LEIPZIG ET HANAU. - ·
OCTOBRE
1815.
27i
nant, et soustraire a l'ennemi le plus possible de
nos embarras avant l'attaque ' facile a prévoir'
du lendemain. Napoléon descendit dans une
simple hótellerie située au centre de la ville , et
de la expédia tous ses ordres. 11 prescrivit aux
états-majors es divers corps de défiler toute la
nuit avec Je matériel , les blessés qu'on pourrait
emporter, l'artillerie qu'on avait conservée tout
entiere, a l'exception seulement d'une vingtaine
de pieces qu'une explosion avait fa it perdre au
combat de Mockern.
ll
ordonna que les corps
d'armée se retirassent ensuite l'un apres l'autre,
ayant en tete la garde, dont deux divisi_ons
avaient déja passé a Ja suite du généralBertrand .
Le pont franchi, la garde devait se mcttre en
bataille sur le plateau de Lindenau qui domine
l'Elster , et présenter
a
l'ennemi une arriere–
garde invincible. Comme
il
était probable que
les coalisés, en voyant notre départ, voudraicnt
se jeter sur nous , afin d'ajouter a netre passage
a
travers Leipzig toutes les difficul tés d'un combat
sanglant,
il
fut prescrit au 7° corps (général
Reynier), qui était composé aujourd'hui de l'u–
nique division Durutte, de dispu ter le faubourg
de Halle au nord de la ville. La division Dom–
browski devait l'aider daos cette tache péril–
leuse. Marmont, avec les débris de son 6° corps
et une division du 5° (Souham), devait défendre
l'est de la ville, ou allaient se presser Blucher et
Bernadotte. Enfin Macdonald, dont le corps avait
moins souffert que les autres le 18 , se liant par
sa gauche avec Marmont, devait, avec Lauriston
et Poniatowski, protéger le coté sud contre la
grande armée de Boheme. Ces corps , pendant
que la garde, toute la cavalerie, les restes de
Víctor, d'Augereau , de Ney , décamperaient ,
avaient mission de disputer les fa ubourgs
a
outrance, d'y barrer les ·rues comme ils pour–
raient, puis de défiler eux-memes par un vaste
boulevard .bordé d'arbres, qui régnait autour de
la ville et lµ. séparait des faubourgs. Se r epliant
les uns apres les autres sur cette voie , trois ou
quatre fois plus large qu'une rue , ils devaient
venir par le coté du couchant , gagner le pont
de Lindenau , et traverser successivement les
deux rivieres de la Pleisse et de l'Elster . Le co–
lonel Montfort, appelé chez Berthier , non point
pour l'établissement de ponts supplémentaires
auxquels
il
n'était plus temps de songer, mais
pour certaines précautions de sureté, re<;ut l'ordre
de disposer une mine sous l'ar che la plus r ap–
prochée de la ville, afin de la faire sauter au
moment ou le dernier corps fran<;ais aurait passé,
et ou la tete des ennemis apparaitrait : ordre
fac ile
a
donner ' mais soumis, quant a son exé–
cution, Dieu sait
a
quels hasards
!
Le combat
qu'on devait soutenir dans les faubourgs serait-il
assez long pour que choses et hommes eussent
le temps de s'écouler ? Puis les corps chargés de
combatLre dans les faubourgs auraient-ils
a
leur
tour le temps de se retirer, et de s'arracher des
mai ns de l'ennemi? Enfin n'était-il pasa craindre
que les coalisés, per<;ant sur quelques points, ne
par vinssent au pont avant les. derniers corps
fran<;ais? Et alors comment arreter la poursuite
des uns sans empecher aussi la retraite des au–
tres? Napoléon ne s'inquiéta d'aucune de ces
questions, et en effet
il
ne le pouvait guere, car
les choses arrivées au point ou
il
les avait ame–
nées, le hasard allait seul décider des conséquen–
ces. D'ailleurs , tout en paraissant occupé de
donner des ordres,
il
était occupé aussi a plonger
d'un regard sinistre daos les sombres profon–
deurs de l'avenir, ou il pouvait déja voir non-seu–
lement des batailles per dues , mais des empires
cr oulants, et lui-meme avec leurs ruines·préci–
pité dans un abime
!
A ces instructions pour la retraite de Leipzig
il
en ajouta quelques autres destinées aux corps
laissés sur l'Elbe, et r édui ts tous
a
capituler , si
un miracle d'énergie et de présence d'esprit, en
les r éunissant sur le has Elbeau maréchalDavoust,
ne leur rouvrait les portes de France actuell e–
rnent fermées. 11
fit
pr escrire au grand quartier
général , duquel on était resté séparé, de s'ache–
miner avcc les pares sur Torgau. 11 envoya des
émissaires
a
Dresde,
it
Torgau,
a
Wittenberg,
pour leur indiquer un moyen de salu t : c'est que
le maréchal Saint-Cyr , qu i avait trente mille
hommes encore, et pouvait en ne perdant pas de
temps renverser tout ce qui serait sur son chemin ,
sortit de Dresde, se r endit
a
Torgau, puis
a
W it–
tenberg, puis
a
Magdebourg, et, ramassant suc–
cessivcment toutes les garnisons, allat se joindre
a
Davoust avec soixante-dix mille hommes. En
ayant cent mille a eux deux, ils pouvaient sauver
encore quelques garnisons de l'Oder , et ensuite
rentrer en France par Wesel
a
la tete de cent
vingt mille soldats. Mais que de miracles polir
qu'un tel or dre arrivat, füt exécuté et r éussit!
A peine aurait-on pu attendr e ce miracle de sol–
dats et d'officiers ayant l'élan et la confiance de
la victoire
!
et daos ce cas mcme , que de mil–
liers de blessés, quarante mille peut-etre, livrés
a
la barbarie d'un vainqueur qu'une sorte de
fanatisme patriotique aveuglait jusqu'a luí
fa ir