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LIVRE CINQUANTIEl\fE.

fit

la remarque fort juste que ll'entreprisc, sure

quinze jours auparavant, et avec toutes les forces

clu corps d'armée, devenait bien douteuse dans

Je momcnt, et avec la rnoitié de ce corps seulc–

ment. Il obéit néanmoins, et il sortit de Dresde

Je 6 novcmbre. Il avait avec luí un lieutenant

du plus grand mérite, le brave et intelligent

général Bonnet. A quelques licues de Dresde,

sur la rive droite, on rencontra les prerniers

postes enncmis, et on leur passa sur le corps.

Plus Join, on trouva une position bien défendue,

qu'on ne pouvait emporter sans doutc qu'avcc

une large eífusion de sang, mais qui ne présen–

tait rien d'insurmontable. D'ailleurs, on voyait

l'cnnemi s'affaiblir sur son front, et se renforcer

sur ses ailes, pour courir sur nos dcrrieres et

nous interdire le rclour vers Dresde. Ce mouve–

ment Pf.OUvait clairement que, dans Je désir na–

tnrel de ne pas nous laisser rentrer

a

Dresde,

l'ennemi allait nous ouvrir luimeme la route de

Torgau . Si toute l'armée- eut été r éunie , on

n'aurait pas pu souhaiter mieux que d,e- voir

l'ennemi exécuter une semblable rnanreuvre'.,

puisque la difficullé, au licu d'ctre derricre nous,

était devant nous. Mais une moitié du corps

d'armée étant restée

a

Dresde, ce mouvement

devcnait tres-inquiétant, et on se bata de reve–

nir su; Dresde pour n'etre pas séparé de tout ce

qui s'y trouvait encore.

Le résultat était ccrtcs la démonstration la

plus évidcnte de la faute commise, faute étrange

de la part de l'un des militaires les plus distin–

gués de cette grande époque guerriere. Une fois

la colonne rentrée

a

Dresde, cette fausse dé–

marche fut tenue pour la condamnation formelle

de toute cntreprise sur Torgau, et, comme il n'y

en avait pas d'autrc

a

proposer, on allendit dans

une profondc tristcsse que l'extrémité de cette

situation fót atteinte. Le général Klenau, envoyé

devant Dresde, avait résolu, quoique tres-entre–

prcnant par caractcre, d'attendre la reddition

Yolontaire de 50 mille homrnes enfermés dans

cette place. Huit jours de patience seulernent

suffisaient pour le dispenser de verser des tor–

r ents de sang. Il temporisa en effet, et

il

eut

bientot satisfaction.

Tout le monde daos l'arrnée était désolé. Les

vivres manquaient, l'afl'reuse contagion étcndue

de l'Elbe au Rhin sévissait. Les habitants soumis,

mais désespérés par la longueur de notre séjour,

nous suppliaient de nous retirer, et, quoique

Allemands, ils avaient été si peu hostiles, qu'on

devait quelque chose

a

leur souffrance. On

L

n'avait plus aucune espérance, pas meme celle

d'une mort glorieuse. On entra done en négo–

ciation , et, le

11,

on capitula. 11 n'y avait pas

autre chose

a

faire, car on ne pouvait ni rester,

ni partir, ni se battre. ll n'y a, par conséquent,

pas

a

b!arner la eapilulation, mais la conduite

qui l'avait amenée.

Les conditions, d'ailleurs, étaient telles qu'on

pouvait les désirer. La garnison devait déposer

les armes, rentrer en France par journées d'éta–

pes, avec faculté de servir apres échange. On

avait ainsi l'espoir de eonserver

a

laFrance 50

mille sol<lats éprouvés par une campagne ter–

rible, et avec eux beaucoup de blessés, de malades

qui auraient été perdus sans une capitulation.

Ceux qui l'avaient signée pouvaient se ílatter de

s'Ctre tirés de cette situation désaslreuse d'une

maniere qui n'était tres-dommageable ni pour

eux ni pour la France, qu'ils seraient bicntot en

mesure de défcndre encore. Sans doute on était

affiigé de capituler, rnais consolé par l'impossi–

bilité de foirc autrernent, et réjoui par la pensée

de revoir Ja France sous quelques jours. On

fit

les préparatifs de départ, et c'esl alors qu'on vit

quelles forces on aurait réunies vers Je bas Elbe

si on

y

avait marché, car, lorsqu'il fut question

de s'en aller, il parut trente et quclques mille

hommes dans les rangs.

On se mit done en route avec encore plus d'es–

pérance que de tristcssc. Mais

a

peine avait-on

quitté Drcsde, qu'une affreuse nouvelle vint con–

sterncr tous les creurs. Le général Klenau, avec

beaucoup d'excuses,

fit

savoir que l'empcreur

Alexandre n'admettait pas la capitulation , . et

exigeait que la garnison se constituat prison–

niere de guerre, sans permission de retourner

en Francc. Cctte décision fut pour tous un coup

de foudre, et un amcr sujet de regrets. On put

apprécier alors quelle faute on avait commise en

se mettant

a

la merci d'un ennemi qui, quoique

honnete, devenait par passion un ennemi saos

foi. Le maréchal Saint-Cyr réclama avec hauteur

et énergie. On lui répondit par une cruelle iro–

nie, en luí disant que, s'il voulait rentrer dans

Dresde et se replacer dans la position ou

il

était

auparavant, on était pret

a

y consentir, comme

si, au rnilieu d'habitants tout joyeux d'etre déli–

vrés

d~

nous, peu disposés certainerncnt

ª,

nous

recevo1r de nouveau, avec des moyens de defense

détruits ou divulgués, un tcl retour était pos–

sible. 11

fit

sentir l'indignité d'un tel procédé ;

on ne lui répliqua que par la meme proposition

dérisoire , et

il

fallut se soumettre , et aller