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LIVRE CINQUANTIEI\IE.

M. de Merfeld

1,

auquel on avait rendu son épée.

Il l'accueillit avec courtoisie, et le complimenta

relativernent

a

la tentative faite contre le pont

de Dolitz, bien qu'elle eut mal réussi; puis il

lui dit qu'en mémoire de son mérite, de ses an–

ciennes relations avec le quartier général fran–

cais il allait le renvoyer sur parole; ce dont le

général autrichien le remercia fort. Amenant

ensuite la conversation sur le sujet qui l'intéres–

sait, Napoléon lui demanda si en attaquant ils

avaient su. qu'il était présent sur les lieux. -Le

général l\ferfeld ayant répondu que oui, Napo–

léon lui répliqua : Vous vouliez done cette fois

me livrer bataille? - Le général l\1erfeld ayant

répondu de nouveau , avec respect mais avecfer–

meté, que oui, parce qu'ils étaient réso]us

a

ter–

miner par une action sanglante et décisive cette

longue lutte, Napoléon luí dit : l\fais vous vous

trompez sur mes forces; combien croyez-vous

que j'aie de soldats? - Cent vingt mille au plus,

repartit l\'I. de l\'Ierfeld. - Elí bien, vous étes

dans l'erreur, j'en ai plus de deux cent mille. -

On a vu, par ce qui précCde, de combien se

· trompaient l'un et l'autre interlocuteur , mais

!'un par ignorance, l'autre par calcul. Et vous,

reprit Napoléon, combien en avez-vous ? - Trois

cent cinquante mille, dit l\I. de Merfeld. - Ce

chiffre n'était pas tres-éloigné de la vérité. Napo–

léon ayant avoué qu'il n'en avait pas supposé

autant, ce qui expliquait du reste la situation ou

il s'était mis, ajouta avec sang-froid et un sem–

blant de bonne humeur : Et demain , m'attaque–

rez-vous? - M. de Merfeld répondit avec la

meme assurance que les coalisés combattraient

infailliblement le lendemain, résolus qu'ils étaient

a acheter leur indépendance au prixde tout leur

sang. - Napoléon, dissimulant son imp1·ession,

rompit le cours de l'entretien, et dit

a

1'1.

de

Mer feld: Cette lutte devient bien sérieuse, est-ce

que nous n'y mettrons pas un terme? Est-ceque

nous ne songerons pas

a

faire la paix? - Ph1t

au ciel que Votre l\fajesté la voulUt

!

s'écria le

général autrichien, nous ne demandons pas un

autre prix de nos efforts

!

nous ne combattons

que pour la paix

!

Si Votre Majesté

l'e~t

désirée,

1

DI. Fain, qui cepcndaut était au quartier général, a pré–

lendu que ce fut le

t6

au soir que Napoléou appela

l\f.

de 1Ue1·–

fcld, et lui rendit sa liberté. Beaucoup d'aulres écrivains ont

reproduit 1,a meme erreur, parce qu'elle fournit une expliea–

tion et une excuse toule naturelle pour la perle de la journée

du t7. Napoléon dans ce cas :iurait allendu pendant toule la

journée du

17

une réponse

a

ses pl'oposilions. Or, la publica–

lion de la conversation de

1\1.

de Merfeld, due :iu eomte de

\Veslmoreland, récemmenl encore ambassadeur

¡\

Vienne, et

elle l'aurait eue

a

Prague, il

y

a deux mois. -

Napoléon, alléguant ici de fausses excuses, pré–

tendit qu'aPrague on n'avait pas agi franchement

avec lui; qu'on avait usé de finesse, qu'on ava1t

cherché

a

l'enfermer dans un cercle fatal, que

cette maniere de traiter n'a'vait pu luí convenir,

que l'Angleterre ne voulait point la paix, qu'elle

menait la Russie et la Prusse, qu'elle menerait

l'

Autriche comme les autres, et que c'était

a

cette

derniere

a

travailler

a

la paix si elle la souhaitait

sincerement. - M. de Merfeld, apres avoir af–

firmé qu'il parlait pour son compte, et saos mis–

sion (ce qui était vrai, mais ce qui n'empechait

pas qu'il ne fUt instruit de tout), soutint que

l'Angleterre désirait

la

paix, qu'elle en avait

besoin, et que si Napoléon savait faire les sacri–

fices nécessaires au bonheur du monde et de la

France, la paix serait conclue tout de suite. -

Des sacrifices

!

s'écria Napoléon, je suis pret a en

faire

!

Et

afin de donner

a

croire qu'il n'avait tenu

a

garder certaines possessions en Allemagne qu'a

titre de gages, et pour s'assurer la restitution de

ses colonies,

il

ajouta: Que l'Angleterremerende

mes colonies, et je lui rendrai le Hanovre. -

M. de l\'lerfeld ayant indiqué que ce n'était pas

assez, Napoléon laissa échapper un mot qui, pro–

noncé au congres de Prague, aurait changé son

sort et le nótre. - Je restituerai, dit-il, s'il le

faut, les villes hanséatiques... - Malheureuse–

ment il était trop tard. Kulm, la Katzbach,

Gross-Beeren , Dennewitz, Wachau , avaient

rendu ce sacrifice insuffi.sant. l\'I. de l\lerfeld ex–

prima l'opinion que pour obtenir la paix de l'An–

gleterre

il

faudrait consentir au sacrifice de !a

Hollande. Napoléon se récria fort, dit que la

Hollande serait dans les mains de l'Angleterre un

moyen de despotisme maritime, car l'Angleterre,

il

le savait bien, voulait le contraindre a limiter

le nombre de ses vaisseaux. - C'était une idée

singuliere, qui avait pu traverser certains esprits,

mais que jamais le cabinet britannique n'avait

sérieusement regardée comme proposable. - Si

vous prétendez, Sire, reprit M. de Merfeld,

joindre aux vastes rivages de la France ceux de

la Hollande, de l'Espagne, de l'ltalie, alors comme

'

alors employé dans la légation britanni'queaupres des eoalisés,

permct de redrcsser eette erreur. 111. de Merfeld, daos la piece

publiée, donne l'hem·e el le jour, et place son enlrevue au

t

7

¡\

deux heures de l'apres-midi. Comme on ne peul prélendre

qu'il etil inté1·et

a

allére1· une pareille eil'eonslance, la suppo–

silion de eeux qui plaeent eelle eonversalion dans la soil·ée

du 16, lombe avee toutes les conséquences qu'ils prélendent

en tirer.

1