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LIVRE CINQUANTIEl\fE.
de Tauenzien.
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ne pouvait guere exercer d'in–
fluence sur les événements pnr sa persévérance,
mais
il
pouvait s'honorer. Il l'avait fait, et il
était pret
a
le faire cncore. Les vivres ne lui
manquaient pas. N'ayant point, comme Ja place
de Torgau, recueilJi les restes des armées bat–
tues, il comptait peu de malades, mais beaucoup
d'étrangers. Il les conlenait par son énergie, et
paraissait disposé
a
soutenir un long siége.
Le général Lemarois, aide de camp de l'empe–
reur, revetu de toute sa confiance et la méritant,
avait re<;u le gouvernement de Magdebourg.
Quant
a
lui,
il
n'y avait aucune raison qui put
l'au.toriser
a
évacuer spontanément une forte–
resse aussi importante, si capable de résistance,
commandant le milieu du cours de l'Elbe E'.t le
centre de l'Allemagne. Il n'aurait pu etre en–
trainé len sortir que par l'intéret d'une grande
concentration dont
il
n'avait pas
a
prendre l'ini–
tiative, et dont personne ne venait malheureu–
sement luí fournir l'occasion. Il était des lors
dispensé de se poser
a
lui-meme la graye. ques-
. tion de l'évacuation, et il s'était tranquillement
enfermé daos
s~
forteresse, ou, avec des vivres
considérables~
une garnison nombreuse, des mu–
railles puissantes, peu de malades, parce qu'il
était _!'.-esté loin du carnage pestilentiel de Ja
Saxe, il pouvait tenir tete longtemps aux armées
de la coalition, et avoir le douloureux honneur
de survivre
a
la France elle-meme.
A Hambourg se trouvait l'intrépide et imper–
turbable Davoust, que Napoléon, par des mécon–
tentements qui se rattachaient
a
la campagne de
Russic, et aussi par estime pour son inflexible
caractere, avait placé dans une position éloignée,
au grand détriment des opérations de cette
guerre; car il s'était privé ainsi du seul de ses
généraux auquel, depuis la mort de Lannes et la
disgrace de Masséna,
il
put confier cent mille
hommcs. Le maréchal, parti de Hambourg avec
52 mille soldats pour commencer sur Berlin un
mouvement que les batailles de Gross-Beeren et
de Dennewitz avaient rendu impossible, y était
rentré en apprenant les maJheu-rs de la Saxe,
avait réso]u, avec ses trente mille hommes , avec
dix mille autres , Jaissés dans les ouvrages de la
place, de soutcnir un long siége, qui fUt plus
qu'un siége, mais une vraie campagne défensive,
de nature
a
couvrir la basse Allemagne, la Hol–
lande et le Rhin inférieur. Lui aussi, séparé de
l'empereur et de
la
France, impassible au milicu
de tous les désastres' les prévoyant sans
~n
etre
ému, se proposait d'etre le dernier des grands
hommes de guerre de ce regne qui remettrnit
son épée
a
la coalition
!
Sur l'Oder, les places de
Stett.in) Custrin, Glo–
gau , tenaient encore, mais uniquement pour
l'honneur des armes. Stettin avait pour gouvcr–
neur le général Grandeau, remplacé quelque
temps par le brave général Dufresse, celui qui
pendant l'armislice s'était si peu ému des coups
de fusil tirés sur Bernadotte .
JI
avait des viv11es,
12 mille hommes de gnrnison, dont 5 mille
écloppés de Russie, et 9 mille hommes valides.
Son autorité s'étendait sur Stettin et Ja place de
Damm, qui commande devastes lagunes d:épen–
dantes du Gross-Haff. C'était le général Ravier
qui" défendait Damm, et il Je faisait avec la plus
grande énergie. Outre l'armée prussienne, on
avait affaire a toutes les flottilles anglaises ve–
nues par l'Oder. La vigueur de la défense avait
été admirable, et on avait rMuH les assiégeants
a
entourer les deux places d'une vingtaine de
redoutes, dans lesquelles
i.lsparaissaient plutót
occupés
a
se garder contre les assiégés qú.'a les
attaquer. Ils laissaient aux
flo~tilles
;anglaises le
soin de bombarder la garnison, qui, ne s'en
inquiétant guere, souriait en quelque sorte d'un
moycn d'attaque funeste seulement aux malheu–
reux habitants prussiens. Toutefois avec cetteim–
passibilité, on pouvait bien résister au feude l'en–
nemi, mais non pas aux angoisses de la faim.
Le moment approchant ou les vivres allaient
manquer_(on était bloqué depuis pres d'un an),
le général Grandeau, de l'avis de son conseil,
était entré en pourparlers avec l'ennemi , afin
de n'etre pas réd-uit
a
se rendre
a
discrétion,.s'il
traitait quand
il
n'aurait plus un morceau de
pain. On lui avait proposé de déclarer sa garni–
son prisonniere de guerre, car la coalition était
résolue
a
ne laisser retourner en France aucun
des soldats qui pourraient la défendre, et ce but,
elle le poursuivait, comme on l'a vu, pail' des
blocus persévérants contre les garnisons qui ré–
sistaient, par des violations de foi contre les
garnisons qui avaient capitulé. Le général Ravier,
avec les troupes de Damm et presque toutes celles
de Stettin, s'était insurgé
a
la nouvelle des con–
ditions offertes, et refusait d'obéir au général
Grandcau. Cette vaillante garnison voulait jus–
qu'au dernier moment tenir flottant sur l'Alle–
magne le drapeau de la France. A la fin de
novembre, rien n'était encore décidé.
A Custrin, le général Fc;irnier d'Alhe, ayant
a
peine un millier de Fran<;ais au mi1ieu de 5 mille
Suisses, Wurtembergeois, Croates, qu'il main-