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LIVRE CINQUANTJE!\IE.
comme bon
a
prendre d'abord, et comme bon
aussi
a
montrer,
a
litre de réponsc, aux détrac–
teurs de sa politiquc. Depuis l\Ioscou, le doute
élevé sur Ja puissance de Napoléon, le cri des
populations, la nouvelle des pertcs cssuyées par
les Bavarois, les suggestions de
l'
Autrichc, Ja
contagion de l'espritgermanique, avaient ébranlé
le roi, que les vicloires de Lutzen et de Baut–
zen avaient un rnoment raffermi. Mais la re–
prise des hostilités, le caractere tous les jours
plus triste des événements, les pertes récentes
du corps bavarois
a
la bataille de Dennewitz,
mandées et exagérées
a
l\fonich, les efforts des
trois cours d'Autriche, de Prusse et de Rus–
sie, avaient plus que jamais remis en question
la fidélité de la Baviere
a
I'égard de la Francc.
L'arrivée d'un nouveau personnage
a
Munich
avait St!_rtout contribué
a
rendre cette situa–
tion infiniment critique. Le général de 'Vrede,
caractere bouillant et sans consistance, offi–
cier brave mais de peu de discernement, plein
d'un amour-propre excessif, était revenu daos
son pays profondément blessé des dédains du
maréehal
Saint-Cyr~
sous lequel il avait servi
pendant la campagne de la Dwina. Ayant ap–
porté
a
l\funieh tous ses mécontentements et les
ayant manifestés imprudemment,
il
s'était tou–
tefois
~pproché,
comme son souverain, apres
Lutzen et Bautzen, et nous avait dévoilé lui–
meme le secret de la défection a demi consom–
mée de la eour de Bavicre, afin de rentrer en
f.aveur aupres de Napoléon.
1\1.
d'Argenteau, sen–
tant le besoin de nous l'attacher, avait demandé
pour lui le grand cordon de la Légion d'honneur,
rendu vacant par la mort du respeetable général
Des Roys, et Napoléon, qui avait déja donné au
général de Wrede des titres et des richesses,
n'avait pas cru dcvoir y ajouter cette dernierc
distinction. Le général de Wrede, redevenu mé–
content, était resté en Ilavicre, et avait acquis
tout
a
coup une grande importance en obtenant
le commandement de l'armée bavaroise placée
sur l'Inn, en face de l'armée autrichienne du
prince de Reuss. Si Augercau avec une vingtainc
de milie hommes était venu le joindre sur l'lnn ,
on l'aurait maintenu , et
l\'I.
d'Argenteau avait
fort insisté pour qu'on prit cette précaution .
Mais Napoléon avait en besoin d'Augcreau ail–
leurs, et les Bavarois n'étant ni soutenus, ni
contenus, avaient bicntót cédé au sentiment de
tous les Allemands. Au lieu de tenir tete au
prince de Reuss, le général de Wrede était
entré en pourparlers avcc Jui. Les Autrichiens,
au nom de la coalition, avaient promis au géné–
ral de Wrede le commandement des deux ar–
mées bavaroise etautr,ichienne réunies sur I'Inn ,
et au roi la conservation de ses États, sauf un
équivalent en population et en revenu pour les
provinces qu'ils entendaient recouvrer, c'est-a–
dire, le Tyrol et les bords de l'Inn. M. de Mon–
gelas lui-meme, sentant qu'il ne pouvait se main–
tenir a son poste qu'en changeant bien vite de
politique, avait accueilli les propositions des
puissances coalisées, espérant que la Baviere
conservant ses agrandissements,
il
conserverait
sa situation. Seulement
il
avait changé, non
comme change la force (ainsi qu'avait fait
1\1.
de
l\fotternich), mais comme change la faiblesse, et
il avait adhéré
a
la coalition sans meme nous
avertir. 11 nous avait abandonnés en proteslant
toujours de sa fidélité. Le roi ayant contre lui
sa femme, son fils, son peuple, son ministre, son
général, n'était pas de caractere a résister
a
tant
de contradicteurs, et quand on était venu lui
dire que, sauf équivalent, il ·conserverait ses
États, et surtout quand on avait ajouté que s'il
refusait
il
fallait, comme en 1805, évacucr sa
capitale dcvant l'armée autrichienne, pour aller
se jeter dans les bras de Napoléon, non pas
vainqueur mais vaincu, il n'avait plus hésité, et
avait signé le 8 octobre un traité d'alliance of–
fensive et défensive avec la coalition. Des trans–
ports de joie avaient éclaté
a
ceLte nouvelle dans
toutelaBaviere, et avaient confirmé sa résolution.
Rien n'était plus amcné par des causes irré–
sistibles qu'un pareil changement, mais la dé–
cence voulait au moins que la Baviere, que nous
avions si richement dotée, en nous quittant pour
sa sureté, laissat a d'autres, pour son honneur,
le soin de nous détruire. ll n'en fut point ainsi,
et le gouvernement bavarois, afia de s'assurer
sa rentrée en grace auprcs des souverains coa–
lisés, le général de 'Yredc afio de s'assurer le
baton de maréchal, mirent grande hale a porter
l'armée austrn-bavaroise de l'lnn sur le haut Da–
nube, du Danube sur le Main. Cette armée com–
posée par moitié d'Autrichiens et de Bavarois,
et forte de 60 mille' hommes, 51Vait marché avec
une telle rapidité, qu'on la disait déja rendue a
Wurzbourg, et prete a couper aux environs de
Francfort la route de :Maycnce.
A cette annonce Napoléon sourit de mépris,
et du reste sentit l'erreurde sa politiquc
a
l'égard
de l'Allemagne, politiquc qui, au lieu de se bor–
ner
a
un peu d'appui donllé aux États secon–
daires, s'était étendue jusqu'a vouloir en faire