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LIVRE CINQUANTIEl\fE.
bavarois furent rejetés d'un seul choc sur les
escadrons autrichiens. Ceux-ci chargerent
a
leur
tour, mais l'cxaspération de notre
c~valerie
était
au comble; elle renversa lout ce qui s'offrit
a
elle,
et culbuta sur la Kinzig et Hanau la gauchc de
l'armée austro-bavaroise. Au centre les flots de
la cavalerie ennemie, dans le va-et-vient de ces
charges répétées, vinrent un moment se jeter sur
]es quatre-vingts bouches
a
feu de la garde.
Drouot {aisant serrer ses pieces, et pla<;ant en
avant ses canonniers la carabine
a
la main, arreta
les escadrons ennemis, puis les cribla de mi–
traille lorsqu'ils se replierent. Quand notre in–
fanterie accourut
a
son secours, il était déja
dégagé.
Le général de Wrede , acculé sur la Kinzig, ne
vit d'autre ressource que de ramener son arm6e
sur sa droj_te, afio de lui faire repasser la Kinzig
au pont de Lamboy. Pour favoriser ce mouve–
ment, et se procurer l'espace dont il avait be–
soin, il essaya une attaque sur nolr-e gauche .
l\fais la juslement se trouvaient les grenadiers de
Friant. Ces hravcs gens, dont le courage était
trop souvent enchainé, partageaient l'exaspéra··
tion de toute l'armée. lis marcberent appuyés
des troupes de Marmont, dont la tele venait
d'arrivet', aborderent les Bavarois
a
la balon–
nette, les 'pousserent sur les troupes occupées
a
franchir Ja Kinzig, et en percerent sept
a
huit
cents de Jeurs bai'onnettes. De Wrcde r epassa la
Kinzig en désordre, laissant dans nos mains dix
a
onze rnille morts, blessés ou prisonniers. Cette
brillante r encontre nous avait coúté tout au plus
trois mille hommes. La majesté de l'armée fran–
l(aise était dignement vengée.
Toutefois il ne fall ait pas perclre de temps
a
compter nos trophées, car de Wrede, replié avec
quarante mille hornmes derriere la Kinzig, pou–
vait aperccvoir notre pctit nombre , et déboucher
de Hanau pour nous barrer le chemin. Le len–
demain 51 octohre, Napoléon, fier non pour Jui
mais pour ses soldats, de cette nouvelle bataille
de la Bérézina, se mit en marche avec Sébastiani,
Lefebvre-Desnouettes, Macdonald, Victor et Ja
vieille garde, afin d'allcr rouvrir Ja route de
Mayence, si elle était interceptée quelque part.
11 laissa Marmont pour border la Kinzig, et
cmpecher l'ennemi de déboucher de Hanau ,
dont le canon enfilait la chaussée.
Le 51 au matin, le maréchal Marmont
fit
en–
lever Hanau , que l'ennemi dans sa terreur avait
presque entierement
~vacué,
et, en partant vers
le milieu du jour, confia au général Bertrand, qui
'-
le su ivait, la garde de ce poste. Le général Bcr–
trand y passa la nuit, toujours dans l'intention
de contenir les Bavarois et de les empécher de
couper la route. Le 1
er
novembre au malin, de
Wrcde, voulant prendre une revanche, et se
fl attant de ne plus trouver devant Jui qu'une
faible arriere-garde sur laquelle
il
se dédomma–
ger ait de son échec, essaya de déboucber de la
Kinzig en travcrsant Je pont de Lamboy
a
notre
gauche, et en tachant de reprendre Hanau
a
notre droile. Devant le pont de Lamboy Ber–
trand avait placé la division Guillcmioot, au
centr e la division Morand, qui pouvait eanonner
Hanau par-dessus la Kinzig, devant Hanau meme
la division italienne, partie dans eette ville,
partie le long de la Kinzig, avec mission de pro–
téger la grande route.
De Wréde
a
la pointe du jour assaiJlit les
Italiens dans Hanau, leur prit une des portes,
pénétra dans la ville, et les refoula sur le pont de
Ja
Kinzig, vers lequel il courut pour s'en empa–
rer, et occuper ensuite la route. Mais l\forand,
tirant par-dessus la Kinzig, atteignit en flanc la
colonne du général de Wrede, et la eouvrit de
projcctilcs. Les Italiens, reprenant courage, re–
vinrent
a
la chargc, et rejeterent les Bavarois
dans Hanau. De Wrede re<;ut au bas-ventre
une blessure qui le
fit
supposer mort, tant elle
était grave.
Au meme instant, sur notre gauche les Auslro–
Bavarois tenterent de franchir la Kinzig sur les
chevalets du pont de Lamboy,
a
demi brulés.
Guilleminot en laissa passcr un ccrtain nombre,
puis les culbuta dans Ja Kinzig
a
la ba'íonnette.–
De toutes parts ils furent ainsi refoulés au dela
de la Kinzig, et condamnés
a
une nouvelJe hu–
miliation. Cette tentative leur eouta encore de
1,1)00
a
2,000 hommes. Nos canons, libres enfin
de courir sur ce chemin de l\fayence, y trou –
verent tant de cadavres, qu'ils roulaient, dit un
témoi n oculaire fort illustre, dans une boue de
chair humaine
1
•
Funebre et terrible rentréc de
la gran de armée en France
!
Au surplus, le corps du général Bertrand avait
été le dernier
a
prendre Ja route de Hanau. Le
maréchal l\'lort.ier avec la jeune garde, informé
des difficultés qu'on rencontrait sur eette voie,
avait fait un détour
a
droite, et avait regagné
Francfort sain et sauf. Le 4 novembre, la grande
armée acheva d'entrer dans l\fayence, tristement
triomphante
!
La cavalerie resta seule en dehors
1
Expression du maréchal Gérard, de la bouche duque! je
l'ai autrefois recueillie.