LEIPZIG ET HANAU. -
ocTomm
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aucune puissance maritime n'égalerait la votre,
il se pourrait qu'on songeát a imposer une limite
a l'étendue de vos flottes; mais Votre l\fajesté,
si difficile en fait d'honneur, aimera micux sans
doute abandonoer des territoires dont elle n'a
pas besoin , que subir une condi tion dont je
comprends qu'elle repousse j usqu'a l'idée. -
De cet entretien , Napoléon put conclure que
tandis qu'il aurait deux mois auparavant obtenu
la paix en sacrifiant seulemen t le duché de Var–
sovie, le protectorat du Rhin, et les villes hanséa–
tiques, il lui faudrait maintenant abandonner
en outre la Hollande, la Westphalie, l'Italie,
celle-ci toutefois a la condition de Ja laisser in–
dépendante de l'Autriche comme de la France.
Certes, la France avec le Rhin, les Alpes, les
Pyrénées, r estait bien encore assez belle, aussi
belle qu'on la pouvait désirer
!
Sur tous ces ob–
jets Napoléon parut admettre qu'a la paix géné–
rale
il
faudrait consentir a de grands sacrifices,
et se montra meme plus disposé a les accorder
qu'il ne
l'ét~it
véritablement. Mais la paix l'oc–
cupait bien moins que l'espérance, malheureu–
sement tres-vague , d'un armistice. C'était
a
cette
conclusion qu'il aurait voulu amener son inter–
locuteur. - Je n'essaye pas, dit-il
a
M. de Mer–
feld, de vous parler d'armistice, car vous pré–
tendez vous autres que j'ai le gou t des armistices,
et que c'est une partie de ma tactique militaire.
Pourtant
il
a coulé bien du sang, il va en couler
beaucoup encore, et si nous fa isions tous un pas
rétrograde, les Russes et les Prussiens jusqu'a
l'Elbe, les Autrichiens jusqu'aux montagnes de
Bobeme, les Franc;ais jusqu'a la Saale, nous lais–
serions r espirer la pauvr e Saxe, et de cettc dis–
tance nous pourrions traiter sérieusement de la
paix. - M. de Merfeld r épondit que les alliés
n'accepteraient point la Saale pour ligne d'ar–
mistice , car ils espéraient aller cet automne
jusqu'au Rhin. - Me r etirer jusqu'au Rhin
!
repritfierementNapoléon;
il
faudrait quej'eusse
perdu une hataille, or je n'en ai point perdu en–
core
!
Cela pourra m'arriver sans doute, car le
sort des armes est var iable, vous Je savez, l\L de
Mcrfeld (celui
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ci était ven u jadis implorer des
armistices apres Léohen et aprcs Austerlitz) ;
mais ce malheur ne m'est point arrivé, et sans
bataille perdue je ne vous abandonnerai pas
l'Allemagne jusqu'au Rhin ... - Partez, ajouta
Napoléon, je vous accorde votre liberté sur pa–
role; c'est une faveur que j'accorde
a
votre mé–
rite, a mes anciennes rclations avec vous, et si
.de ce que je vous ai dit vous pouvez tirer quel-
que profi.t pour amener une négociation, ou au
moins une suspension d'armes qui laisse respirer
l'humanité, vous me trouverez disposé
a
écouter
vos propositions. -
Cet entretien singulier, daos lequel on voi t
l'art que Napoléon avait de se dominer, lor squ'il
s'en donnait la peine, avait eu pour but, on Je
devine, de savoir au juste ce qu'il devait at–
tendrc des coalisés le lendemain , et de faire
naiLre , s'il était possible, quelque hésitation
parmi eux, en proférant
a
l'égard de la paix des
paroles qui jamais n'étaient sorties de sa bouche.
S'ils avaient été aussi maltraités que Napoléon
le supposait (et maltraités, ils l'étaient fort , mais
ébranlés, point du tout), ils pouvaient trouver
daos ces paroles une raison de parlementer, et
lui le temps de changer de position.
La fin du jour ne
fit
que jeter de nouvelles et
tristes lumieres sur cette situation. On vit de
fortes colonoes apparaitre sur la rou te de Dr esde,
et les rangs del'armée de Schwarzenbergs'épais–
sir considérablement. Du haut des clochers de
Leipzig on discerna clairement l'armée de Ber–
nadotte qui arrivait vers le nord. L'horizon était
enflammé de mille feux. Lé cerclc était presque
fermé autour de nous, au sud,
a
l'ouest, au nord.
Il n'y avait qu'une issue encore ouverte, c'était
cclle de l'est,
a
lravers la plaine de Leipzig, car
Blucher jusqu'ici n'avait pu dans cette plaine si
vastc
~tendre
son bras vers Schwarzenberg.
Mais cette issue, la seule qui nous restat, menait
a l'Elbe et
a
Dresde, ou il n'était plus temps
d'aller. Napoléon, faisant un dernier e.ffort sur
lui-meme, prit enfio le partí de la r etraite, partí
qui luí coutait crucllement, non-seulement sous
le rapport de l'orgueil, mais sous un rapport
plus sérieux, celui du changement d'attitude,
celui surtout du sacrifice de _170 mille Franc;ais
laissés sans secours, presque saos moyen de
salut, sur l'Elbe, l'Oder et la Vistule.
Malheureusement il se décida trop tard et trop
incomplétement. Au lieu d'une retraite franche–
ment résolue, et calculée des lors dans tous ses
détails, dcvant commencer dans la soirée du 17,
et etre achevée le
'18
au matin,
il
voulut u ne re–
traitc imposante, qui n'en fUt presque pas une, et
qui s'exécutaten plein jour. 11 arreta qu'au milieu
de la nuit, c'est·a·dire, vers deux heures, on ré–
trograderait concen triquement sur Leipzig, et
l'espace d'une lieue ; que Bertrand avec son
corps, Mortier avec une partie de la jeune garde,
iraient par Lindenau s'assurer la route de Lut–
zen ; que le jour venu on défilerait, un corps