LEIPZI4 :ET HANAU. --
OCTODRE
1815.
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mémc enlevé une partie. Néanmoins ce qui lui
donncrait sa vraie signification, ce serait comme
a
Lutzen, comme
a
Bautzen, l'attitude du lende–
main. Si nous nous retirions, la bataille serait
une défaite. C'était done avouer lout
a
eoup au
monde que nous avions été vaincus dans une
journée décisive, lorsque nous avions a u con–
t.raire écrasé l'ennemi partout oú
il
s'était pré–
senté
!
En vérité l'aveu était cruel
a
fair e. l\fais
ce n'était pas tout. Les
170
mille Franc;iais
luis~
sés
a
Dresdc, Torgau, Wittenberg, Magdebourg,
Hambourg, Glogau, Custrin, Stcttin , Dan tzig,
comme base d\in édi:fice de grandeur qu'on
s'était flatté de rclcver en une bataille, qu'::il–
Jaient-ils devenir? 11
y
avait dans le nombre bien
des malades, bien des écloppés, mais
il
était pos–
sible d'en tirer
100
a
120
milie soldats excellents,
qui, se joignant
a
ecm.c qui restaient, rendraient
invineible la fronliere du Rbin. Pourraient-ils
se grouper, et former successivement une mflsse
qui sut se rouvrir par Hambourg et Wescl le
chemin de la France? C'était une gra nde ques–
tion. Le rnaréchal qui eommandait a Dl'esde,
seul en position de commencer ce mouvement,
avait assez d'esprit pour en conccvoir le projct:
aurait-il assez d'audace ponr l'exéculer?
Battre en relraite, c'était done
b
l'aveu d'une
défaite ajouter une perle irréparable, perle qui
était la suite d'une immense faute, celle d'avoir
voulu garder jusqu'au bout les éléruents d'une
grandeur impossible
a
refaire, perte enfin déso–
lante, quelle qu'en ftl.t la cause . On ne pcut
bJamcr Napoléon d'avoir consumé en aífrcuses
perplexités la journée du
17,
sans j uger bien
légerement les mouvements du cceur humain.
Se déclarer soi-meme vaincu dans une rencontre
générale, abandonncr tout de suite
170
mille
Fran<;ais laissés dans les places du Nord, sans
quelqucs heures de méditation, de rcgrets , d'ef–
forts d'esprit pour tach er de trouver une autre
issue, était un sacrifice qu'il serait peu juste de
demander a quelque caracter e que ce soit. De
plus,
il
y avait un
aul.resacrifice, et bien cruel
a faire en se retirant tout de suite, c'était celui
de Reynier, qui marchait en ce moment entouré
d'ennemis, et qui ne pouvai t arriver que dans la
journée du
17.
11 fallait done de to ute nécessité
temporiser pendant la plus grande partie de
cette journée. Alors, apres vingt-quatre heures
passées devant les armées de la coalition, on
pourrait dire qu'on les avait attendues long–
temps comme dans un duel, et que les ayant at–
tendues vainement, on avait décampé pour re-
gagner une ligne plus avanlageuse. D'ailleurs, il
fallait bien accorder un peu de repos
a
des sol–
dats accablés de fatigue ; il fall ait bien rendre
quelque ensemble
a
des corps désorganisés par
le combat, approvisionner avec le grand pare les
pares de cbaquc corps épuisés de munitions,
toutes choses indispensables si en se retirant on
avait l'ennemi sm· les bras. Attendre une jour–
née, el décamper la nuit suivaote, était évidem–
ment Ja seule eonduite qui dut convenir
a
Napo–
léon, la seule qu'on pt1t meme luí conseiller,
mais
a
Ja conditioo de l'adopter r ésolUment, de
tout préparer pour qu'a la chute du jour Ja re–
traite commen <;a t, et que le
18
au matin les coa–
lisés n'eussent devant eux que d'insaisissables
arriere-gardes.
Malheureusement les pcrplexités de NRpoléon
furent extremes. Un immense orgueil mis
a
la
plus terrible des épreuves, et s'appuyant au sur–
plus dans sa résistan ce sur des raisons tres–
fortes, le retint toute la journée presque sans
ríen prcserire. Tanlót seul, tantót accompagné
de Murat, du prince Bertbier, de M. Daru,
il
se
promenait, sombre, soucieux,
a
chaquc inslflnt
se répétant douloureusement qu'il fallait
hall.reen retraile , mais n'en pouvant prendre Ja réso–
lution, et aimant
a
eroire que l'ennemi , demeuré
immobile pendant cette journée, ne l'attaque–
ra it point le lendemain, et que Schwarzenberg,
usant d'uoe ''ieille maxime fort en renom chez
les capitaines sages,
ferctit
im pont d'or
a
l'ad–
versaire qui voulait se retirer.
JI
pourrait alors
défiler
a
lravers Leipzig d'une maniere impo–
sante, changeant sans ctre vaincu sa base
d'opérations. Vaine espérance , dont son esprit
avait besoin, et dont
il
se nourrit quclques
heures
!
Dans cet élat, il imagina de mander aupres de
Iui
l\i.
de Merfeld, qui avait été fait prisoonicr
Ja vcillc
a
Dolitz, qu'il connaissait depuis long–
lemP's, et qui était un militaire d'infi.niment d'es–
prit. ll voulait avee art le questionner sur les
dispositions des coalisés, lui faire certaines insi–
nuations tcndantcs
a
la paix, le eharger meme
d'une proposition d'armistice, puis Je renvoyer
libre au camp des souverains, pour les amener
pcut-etre
a
pcrdre un jour en hésitations' et
pour provoquer de leur part quelque ouver–
lure acceptable. Voila ou il en était arrivé
pour avoir refusé d'écouter M. de Caulaincourt
deux mois auparavant, lorsqu'on négociait
a
Prague
!
Vers
deu~
heurcs de l'apres-midi
il
rc<;nt