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LEIPZIG ET HANAU. -

ocTomm

"815.

265

aucune puissance maritime n'égalerait la votre,

il se pourrait qu'on songeát a imposer une limite

a l'étendue de vos flottes; mais Votre l\fajesté,

si difficile en fait d'honneur, aimera micux sans

doute abandonoer des territoires dont elle n'a

pas besoin , que subir une condi tion dont je

comprends qu'elle repousse j usqu'a l'idée. -

De cet entretien , Napoléon put conclure que

tandis qu'il aurait deux mois auparavant obtenu

la paix en sacrifiant seulemen t le duché de Var–

sovie, le protectorat du Rhin, et les villes hanséa–

tiques, il lui faudrait maintenant abandonner

en outre la Hollande, la Westphalie, l'Italie,

celle-ci toutefois a la condition de Ja laisser in–

dépendante de l'Autriche comme de la France.

Certes, la France avec le Rhin, les Alpes, les

Pyrénées, r estait bien encore assez belle, aussi

belle qu'on la pouvait désirer

!

Sur tous ces ob–

jets Napoléon parut admettre qu'a la paix géné–

rale

il

faudrait consentir a de grands sacrifices,

et se montra meme plus disposé a les accorder

qu'il ne

l'ét~it

véritablement. Mais la paix l'oc–

cupait bien moins que l'espérance, malheureu–

sement tres-vague , d'un armistice. C'était

a

cette

conclusion qu'il aurait voulu amener son inter–

locuteur. - Je n'essaye pas, dit-il

a

M. de Mer–

feld, de vous parler d'armistice, car vous pré–

tendez vous autres que j'ai le gou t des armistices,

et que c'est une partie de ma tactique militaire.

Pourtant

il

a coulé bien du sang, il va en couler

beaucoup encore, et si nous fa isions tous un pas

rétrograde, les Russes et les Prussiens jusqu'a

l'Elbe, les Autrichiens jusqu'aux montagnes de

Bobeme, les Franc;ais jusqu'a la Saale, nous lais–

serions r espirer la pauvr e Saxe, et de cettc dis–

tance nous pourrions traiter sérieusement de la

paix. - M. de Merfeld r épondit que les alliés

n'accepteraient point la Saale pour ligne d'ar–

mistice , car ils espéraient aller cet automne

jusqu'au Rhin. - Me r etirer jusqu'au Rhin

!

repritfierementNapoléon;

il

faudrait quej'eusse

perdu une hataille, or je n'en ai point perdu en–

core

!

Cela pourra m'arriver sans doute, car le

sort des armes est var iable, vous Je savez, l\L de

Mcrfeld (celui

7

ci était ven u jadis implorer des

armistices apres Léohen et aprcs Austerlitz) ;

mais ce malheur ne m'est point arrivé, et sans

bataille perdue je ne vous abandonnerai pas

l'Allemagne jusqu'au Rhin ... - Partez, ajouta

Napoléon, je vous accorde votre liberté sur pa–

role; c'est une faveur que j'accorde

a

votre mé–

rite, a mes anciennes rclations avec vous, et si

.de ce que je vous ai dit vous pouvez tirer quel-

que profi.t pour amener une négociation, ou au

moins une suspension d'armes qui laisse respirer

l'humanité, vous me trouverez disposé

a

écouter

vos propositions. -

Cet entretien singulier, daos lequel on voi t

l'art que Napoléon avait de se dominer, lor squ'il

s'en donnait la peine, avait eu pour but, on Je

devine, de savoir au juste ce qu'il devait at–

tendrc des coalisés le lendemain , et de faire

naiLre , s'il était possible, quelque hésitation

parmi eux, en proférant

a

l'égard de la paix des

paroles qui jamais n'étaient sorties de sa bouche.

S'ils avaient été aussi maltraités que Napoléon

le supposait (et maltraités, ils l'étaient fort , mais

ébranlés, point du tout), ils pouvaient trouver

daos ces paroles une raison de parlementer, et

lui le temps de changer de position.

La fin du jour ne

fit

que jeter de nouvelles et

tristes lumieres sur cette situation. On vit de

fortes colonoes apparaitre sur la rou te de Dr esde,

et les rangs del'armée de Schwarzenbergs'épais–

sir considérablement. Du haut des clochers de

Leipzig on discerna clairement l'armée de Ber–

nadotte qui arrivait vers le nord. L'horizon était

enflammé de mille feux. Lé cerclc était presque

fermé autour de nous, au sud,

a

l'ouest, au nord.

Il n'y avait qu'une issue encore ouverte, c'était

cclle de l'est,

a

lravers la plaine de Leipzig, car

Blucher jusqu'ici n'avait pu dans cette plaine si

vastc

~tendre

son bras vers Schwarzenberg.

Mais cette issue, la seule qui nous restat, menait

a l'Elbe et

a

Dresde, ou il n'était plus temps

d'aller. Napoléon, faisant un dernier e.ffort sur

lui-meme, prit enfio le partí de la r etraite, partí

qui luí coutait crucllement, non-seulement sous

le rapport de l'orgueil, mais sous un rapport

plus sérieux, celui du changement d'attitude,

celui surtout du sacrifice de _170 mille Franc;ais

laissés sans secours, presque saos moyen de

salut, sur l'Elbe, l'Oder et la Vistule.

Malheureusement il se décida trop tard et trop

incomplétement. Au lieu d'une retraite franche–

ment résolue, et calculée des lors dans tous ses

détails, dcvant commencer dans la soirée du 17,

et etre achevée le

'18

au matin,

il

voulut u ne re–

traitc imposante, qui n'en fUt presque pas une, et

qui s'exécutaten plein jour. 11 arreta qu'au milieu

de la nuit, c'est·a·dire, vers deux heures, on ré–

trograderait concen triquement sur Leipzig, et

l'espace d'une lieue ; que Bertrand avec son

corps, Mortier avec une partie de la jeune garde,

iraient par Lindenau s'assurer la route de Lut–

zen ; que le jour venu on défilerait, un corps