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274

LIVRE

ClNQUANTIE.l\J.E.

fran9aises encore occupées a combattre. Aussi

le colonel Montfort demandait-il a tout vcnant

s'il y avait cncore plusieurs corps en arriere,

dans quel ordre ils se succédaient, quel

s.ern.it

le

dernier, et chacun sachant a peine ce qui s'était

passé immédiatement sous ses yeux, était inca–

pablc de répondre. Dans cet embarras, le colo–

nel imagina de se rendre a l'autre bout du pont,

c'cst-a-dire,

a

Lindenau, ou étaitNapoléon, pour

obtenir qu'on l'éclairat sur ce qu'il devait fairc,

et, en

s~éloignant

pour un instant,

il

prescrivit

au caporal des sapeurs de ne mettre le feu

a

la

mine que lorsque au lieu des Franc:;ais il verrait

paraitre les ennemis. A peine avait-il fait qucl–

ques pas

a

travers la foule épaisse qui encom–

brait le pont, qu'il s'aper9ut de l'impossibilité

d'aller jusqu'a Napoléon et de revenir. Il voulut

rebrousser chemin vers son poste, vains efforts

!

Au poiit qu'il avait quitté se passait la scene la

plus tumultueuse. Quelques troupes de Blucher

poursuivant les débris du

corp~4e

Reynier

a

travers le faubourg de Halle, se montrerent aux

abords du pont pele-mete avec les soldats du

7• corps. A cet aspect, des voix épouvantées se

mirent

a

crier: i\Iettez le feu, mettcz le feu

! -

Le caporal, auquel de tou tes parts on répétait

qu'il fallait détruire le pont, crut le moment

venu, et ruit le feu

a

la mine! Une épouvanta–

ble explosion retentit aussitót; les débris du

pont, volant dans les airs et retombant sur les

deux rives, y firent des victimes des deux cótés.

.l

\fa.is

celte déplorable erreur eut en quelques

inslanls de bien autres conséquences. Reynier

avee un reste du 7° corps, Poniatowski avec ce

qui avait survécu de ses Polonais, Lauriston,

Macdonald avec les débris des 5e et 11º corps,

étaient encore sur les boulevards de Leipzig,

pressés entre deux cent mille ennemis et plusieurs

bras de riviere sur lesquels les moyens de pas–

sage étaient détruits. Plus de vingt mille de nos

soldats avec leurs généraux étaient ainsi con–

damnés ou a périr, ou a devenir les prisonniers

d'un ennemi que l'exaspération de cette guerre

rendait inhumain. lis se crurent trahis, exhalc–

rent des cris de fureur, et dans les alternatives

d'une sorte de désespoir,

tanto~

se ruaient bai:on–

nette baissée sur ceux qui les poursuivaient,

tantót revenaient vers la Pleisse et l'Elstcr pour

franchir ces rivieres

a

la nage. Apres une melée

confuse et sanglante, les uns se rendirent., les

autres se jeterent dans les rivieres, un certain

nombre réussit

a

les passer

a

la nage, beaucoup

furent emportés par la force des eaux. Les géné-

raux commandants, parmi lesquels

il

y

avait

deux maréchaux, ne voulaient pas laisser de si

beaux trophées

a

l'ennemi' et ils chercherent

a

se sauver. Poniatowski, fait maréchal Ja veille

par Napoléon pour prix de son héro'isme, n'hé–

sita pas

a

lanccr son chcval dans l'Elster. Par–

venu

a

l'autrc bord, mais le trouvant escarpé, et

chancelant par suite de plusieurs blessures, il

disparut dans les eaux, enseveli dans sa gloire, la

chute de sa patrie et la nótre. Macdonald ayant

suivi son exemple, atteignit la rive opposée,

y

trouva des soldats qui l'aideren t

a

la gravir' et

fut sauvé. Reynicr et Lauriston, entourés avant

qu'ils pussent tenter de s'enfuir, furenf conduits

devant les souverains de Russie, de Prusse et

d'Autriehe, en présen,ce desqucls ils n'avaient

Jongtemps paru qu'en vainqueurs. Alexandre,

en reconnaissant le général Lauristou, ce sage

ambassadeur qui avait fait taut d'offorts pour

empecher la guerre de 1812, lui tendit la nrnin

en lui reprochant d'avoir cherché

a

se soustraire

a

son estime.

Jl

fit traiter avec égard les géné–

raux fran<;ais devenus ses prisonniers, dissimula

pour eux son orgueil

profondéme~lt

satisfait,

mais voulut qu'ils assistassent

a

tout l'éclat de

son triomphe. En effet, les généraux, les princcs

victorieux étaient réunis sur la principale place

de la ville, se félicitant les uns les autres, se

complimentant réciproquement de ce qu'ils

avaient fait, en présence des habilants de Leip–

zig qui, pales encore de Ja terreur de ces trois

jours, sortaient des caves de lcurs maisons, et

poussaient des acclamations en l'honneur des

souverains libérateurs. Au milieu de ces per–

sonnages agités se faisait remarquer Bernadotte,

persuadé qu'il avait

a

lui seul décidé la victoire

en arri vant le dernier, étant seul

a

le croire,

mais bien accueilli par Alexandrc, qui, dans sa

politique raffinée, .tenait

a

ga.rder sous son in–

fluence Je futur souverain de la Suede. Tandis

qu'Alexandre accucillait si bien ce Franc:;ais com–

battant contre'Ia France, il se montrait bien dura

l'égard d'un prince allemand, qu'il appelait injus–

tement traitre enversl'Allema.gne. Ce prince était

l'infoutuné roí de Saxe. Deux fois depuis le matin,

des officieus étaicnt venus de sa part demander

un moment d'ent11etien, et ils avaient élé repous–

sés . En ce moment

il

y

en avait un troisieme

qui, le chapeau

a

Ja main, suppliait Alexandre

de permeLtre au vieux roi de lui offrir ses hom–

mages. Ce malheureux monarque était

a

quel–

qucs pas de

la,

tete nue, implorant vainement

un regard du vajnqueur. Napoléon,

il

faut le