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LIVRE
CINQUANTIEJ\fE.
Ces hussards et ces Cosaques, lancés au galop,
cnlourerent de toutes parts la grande batlerie de
Ja gardc qui était restée ioébranlable au milicu
du champ de bataille. Drouot, rabattant alors les
deux cxtrémités de sa ligne de canons sur ses
fl anes, opposa pour ainsi clirc un carré d'artil–
lerie a
la
cavalerie ennemie, et Jorsque celle-ci
en revenant passa
u
portée de ses pieccs, il la cou–
vrit de mitraille.
La bataille n'avait done pas été décidéc par
cctte aclion générale de notre eavalerie, bien
qu'une bonne partíe du champ de bataille füt en
notre pouvoir. A droitc en effet nous avions
prcsque bloqué meist dans l\fark-Kleeberg; vers
Je centre Víctor n'avait pas cessé d'occuper la
bergerie d'Avenhayn; au centre, tirant sur Ja
gauche, Lauriston, Ja batterie de la garde, la
cavalerie de Latour-Maubourg étaicnt devant
Gülden-Gossa; agauche Macdonald, maitre de la
redoute suédoise et de Seyffertshayn, bordait de
toutes pai.'ts le bois de l'Université. l\fais l'en–
nemi, quoiqu'il cut rétrogradé, tenait encore.
Napoléon voulut alors tenter un supremc cffort.
11 reforma ses colonnes d'attaque : Mortier avec
Lauriston, Oudinot avec Viclor, eurent ordre de
se remettrc en colonnes, et de s'engagcr de nou–
veau. Les deux divisions de Ja vieille garde,
comprenant éñviron dix mille hommes, seule ré-
CJ'VC
qui nous restat, durent les soutcnir, et
'engager elles-memes s'il le fallait. Toute la ca–
va lcric fut rangée en masse derriere cette infan–
terie : vaincre ou périr était leur mission. l\fais
Lout
a
coup on entendit degrands cris sur notre
droite. Les grenadiers de Bianchi et de Weissen–
wolf, survenus
a
Ja suite des cuirassiers de
Nos titz, avaient franchi la Pleisse, relevé, au vil–
Iage de l\Iark-Kleeberg, Kleist épuisé de fatigue,
et ils tachaient de faire fléchir Poniatowski, Je–
que!n'avait pas cessé d'opposer
a
toules les atta–
qu es une résistance invincible. Enfin sur nos
1lcrrieres
a
droite,
a
ce poste de Dolitz que le
prince de Schwarzenberg s'était flatté d'enlever ,
le général IHerfeld, faisant une forte tentative,
a ait forcé tous les passages de la Pleisse, et
l:tait pret
a
gravir la hauteur qui forme la berge
<le cette riviere. A ce danger Napoléon arreta le
mouvement
de
sa vieille garde, et dirigea sur
Dolilz la division Curial. Oudinot fut détourné
pour tenir tete aux grenadicrs de Bianchi et de
Weissenwolf. l\Iais grace a l'opiniatreté de Ponia–
towski
t
de la division Semelé (d u corps d'Au–
gereau) les greuadiers autrichiens furent conte–
nus. Curial, e 'cutant en al'l'i' rc un mouyemcot
transversal de gauche
a
droite, se précipita sur
Dolilz. Il
lan~a
d'abord les grenadicrs de Turin
et de Toscanc sur les hois qui entourent Doliti,
et ensuite, avec les fusilie1•s de la garde,
il
se
porta sur Dolitz meme, pour
y
entrer a la bai:on–
ncHe. U fallait franchir un bras de la Pleisse, et.
puis s'eogager dans une suite de fermes conti–
gues, dépendantes d'un vieux chateau. 11 mit
dans cette charge tant de vigueur, qu'il franchit
la Pleisse, traversa les com·s de forme les unes
apres les autres tua
a
coup~
de ba'ionnelte quicon–
que essayait de lui résister, et? devarn;ant l'en–
nemi au chatean meme,
fit
prisonnier t9ut ce
qui était resté daos les cours en arriere. ll prit
aiosi le général l\lerfeld avec plus de dcux millc
hommes.
Il
était cinq heurcs et la nuit s'approchait.
Napoléon, apres avoir pourvu
a
cet accident de
sa droite, ne pouvait se résoudrc
a
ne pas tenter
un dernier effort sur le centre de l'ennemi.
Víctor était encore a Avenhayn ; il ne s'agissait
done que d'enlever Gü!dcn-Gossn. Lauriston,
imperturbable au milicu d'un fcu horrible, avait
éprouvé <les pertes énormes;
iI
lui restait toule –
fois legénéral l\Jaison ,atteint de plusieurs coups
de feu, n'ayant plus autour de luí que les débris
de sa division, mais insatiable de dangers jus–
qu'a ce qu'il eUt eonquis Gülden-Gossa. Suivi de
l\fortier, l\faison était rentré dans ce fatal village.
Son succes pouvait tout décider, lorsque Barclay
de Tolly, appréciant le péril, y larn;a la division
prussienne de Pirch, appuyée de la garde russe.
Celle-ci, par un eífort désespéré, reprit Güldcn–
Gossa. l\laison essaya encore une fois d'y rcn–
trer; mais une obseurité profonde sépara bientót
les combattants. Demeuré en dehors comme un
lion rugissant, l\faison était la, privé des einq
sixicmes de sa division, couvert lui-meme de
blessures, et désolé d'etre arreté par la nuit. Le
matin
il
avait
<lit
a ses soldats ces nobles paroles :
Mes enfants, c'est aujourd'hui la dernicre journée
de la France;
il
faut que nous soyons tous morts
ce soir. - Ces cnfants héroi'ques avaient lenu
son eogagement. Il n'en survivait pas un millicr.
Cet acte fut le dernier de la bataille du
16,
ba–
taille terrible, dite de Wachau. Environ víngt
mille hommes de notre cóté, et trente mille du
cóté des coalisés, jonchaient la terre, les uns
morts, les autres moarants.
Mais la ne se bornait pas cette horril5le eífu–
sion de sang humain. Deux auLres bntailles
ava ient été livrés dans la jou rnée, l'une au cou–
chant. l'autre au nord de
r ..
eipzilT, l'une sur notre