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LIVRE CINQUANTIEME.
apres l'autre,
a
travers Leipzig, repoussant éner–
giquement l'enncmi qui oserait aborder nos
arriere-gardes . Une pareille marche, en nous
tirant d'une fausse position, aurait ainsi l'aspect
d'un changement de ligne, plutótque celui d'une
re traite.
Napoléon se croyait encore si imposant, qu'il
n'imaginait pas qu'on put troubler une semblable
retraite. 11 ,l'était encore beaucoup sans doute,
mais pour la passion enivrée de subites cspé–
rances, il'D'y a rien d'imposant, et c'était une
passion de ce genre qui animait alors les coalisés.
Telles furent les résolutions de Napoléon pour la
nuit du 17 au 18.
Ce qui s'était passé pendant la journée du coté
des coalisés ne répondait pas aux illusions dont
il
avait flatté son malheur. Leur intention prc–
miere avait été de combattre sans relache, de
faire tue r des hommes sans mesure, jusqu'a ce
qu'on füt venu a bout de la résistance des Fran–
-tais, et ::i.vec de telles dispositions il n
y
avait pas
meme de motif pour s'arreter le 17. Pourtant les
nouvelles qu'on avait réussi
a
se procurer du
nord de Leipzig, avaient appris que le prince de
Suede pourrait se trouver en ligne si on lui ac–
cordait un jour de plus. Une autre nouvelle non
moins importante était venue des environs de
Dresde. Onavait laissé devant cette ville la di–
vision Sherbatow et la division autriehienne
Bubna sur la droite de l'Elbe, et l'armée entiere
de.Benningsen avec le corps de Colloredo sur la
rive gauche. C'étaient environ 70 mille hommes,
bien inutilement employés
a
contenir un corps
fran-tais qu'il suffisait d'observer, et dont on
n'avait rien
a
craindre. Ayant profité des le<;ons
de Napoléon, qui avait enseigné
a
tous les géné–
raux du siecle l'art de réunir ses troupes au point
ou elles étaient le plus utiles, on avait prescrit
au général Benningsen de laisser Je corps de
Tolstoy devant Drcsde, et de marcher avec le
sien sur Leipzig. l\feme ordre avait été expédié
au corps de Colloredo et
a
la division Bubna.
1
Les écrivains décidés á ne voir dans les revc1·s de apo–
léon d'autre cause que la trabison de ses alliés ou la faibl es e
<le ses lieutenants, commc si la trahison des alliés, la faiblcs e
des lieutenants ne p1·ovenaien t pas ellcs-mémes de fautes
graves, ces écrivains ont prétendu que les généraux de Ja
coalition ne voulaien t pas :lllaquer le 17 ni le 18, mais c¡u'ils
s'y <léci<lérent daos la nuit du
18,
en :ipprenant la tr:ihison
projelée des Saxons.
Des
lors Napoléon aur:iit encore calculé
iei avec une ju tesse infaill ible. En rcstant en effet un jom· de
plus en position il se serait retiré s:iin et :iuf :ivee l'attitude
d'un vainqucu1., et ce n'e t que lo trabi on des Saxons qui
aarail empcché ce calcul de se vérifier . Cette nouvelle suppo–
sition
e.sl:rns
i
peu fondée que toutes celles du méme genre.
C'étaient cinquante mille hommes dont l'arrivée
était annoncée pour
la
fin de la journée. Cin–
quante mille de ce coté, soixante mille du cóté
de Bernadotte, composaient un renfort de cent
dix mille hommes, dont il etit été bien impru–
dent de se priver. 11 n'y avait done pas
a
etre
avare du temps qui devait tant profiter aux al–
liés, si peu aux Fran-tais, et on ne pouvait mieux
faire que de remettre d'un jour l'attaque déci–
sive. Les soldats qui avaient si vaillamment com–
battu dans la journée du 1
(i
prendraient un peu
de repos Je 17 , et ce r.epos ne servirait guere aux
soldats de Napoléon, qui étaient trop intelli–
gents poor ne pas apercevoir le danger sans
eesse croissant autour d'eux, et devaient etre
plutot affectés que remis par la prolongation
d'une situation pareille. Par ces raisons , qui pour
notre malheur étaient toutes excellentes , on
avait déeidé de différer jusqu'au 18 la derniere
bataille
1 •
L'arrivée de M. de Merfeld dans l'apres–
midi, ses récits détaillés n'éhranlerent personne,
et révélerent au contraire
a
tout le monde la dé–
tresse qui avait arraché
a
Napoléon des proposi–
tions si nouvelles. Ne s'arreter qu'au bord du
Rbin fut la résolution générale.
Au nord de Leipzig, les déterrninations, prises
avec moins d'accord, n'en avaient pas moins
tendu au meme but. Le prince de Suede, as–
sailli par les reproches violents du ministre
d'Angleterre qui taxait son inaction de perfi–
die, par les remontrances de ses divers états–
majors, et notamment par les instances des
officiers suédois dont les champs de Leipzig
réveillaient les souvenirs patriotiques, avait
fi.nipar marcher le 17, et par prendre position der–
riere Blucher, auquel il avait demandé une cn–
trevue. Celui-ci l'avait déclinée, sachant ce que
le prince désirait de lui, et décidé
a
ne pas y
consentir. 11 s'agissait de passer hardiment la
Partha, afin de eompléter l'investissement des
Fran-tais, et cclui qui Ja traverserait avant
d'avoir donné la main au prinee de Schwarzen·
MAi. de Wolzogcn, C:ithcart, présents aux quarliers généraux
des co:ilisés, aous ont 1·évélé le détail des délibérations de ces
c¡ uartiers généraux, et on snit anjourd'hui que la résolution
élait d'att:iquer Je 17 méme, et que l'arrivée de nouveaux ren–
forts fitseule remettre :iu
i8.
De plus, lo défeetion des Saxons,
si elle était connue d'av:ince, ne l'était qu'au quarlier général
de Bernadotte, ou des Saxons réfugiés auprés de lui l'av:iient
prép:irée; mais elle étai t lout
a
fait ignorée au quartier géné–
ral des trois souverains Ces invcntions, qui ont pou1· but de
prouver non pos le ¡:;énie prodigieux de Napoléon, qu'on ne
pcut mettrc en question, m:iis son infaillibililé, ont done con–
traires
a
la vérité, et <lénuécs de tout fondement.