'avait pas 25 mille hommes

devant soi, et, fussent-ils le double, comme ils

devaient etre répartis sur les dcux rives de

l'Elbe,

il

y avait certitnde de se faire jour, en

pcr~3Ilt

sur uni point quelconque le cercle tres–

étend1u qu'ils étaient obtigés·de décrire autour

de

la

place. Enfin, on avait la perspective assu–

rée de mourir de faim et de misere sous peu de

jours, sans

po~voir

s'honorer par une défense

que les fortifications d-e la ville ne rcndaient pas

possible, et d)etre tous tués ou pris, si on atten–

dait que les forces ennemies parties pour Leipzig

fussent revenues sur Dresde. Si jamais

il

y a eu

urgence

a

se décider, évidence dans le parli

a

embrasser, c'était certainement dans cette occa–

sion.

Le maréchal Saint-Cyr avait infinimcnt d'es–

coNsuLAT.

!S.

prit, était au fcu un brave soldat, avait de plus

une véritable indépendance de caractcrc, et ce–

pendnnt

il

donna ici la preuve que ces qualités

tres-réellcs ne sont pas celles qui, dans certaines

circonstances, produisent les grandes inspira–

tions. II ne résolut rien, ne

fit

rien , et laissa

écouler le temps en hésitations regrettables.

11

eut la singuliel'e pensée d'envoyer un agent se–

cret au gouverneur de Torgau , pour savoir si

on aurait des vivres

a

Iui donner dans le cas ou

il

se replierait sur cette place. La question était

inutile, car, outre que nous avions toujours tiré

de Torgau nos approvisionnements en grains, et

qu'on avait avec soi l'excellent général Matthieu

Dumas, au fait par ses fonctions de toutes les

ressources de l'armée, il ne s'agissait pas de

dcsccndre sur Torgau pour y rester, mais pour

y passer, cbose bien différente. L'agent pénétra ,

rc~ut

pour répoose qu'on avait des vivres dont

on ferait part volontiers

a

ses voisins de Dresde

s'ils avaient la b'onne inspiration de venir; mais

il ne put pas remonter l'Elbe, et

fut

arreté. On

demeura ainsi sans réponse et sans résolution,

non-seulement pendant la fin d'octobre, mais

jusqu'aax premiers jours de novembre. Deux

semaines s'étant écoulées, le cordon du blocus

se resserrant

a

cbaque heure, toute espérance de

secours étant évanouie, le maréchal Saint-Cyr

prit enfin un parti, mais rnalbeureusement un

demi- parti , et le plus dangereux qu'on pút

prendre. Comme il n'y avait qu'une chose

a

es–

sayer, celle de se retirer sur Torgau,

il

n'imagina

pas d'en tenter une autre, et résolut d'envoyer le

comte de Lobau avec

14

mille hommes dans la

direction de cette place, de lui faire descendre

l'Elbe par la rive droite, puis, si le comte de Lo–

bau réussissait

a

percer, de suivre lui-meme:avec

le reste de son armée. On ne cGmprend pas

qu'un homme qui avait tant de fois déployé une

si grande sagacité

a

Ja guerre, put songer

a

faire une tentative pareille. Si on avait une

chance, et on n'en avaif pas une, mais cent, de

percer la ligne de blocus, c'était en marchanL

tous ensemble, et en ne laissant r icn apres soi.

Il

était impossible en effet qu'en donnant tete

baissée sur cette ligne, nécessairement mince

a

cause de son étcndue, on ne parvint pas

a

la

rompre. Le général Brenier avait -eu pour sortir

de Ciudad-Rodrigo en

181

t

de bien autres dan–

gers

a

courir, et les avait néanmoins surmontés.

Le maréchal Saint-Cyr confia done au comte

de Lobau le soin de descendre par la rivc droite

sur Torgau avec

14

mille hommes. Ce dernier

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