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LIVRE CINQUANTIEME.
l\farmont fut
ch~rgé
de g·arder depuis Landau
jusqu'a Coblenlz avec les débris des 6
6
,
f)c
et
5e
corps d'infantcric, des
1cr
et 5° de cavalerie.
ll devait avoir Mayence et le général Bertrand
sous ses ordres, et procéder a la recomposition
des troupes comprises da ns l'étendue de son com–
m:mdement. La jeune garde fut placée un peu
en arriere de Mayence, pom· se réorganiser sous
les yeux du maréchal Morticr. Il en fut de meme
pour la cavalerie de la garde. Le mar.échal Mac–
donald fut envoyé
a
Cologne avec le
11
e
corps,
qu'il devait égalcment recomposer. On lui donna
le 2° de cavalerie pour veiller
a
la garde du Rhin,
et cmpecher les Cosaques de le franchir. Ce qui
restait des Polonais, infanterie et cavalerie,
fut
envoyé
a
Sedan, ou était l'ancien dépót de ces
troupes alliécs, pour y rccevoir une nouvelle or–
g·anisation. Le maréchal Victor fut établi
a
Stras–
bourg av"ec le 2° corps, qui avait fait sous ses
ordres la campagne de
1813,
et s'y étai t couvert
de gloire. C'est avec ces débris que les trois ma–
réchaux devaient protégcr la frontiere <le l'E_I!!:–
pire. Les g·endarmes, les douaniers revenus de
Lous les pays que nous avions occupés, arretaient
sur le Rhin les hommes déba11dés qui arrivaient,
et tachaient de les foire rentrer a leurs corps.
C'est
av~c
cetle rcssource, dont nous avons dit
la valeur,. qu'on espérait recruter les troupes
cantonnées sur la frontiere. l\falheureusement,
outre leurs mauvaises dispositions morales, elles
venaient d'etre atteintes par une affreuse conta–
gion physique. La fievre d'liópital née dans nos
vas.tes dépóts de l'Elbe, <lue a l'encombrement
des hommes, aux fatigues,
a
la mauvaisc nour–
riture, aux pluies continuelles des deme de1·–
niers mois, et aux passions tristes dont avaient
été affectés nos blessés et nos maladcs, s'était
répandue partout ou nous nvi.ons passé, et avait
déja envahi les bords du Rhin. De tous les fléaux
qui nous avaient poursuivis, celui-la étaitle plus
redoutable. 11 venait de pénétrer
a
l\f,ayence, d'y
exercer déja de netables ravages, et en faisait
craindre de terribles
!
De la
il
avait descendu le
Rhin, et l'avait meme remonté. Ainsi aucune
calamité ne semblait dcvoir nous etre épargnée.
Napoléon, apres avoir pourvu au plus pressé
par un séjour d'une semaine a Mayence, parLit
pour Paris le 7 novembre, afin de se tFansporler
au centre d'un gouvernernent dont il était le mo–
Leur indispensable, et de préparer les moyens
d'une nouvelle et dernicre campag:ne. Tandis
qu'il était occupé
a
faire des efforts inou'is pour
Lirer de la France épuiséc les ressources qu'elle
contenait encore, et arreter sur la frontiere des
cnnemis qu'une longue opprcssion avait rendus
implacables,
il
y avait, du Rhin a la VistuJe, en
soldats vieux ou jeunes, et actuellement assiégés
ou bloqués par les légions de l'Europe coalisée,
de quoi composer l'une des meilleures armées
qu'il eut jamais rassemblées. 11 av:ait laissé
a
l\fodlin 5 mille hommes,
a
Zamosc 5,
a
Dant–
zig
28 ,
a
Glogau 8,
a
Custrin 4,
a
Stettin
12,
a
Dresde 50, a Torgau 26,
a
Wittenberg. 5 ,
a
l\fagdebourg
2a,
a Hambourg 40, a Erfurt 6,
a
Wurzbourg 2, ce qui faisait une force totale de
190 milie hommes, presque tous valides (car nous
n'avons admis daos cette évaluation ni les nialades
ni les blessés), tous aguerrís ou instruHs, com–
mandés par des officiers excellents, et compre–
nant notamment des soldats d'artillerie et du
génie incomparables. Jamais plus belle armée
n'eut porté le drapeau de la France, si, par un
miracle, on avait pu réunir ses débris épars, et
leur rendre l'ensemble que leur isolement daos
des posLes éloignés leur avait fait per<lre. Napo–
léon, ainsi qu'on l'a vu, daos l'espérance de se
retrouver en une seule bataille reporté sur l'Oder
et la Vistule, avait voulu en conserver les
~orte
resses <le maniere
a
se replacer soudainernent
dans son ancienne position. C'est par ce motif
qu'il avait consacré une soixantaine de mille
hommes aux places Cortes de l'Oder et de la Vis–
tulc. Pendant l'armistice
il
aurait pu les ramener
tous, et en renforcer sa ligne de l'ELbe; mais,
séduit par la meme espérance, il avait persisté
dans la mcme faute, et il venait de l'aggraver
prodigieusement, en quittant l'Elbe sans en re:–
tirer les garnisons. C'est ainsi que ces -190 mille
hommes si précieux, suffisant au printemps pour
former le fond d'une superbe armée de 400 milie
ho1nmes, avaient été. sacrifiés. 11 est vrai que
dans ces ·190 mille hommes il y avait 50 mi·
l.leélrangers, voulant rentrer au sein <le leur patrie
depuis que leurs gouvernements avaient rornpu
avec la France; mais <lans ces 50 millc hommcs,
s'il y avait 20 mille Allemands ou Wyriens. sur
lesquels
il
ne fallait plus compter,,
il
y avait
10 mille Polonais devenus aussi braves, et restés
aussi fideles que les soldats de notre vieille
a1•–
mée. C'était done toujours la perle certaine de
170 mille hommes due
a
1ilne confiancc aveuglc
dans la victoire, et a la funeste passion de réta–
blir en une journée une grandeur détruite par
plusieurs années de fautes irréparables
!
Un miracle, avons-nous dit, pouvait les ren–
dre
a
la F1·ance. Sans doutc, si un homme i-ntré-