LElPZIG :ET HANAU. -
OC:TODllE
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reconoatll'e, plus habitué
a
la victoire, avait
mieux traité les rois vaincu.s. Alexandre, cédant
a
un sentiment peu digne de lui ,
fit
dire au roi
de Saxe qu'il ne voulait point le vo ir, qu'il était
pris les armes
a
la main , et des lors prisonnier
de guerre; que les souverains alliés décideraient
de son sort, et lui feraient notifier leur décision.
Ainsi, en nous abandonnant sur le champ de
bataille, les
sol~ats
saxons n'avaient pas mcme
achete le pardon de leur roi
!
Revenons
a
l'armée fram;aise, se retirant mu–
tilée
a
travers les bras nombreux de Ja Pleisse
et de l'Elster, et laissant encore dan cette
jo.ur–
née vingt mille de ses soldats, ou pri onniers,
ou expirants <lans les rues de Leipzig, ou noyés
dans les eaux ensanglantées de la Pleisse et de
l'Elster
!
Cette dernicre des quatre journées né–
fastes de Leipzig porta les perles de l'armée fran–
c;aise en morts, blessés, prisonniers, noyés ou
égarés, a soixanle mille hommes environ. L'en–
nemi n'avait pas perdu moins en hommes atteinls
par le feu; mais ses blessés allaient recevoir tous
les soins du patriotisme allemand r econnais ant:
les notres, qu'allaient-ils devenir?
Napoléon avait entendu, de Lindenau ou il
était, une violente explosion; il en connut bien–
tot la cause et les conséquences, se montra fort
courroucé contre tous ceux auxquels on pouvait
imputer ce funesle accident, et alfecta de vouloir
trouver des coupables, quand il n'y en avait point,
et quand, s'il y en avait un, e'était lui , l'auteur
de cetle horrible guerre
!
Telle fut celte Iongue et tragique bataille de
Leipzig, l'une des plus sanglantes et certaine–
ment la plus grande de tous les siecles, et qui
termina si désastreusement la campagnc de Saxe,
. commencée d'une maniere si heureuse
a
Lutzen
et
a
Bautzen. Sans doule on se demandera com–
ment, apres de si profonds ealculs, de si savantes
manoouvres, de si hautes espérances, Napoléon
put ctre conduit
a
une pareille catastrophe, et
on ne le comprendra en effet qu'en se rendant
un comptc exact de tous les mobiles qui le firent
agir, et t-:mrnerent cu affreu x revers des concep–
tions qui étaient au nombre des plus bellcs de
sa vie. Qu'on suppose un général moins grand ,
mais placé dans une situat.ion simple, n'ayant
ni loute une fortune prodigieuse
a
rcfaire d'un
seul coup, ni cent motifs d'orgueil pour se .dissi:
mule1' la vérité, n'étant pas non plus habitu é a·
che11cher daos des combi.naisons bardies et com–
pliquées des résultats cxtraordinaires, et il eut
certainernent agi autrement, et tres-probable-
ment s'il n'avait pas obtenu d'éclatants succes, il
aurait au moins évité un désastre. A la premierc
menace d'un rnouvement sur ses derrieres, ou
pa1·
l'Elbe inférieur ou par la Boheme, il aurait,
sa os pcrdre un instant, décampé de Dresde, en
n'y lai sant que les malades impossibles
a
lrans–
porter.
11
aurait pu amener ainsi, outre les
200
mille hommes qui lui restaient
~1
cette
époque, les
50
mille laissés dans Dresde, vrai–
semblablement aussi les
50
mille de l\feissen,
Torgau, Wi ttenberg, et rejoindre la Saale en
une massc compacte, que les marches excessives
ni les détacbements obligés sur l'Elbe n'auraient
poiot affaiblie. Si, dans celle situation, l'une des
deu x armées ennemies, celle de Boheme ou de
l'Elbe, avait commis la faute de devancer l'autre
d'un jour
a
Leipzig ,
il
l'eut accablée, et se ser ait
ensuite rabattu sur la seconde. Supposez que l'oc–
casion d'un te! tr iomphe ne lui eut pas été olferte,
il aurait au moins regagné sain et snuf les bords
de la Saale, et si cette ligne, qui est courte, facile
u
débordcr de tous les cotés, n'avait pu cLre défen–
due,
il
auraitsagement repris le chemin du Rbin ,
et par des instructions adressées
a
temps
a
toutes
les garnisons des places de l'Elbe inférieur,
il
leur aurait prescrit de se replier les unes sur les
autres jusqu'a Hambourg, ou certainement elfos
auraient pu parvenir saos accident, l'ennemi
étnnt atliré tout entier
a
la sui te de la grande
arméc. Elles auraient formé ai nsi avee
le
maré–
chal Davoust une bclle armée de
80
mille hommes,
qui aurait rejoint le Rhin par Wesel, et des lors
pres de
500
mille soldats en bon état se seraient
retrouvés sur la fronticre de l'Empire, et
y
au–
raicnt opposé
a
l'invasioJíl une barriere invinci–
ble
!
Mais Napoléon, par caracterc, par orgueil ,
par habilude et besoin de résultats extraordi–
naires, s'était rendu impossihle une conduite
aussi simple.
A la nouvelle d'uue double marche de ses
ennemis sur Leipzig, les uns descem.dant de la
Bohcme, les au tres remontant de l'Elbe le long
de la l\fulde, il ne songca pas un instant
a
sa
süreté. Habitué
b
les voir se dérober sans cesse,
il n'eut qu'une crainle, c'est qu.'ils pL1ssent lui
échapper encore, et au lieu d'aller <lroi t
a
Leip–
zig, par le chemin di:I:ect, ce qui lui au rait sauvé
<louzc ou quin ze mille soldats laissés au milieu
des Loues de l'automne,
il
descendit l'Elbe dans
Ja dircction de Düben, pour saisir
a
coup sur
, Blu cher et Be·rnadotte, L0Hj0urs convaineu daos
son orgueil qu'on était bcaucoup plus disposé
a
Je fuir qu'a le combattre. A peine en marche, et
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