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LIVRE CINQUANTIE.l\IE.

effet trop récenles chez nos jeunes soldats pom

qu'ils pussent s'éloigner du drapcau impuné–

mont. Une fois

'le

cadre quitté, le dépit, la souf–

france, le goUit de la maraude, Je penehant

na:turel

a

-s'épargner de nouvcaux dangers, em–

pechaient d'y revenir. Sur les

100

a

110

mille

hommes que Napoléon possédait encore,

il

y en

avait plus de

20

mille qui, les uns portant le bras

en écharpe, les autres boitant, Ja plupart se disant

blcssés s.ans l'etre, ou alléguant la perle de lcurs

armes qu'ils avnient jetées, rnarchaient entre les

colonnes armées, ou

a

Jeur suite, se répandaient

le soir dans les villages qu'ils pillaient, et sans

rendre aucun service dévoraient les ressources

dont auraient pu vivre les corps .organisés. Ce

qu'il y avait de pire encore, c'était l'exemple qui

mena<¡ait de devenir contagieux, et contre lequcl

les répressions de la cavalerie étaient impuis–

santes. La bravoure n'avait pas fléchi un moment

chez ces jeunes gens, mais les habitudes mili–

taires, trop peu enracinées, n'avaieh t pas tenu

contre une grande défaíte, et ils avaient presque

ouMié qu'ils étaient soldats. La cavalerie qui

ordinairement poursuit ce genre de vice, et le

réprime, en était atteinte elle-méme, et on voyait

daos la masse déband ée des cavaliers

a

pied,

quelq.ues-trns méme

a

chcval. C'est sur cette

portion de l'armée que les coureurs de l'ennemi

avaient surtout prise. lis dispersaient ces marau–

deurs eomme de tiroides bandes d'oiseaux, et les

ramassaient en grand nombre, ce qui fournis–

sait

a

la coalition l'occasion de diTe qu'elle avait

fait des millicrs de prisonniers. Des canons

abandonnés faute de chevaux, ou des marau–

deurs enlevés daos les villages, lui procuraient

' de pré'tendus trophées, bien µlus dommageables

pour nous que véritablcmcnt glorieux pour

elle. 11 fallut employer loute la nuit du

21

et

la journée du 22 pour faire écouler cette masse

d'hommes, armés et désarmés, par les deux

ponts de Freybourg. On y réussit pour tant,

moyennant Ja résistance énergique que le maré–

chal Oudinot opposa sur les bords de l'Unstrutt

aux Prussicns du corps d'York. Ce maréchal

depuis Leipzig avait protégé la retraite avec

deux divisions de la jeune garde, tandis que

:Mortier avec les deux autres et Bcrtrand avec le

4e

corps étaient chargés d'ouvrir la route.

Oudinot perdit quelques centaines d'hommes

dans ce combat opiniatre, mais en tua beaucoup

plus au corps prussien d?York. 11 ne quitta ce

poste que lorsque toute l'arrnée cut défilé. Sur

ces entrefoites le général Bertrand, arrivé

a

temps

a

Kosen pour y prévenir Giulay, luí avait livré

un combat violent, le dos tourné vers Awer–

staedt, et le front vers Ja Saalc. Pendant une

journée entiere il fut assailli par les Autric'hiens,

et autant de fois il fut attaqué par euix, autant

de .fois

il

les repoussa avec Ja vaillante division

Guillcminot, et les précipita des hauteurs de

lfosen dans les gorg·es profondes de la Saalc.

Lorsque Bertr-and sut qu'Oudinot avait évacué

Freybourg, et que toutes nos colonnes avaient

défilé sur Erfurt, il abandonna son poste, crai–

gnant que l'.ennemi ne le devan<¡at, et ne le

coupat du reste de l'armée en allant·passer la

Saale

a

Jéna. Le 22 au soir on campa dans divers

.villages entre Apolda, Buttelstedt et Weimar.

Le 25 toute l'm,mée fut réunie aux envi'rons

d'Erfurt, la cavalerie battant le pays autour

d'elle pour la protéger contre les Cosaques.

Napoléon

a

Erfurt voulut, appuyé sur cetle

place qui contenait de grandes ressources, don–

ner deux ou trois jours de répit

a

l'armée. Elle

en avait un extreme besoin, soit pour se reposer,

soit pour remettre un peu d'ordre dans ses rangs.

11 y avait

a

Erfurt beaueoup de détachements

venus en bataillons et eseadrons de marche; il

y

avait en abondance des vétemcnts, des souliers ,

des vivres et des munitions de guerre. On

répartit entre les différents corps les détache–

ments qui se trouvaie·nt

a

Erfurt, et que la

difficulté des communications avait empéché de

dirigcr sur l'Elbe. Le corps d'Augereau réduit

a

la seule division Semelé et

a

1,600

hommcs

d'infanterie, au lieu de 8 mille qu'il comptait la

veille de la bataillc de Leipzig, fut par ce moyen

reporté

a

4 mille. 11 dut marcher avec la divi–

sion Durutte, seul reste du 7° c01'ps. Les autres

corps ne gagnerent pas dans cette p1·oportion,

bien entendu, cal' c'étaient neuf

a

dix mille

hommes le>ut au plus que pouvait fournir le

dépót d'Erfurt. On distribua les vetements, les

souliers, les vivres, on réapprov•isionna les pares

d'artillerie, et on essaya pnr l'appat des distri–

butions de faire reprendre des fusils aux marau–

deurs. Le succes sous ce rappo1't ne fut pas

grand, car Je vice de la maraude favorisé par la

saison, le mauvais temps, .J'age de nos soldats,

était déja fort répandu.

Napoléon profita de ces deux jours de loisir

pour écrire

a

Paris, et faire part de sa situation

aux principaux membres de son gouvernement.

Tout en palliant ses revers, et cherchant pour les

expliquer des causes imaginaires, il ne dissimu–

lait pas les besoins, et réclamait, outre les