LIVRE CINQUANTIEl\fE.
A neuf heures du matin , trois coups de canon
tirés du coté des alliés devinrent le signal d'une
épouvantable canonnadc. De l\Iark-Klceberg
a
Liebert-Wolkwitz, les coalisés s'avnncerent sur
notre front en trois fortes colonnes précédées
par 200 bouches
a
feu. lls avaient cu l'idée,
tres-bien entendue , de melcr ensemble les
troupes de toutes les nations, pour que les dan–
gers fussent égalernent répartis, et que le voisi–
nage excitat l'émulation. A notre droite, le géné–
ral Kleist avec la division prussienne du prince
Auguste de Prusse, plusieurs hataillons russes
et
les cuirassiers de Levachoff, marcha par Crobern
et Crostewitz sur l\fark-Klceberg. Au centre, le
prince Eugene de Wurtemberg, avec la division
russe qu'il commandait et la division prussienne
de Klux, marcha sur Wachau. A notre gauche
et
a
la droite des coalisés, le prince Gortschakoff,
avec soa corps et la division prussienne Pirch
marcha sur Liebert-Wolkwitz gue Klenau, avec
une quatrieme colonne, essayait de tourner par
Seyffertshayn. Ces diverses. colonnes
s'avan~aien
t
résoh1ment, en gens décidés
a
surmontcr tous
les obstacles. Notre artillerie, fort nombreuse,
mise en batterie sur la pente du terrain, les cou–
vrit de projectiles, mais ne les arreta point, et
elles arriverent saos chanceler jusqu'au pied de
uos positions.
La colonne de Kleist, dirigée sur Mark-Klee–
berg
a
notre ,droite, fut bientót eogagée avec
Poniatowski, et malgré la résistance de celui-ci,
parvint
a
emporter ce village situé sur la Pleisse.
Elle n'était pas de moins de
18
mille hommes,
tandis que Poniatowski n'en avait que huit ou
neuf mille. Ce dernier
fut
obligé de se retirer
ur le terrain un peu dominant qui formait l'ex–
trémité droite de notr·e ligne. Augereau , porté
alors en avant, vint appuyer Poniatowski. Une
forte artillerie fut dirigée contre Kleist qui cher–
chait a gravir le terrain sur lequel nous nous
étions repliés. Au centre, le prince Eugene de
Wurtemberg avec soo infanterie russe et la divi–
sion de Klux , arriva devant Wachau sous une
grele de mitraille, et tenta d'y pénétrer. l\Iai le
maréchal Víctor, occupant ce village, Jui r ésista
opiniatrémen t. Enfi n a no tre gauche, Gortscha–
k off partant de Stormthal, point de dépar t plus
éloigné que celui des autres colonnes, était cn–
core a quelque distance de Liebert-Wolkwitz que
Klenau avec les Autrichiens de Mohr étai t pret a
déborder . fais le corps de LaurisLon se trou–
vait a Liebcrt-Wolkwitz , favorisé par l'élév:a–
tion du ter rain, et devant etre bienlót soutenu
par l\lacdonalcl qui déb.ouchait de Holzhauscn.
Cette prcmie1·e marche des coalisés fut ferme
et i·ésolue, et s'cxécuta sous une grele de boulcts
lancés par les trois cents bouches a feu que nous
avions de l\iark-Klecberg a Liebert-Wolkwitz.
La caQonnade de part et d'autre était si violente
que personne, parmi nos vieux généraux, ne se
souvenait d'en avoir entendu une pareille, et que
Napoléon, quoique placé un peu en arriere a Ja
bergerie de Meusdorf, vit tomber autour de lui
quantité d'officiers et de
~hevaux.
Avec son or–
dinaire assurance,
il
demeura impassible, et
laissa la bataille s'cngager davantage avant de
prcndre aucune résolution décisive. A gauche,
Liebert-"'Tolkwilz
ha.tisur une éminence, et vi–
goi,ireusement occupé par Lauriston, pouvait se
défendre longtemps. Au centre, le princeEugenc
de Wurtcmberg ne semblait pas en état de sur–
monter la résistance des trois divisions de Victor.
A droite seulernent, la nécessité ou avait été
Poniatowski d'abandonner Mark-Kleeberg, et de
céder un peu de terrain, avait amené notre lignc
a se courber légerement en arriere. La division
Semelé, du corps d'Augereau, était déja venue
au secours de Poniatowski. Napoléon ordonna
de se servir de la nombreuse et excellente cava–
lerie qu'on avait de ce coté, celle des Polonais et
de Pajo!
(4e
et
5e
corps) pour arreter l'infanterie
de Kleist sur la pente du terrain qu'clle essayait
de gravir.
Le général Kellermann, qui dirigeait ce jour–
la les 4° ét 5° corps, se jeta avec ses dragons sur
l'infanterie du prince Auguste, et la contint.
Mais les cuirassiers de Levachoff, lancés
a
propos
et avec habileté, franchirent un ravin qui était
au pied de nos positions, prirent en flanc les
dragons de Kellermann et les ramenerent.
Accueillis
a
leur tour par le fcu plongeant de
notre artillerie, les cuirassiers de Levachoff
furen t obligés de revenir.sur leurs pas. On se
contint réciproqu ement, les Prussiens ne gagnanL
pas plus de terrain qu'ils n'en avaient conquis
d'abord, nous, ne pouvant rccouvrcr Mark–
Klcebcrg, mais r estant sur les points dominants
que nous avions occupés . Une massc formidable
<l'artillcrie ar retait l'ennemi, et bien que noLrc
ligne ne fU t pas redressée, elle ne paraissait pas
devoir se courber davanLagc.
Au centre, c'est-a-dire a Wachau , a gauche,
c'est·a-dire
a
Liebert-Wolkwitz , le combat ne
cessait pas d'etre opiniatre et sanglant. A plu–
sieurs reprises le prince de Wurtemberg et le
général Kleist avaicnt pénétré daos Wachau ,