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2'10

LIVRE

CINQlJAN'Í'IEl\1E.

corps de Bulow, avait la plus grande peine

a

se

maintenir. Cinq mille hommes lutterent pen–

dant plus d'une heure contre vingt mille, etlut–

terent héro!quement. Pourtant il follut céder et

se replier sur Sellerhausen. Ney leur ramena la

division Delrnas pour empecher qu'ils ne fussent

accablés dans leur mouvement rétrograde. Del–

mas, le vieux soldat de la République, mourut

noblement en venant au secours de Durutte

avec sa diyision. Pendant qu'a la droite de Ney,

Durutte, Delmas combattaient entre Paunsdorf

et Sellerhausen, Marmont

a

gauche soutenait

dans le beau village de Schonfeld un combat

fu–

rieux. Schonfeld était le point essentiel ou notre

ligue, en remontant au nord, venait s'appuyer

a

la Partha, et c'était le point que Blucher vou–

lait enlever avec les soldats de Langeron. En

quelques-l1eures la division Lagrange perdit ce

village et le reprit scpt fois. Enfin elle allait suc–

comber quand Ney vint la renforcer avec une

des divisions de Souham , celle de Ri ard. Une

derniere fois on reprit Schónfelcl. Entre Schon–

feld et Sellerhausen Marmont avec les divisions

Compans et Friederichs formées en carré résis–

tait

a

tous les assauts de la cavalerie prussienne

et russe. Mais 28 mille hommes ne pouvaient

pas

lutt~r

longtemps contre 90 mille, et on céda

Schonfeld et Sellerhausen pour se rapprocher

de Lcipzig, avec la crainte de voir Bernadotte

et Bubna, maintenant réunis daos la plaine de

Leipzig, pénétrer par la breche que la défec–

tion des Saxons avait opérée dans notre ligne.

Heureusement un renfort considérable de

cava~

lerie et d'artillerie arrivait au galop. C'était

Nansouty avec la cavalerie et l'artillerie de Ja

garde qui accourait, sous la conduite de l'Empe–

reur lui-meme. Le bruit de la défection des

Saxons, retentissant jusqu'au quartier général,

y

avait soulevé tous les coours, et Napoléon, lais–

sant Murat

a.

Probstheyda pour le remplacer

a

la bataille du sud, qui s'était convertie en canon–

nade, était venu en toute bate réparer ce mal–

heur imprévu qui mettait le comble

a

nos cala–

mités.

A cet aspect Bulow d'un coté, Bubna de l'au–

tre, qui étaient prets

a

se donner la main , for–

merent chacun un crochet en arriere , pour

. présenter un flanc

a

la cavalerie de Nansouty.

Nansouty les chargea

a

outrance, tantot

a

droite,

tantot

a

gauche, sans pouvoir renverser leur

masse épaisse. Mais il arreta court leur progres,

et la comme sur les trois faces de cet immense

champ de bataille de Leipzig

a

SchOnfeld au

nord, de Schonfeld

a

Probstheyda

a

l'est , de

Probstheyda

a

Connewitz au sud, une canon–

nade de deux mille bouches

a

feu termina cette

bataille, justement dite

des Géants,

et jusqu'ici

la plus grande certainement de tous les siecles.

Tant qu'on put se voir, on tira les uns sur les

autres avec une sorte de fureur, mais sans cspoir

de la part des coalisés de faire abandonner aux

Fran<;ais la ligne qu'ils avaient prise. Nos soldats

demeurerent immobiles, comme fixés

a

des limi–

tes qu'aucune puissance humaine ne pouvait

franchir. L'admiration était dans le coour meme

de leurs ennemis acharnés, et justementacharnés

puisqu'il s'agissait d'affranchir leur patrie. Ce

que c01lta cette nouvelle bataille, l'histoire men–

tirait si elle voulait l'aflirmer d'une manierepré–

cise. On pcut seulement le conjecturer d'apres

ce qui resta d'hommes valides les jours suivants

dans les armées belligérantes. Pres de vingt

mille hommes de notre coté, et de trente mille

du coté des coalisés, qui étaient exposés

a

des

feux dominants et bien dirigés, furent le nombre

des victimes de cette troisieme journée. Ainsi

en trois jours plus de quarante mille Frarn;ais,

plus de soixante mille Allemands et Russes, furent

atteints par le feu

!

Ah! disons-le bien haut, en

présence de cet horrible carnage, la gucrre,

quand elle n'est pas absolument nécessaire, n'est

qu'une criminelle folie

!

Apres cette affreuse journée, quelque glo–

rieuse qu'eut été la résistance de notre armée,

iI

était indispensable de battre tout de suite en

retraite, et mieux eut valu certainement

d~camper nuitamment Je 17 au soir, que de ris–

quer la terrible bataille du

18,

pour conserver

quelques heures de plus une attitude victorieuse.

11 n'en fallait pas moins se retirer aujourd'hui le

plus promptement p·ossible, au risque d'essuyer

des perles énormes en traversant une ville comme

Leipzig, avec une armée qui, apres avoir été im–

mense en personnel et en matériel, l'était encore

en matériel, et n'avait pour évacuer ce qui lui

restait qu'un seul pont, celui de Lindenau, long

d'une demi-lieue, embrassant des bois, des

marécages, plusieurs bras de rivicres.

Napoléon , quoique souffrant cruellement au

fond de son ame, mais cachant sa sou:ffrance sous

la hautaine impassibilité de son visage, quitta

son poste de Probstheyda vers le soir , et se

rendit

a

Leipzig afin de tout disposer pour une

retraite immédiate.

A

pres avoir refosé vingt–

quatre heures auparavant la protection des om–

bres de la nuit

7

iI

fallait bien l'accepter mainte·