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LIVRE CINQUAN1'1El\IE.
Augereau fort épuisés, ne comptant pas dix
mille homme
a
eux deux, qui défendaieot ce
point. Le prince de Hesse-Hombourg y fut gric–
vement blessé, et remplacé aussitót par le géné–
ral Bianchi. Nous fümes obligés d'abandonner
toutefois un peu de terrain, et de venir nous
placer
a
Connewitz, derriere une ligne d'eau
alternativement stagnante ou cour:.mtc, qui allait
de Probstheyda
a
Connewilz se jcler dans Ja
Pleisse. Avant de s'y retirer, notre cavalerie
exécuta de superbes chargcs, repoussa plusieurs
fois celle des AuLrichiens, et puis se rcplia avec
l'infanterie derriere le ruisseau dont
il
vient
d'etre parlé. Une fois
a
Connewilz, Poniatowski
et Augereau s'y établirent invinciblement. Oudi–
not avec les deux divisions de Ja jeune garde qui
restaient (on a vu que les deux autres étaient
sous Mgrtier
a
Leipzig), se posta derriere le
ruisseau, de Connewitz
a
Probstheycfa, la cava–
lerie rangée dans les intervalles de l'infauterie.
Une partie de l'artilleríe de la gardu se rnit en
batterie, et foudroya les masses ennemies. Plu–
sieurs fois les Autricbiens voulurent franchir
l'obstacle, et chaquc
fo
is on les
fi
t mourir au picd
de Ja posit.ion. Le corps de l\Ierfeld commandé par
Sederer, et placé de l'autre coté de
la
Plcisse, sur
le terrain has et boisé que la Pleisse et l'Elster
traversent en tous seos, ren ouvelaít ses attaq ues
de l'avant-veille contre notre droite, daos l'in–
tention Je la tourner. Il ne put nous envoyer
que des boulets qu'on lui rcndit avec usure.
ll
était midi, le canon retentissai t au nord,
ce qui annon9ait que Blucher et Bernadotte en–
traient en action, et ce qui faisait trois hatailles
livrées en meme temps. De plus il y en avait
prcsque une quatrieme, car sur notre droite, au
dela de la Pleisse et de l'Elster, dans la plaine de
Lutzen, on entendait le canon de Bertrand aux
prises avec Giulay pour s'ouvrir la route de
Wcissenfels. Cette épouvantable élenduc de car–
nage ne troublait pas plus le visage de Napoléon
que le cceur de nos soldat.s, exaltés pour ainsi
dire par cette solennité d'une bataille sans égale
dans l'histoire, car depuis trois jours cinq cen t
mille hommes se disputaient dans les plaines de
Leipzig l'empire du monde. Jamais on n'avait vu
pareil nombre d'hommes sur un mcme champ
de bataille.
Le canon de Blucher et de Bernadotte fut
pour l'armée du prince de Schwarzenberg le
signal d'une attaque furieuse contre le point
clécisif de Probstheyda . Déja, Kleist et Wittg·cn–
stein, formant la colonne du centre, s'étaient
avancés, Kleist avec les trois divisions prussien–
nes Klüx, Pirch et prince Auguste, Wittgen–
stein avec les divisions russes Eugene de Wur–
temberg et Gortschako:ff, suivies des réserves.
Arrivés devant la position, les Prussiens qui
toujours briguaient la tete des attaques, par la
raison fort honorable pour eux qu'il s'agissait
dans cette lutle terrible d'a:ffraochir l'Allemagne,
s'élancent les premiers, et au pas de charge, sur
Probstheyda. Drouot, raogé en avant de Probst–
heyda , les attend avec l'artillerie de la garde,
Víctor avec son infanterie. 11 fallait gravir un
terrain incliné en forme de glacis. Drouot les
laisse arriver, puis les couvre de mitraille, et les
précipite confusément les uns sur les autres.
Polll'tant, animés d'une véritable rage patrio–
tique, ils se remettent en rang, marchent une
seconde fois sur Probstheyda et parviennent
a y
entrer. l\fais Víctor, avec ses divisions décimées,
les charge
a
la ha1onnclte, et les arrete. Aprcs
les avoir arretés, il les pousse dehors, et notre
artillerie les mitraillc de nouveau. Les trois di–
visions prussiennes, horriblement traitées, vont
se reformer
a
quelque distance, au has du glacis
sur Jeque! s'élhe Probstheyda . Napoléon fait
avancer Lauriston, et lui-meme, sous une grele
de houlets, range par derriere, en colonnes pro–
fond es, les dcux divisions de la vieille garde,
Friant et Curial, seule réserve qui lui reste. Ces
hcaux grenadiers, avec lcurs énormes honnets
a
poi!, immobiles sous les boulets, sont placés
eomme deux puissants arcs-houtants derriere
Lauriston et Víctor. On s'attend
a
une nouvelle
attaque, et on se promet de la recevoir comme
la précédcnle.
En effet, les trois divisions prussiennes ayant
un moment repris haleine et resserré leurs
ran gs , sont rejointcs par les divisions russes de
\Vittgenstein, et d'un meme mouvement se re–
portent en avant, toujours accablées par la mi–
traille de Drouot. Elles se précipitent loutes
ensemLle sur Probstheyda, l'enveloppent, y
pénetrent, et sembleut cette fois devoir en rester
mai tresses.
~lais
Victor, quoique avec des trou–
pes épuisées , Lauriston avec les siennes que la
balaille du 16 a réduites des deux tiers, fondent
a
la ha1onnetle sur les Prussiens et les .Russes
r éunis, comhattent corps
a
corps, puis, par un
suprcme effort, refoulent les assaillants hors du
village, et les culbutent sur ]a déclivit.é du ter–
rain, ou notre artillerie, profitant de cette nou–
vclle occasion, les couvre encore de mi traille.
Tandis qu'on résiste ainsi de face, un autrc