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LIVRE CINQUANTE
ET UNIEl\'JE.
L'armée franc;aise était échelonnée dans Ja val–
lée de Saint-Jean-Pied-de-Port, Jaquelle sert de
bassin
a
Ja Nive et court vers la mer presque
paraUelement
a
la vaJléc de Bastan. Saint-Jcan–
Pied-de-Port, qui ferme le fameux défilé de
Ronccvaux, est la place importante du bassin su–
périeur de la Nive, comme Bayonne, située au
confluent de Ja Nive et de l'Adour, en est Je point
principal vers la mer. On pouvait, avec des
chane~
a
peu pres égales, déboucher de cette
valléc, pour se jet,er soit sur la colonne qui assié–
geait Saint-Sébastien, soit sur celle qui assiégeait
Pampelune,
a
condition toutefois de s'y prendre
de maniere
a
prévenir la concentration des forces
ennemies. II y avait quelques raisons de plus en
faveur d'une attaque vers Saint-Sébastien. D'a–
bord Saint-Sébastien était plus vivement pressé,
ensuite Je chemin pour s'y rendre était plus court
et meilleur, car il suffisait d'y courir directement
par Yrun, tandis que pour se portei' sur Pampe–
lune il fallait remonter toute la v.aUée de Saint–
Jcan-Picd-de-Port, et traverser le défilé de Ron–
ccvaux. On pouvait, du reste, adopter l'llií ou
l'autre plan, mais il fallait, dans tous les cas, agir
avec beaucoup de précision et de célérité, si on
voulait réussir et éloigner ainsi du territoire
franc;ais l'enuemi pret
a
y pénétrer.
Le
24
juillet, le maréchal Soult s'était mis en
marche
a
Ja tete de presque toute son armée,
laissant le général Villatte avec la division de
réserve en avant de Bayonne, et emmenaot en–
viron quatre-vingts bouches
a
feu qu'on avait tirées
de !'arsenal de Bayonne, et attelées au moyen
des chevaux sauvés du désastredeVittoria.Le25,
il avait débouché dans la haute vallée de Bastan
avec le corps du général d'Erlon, et dans la val–
lée de Roncevaux avec les corps des généraux
Reille etClausel. Ceux-ci n'avaient pas eu de peine
a
refouler sur Pampclune la division portugaisc
et les deux divisions anglaises qui gardaient l'en–
trée de la Navarre. Mais le comte d'Erlon , pour
pénétrer dans le Bastan, avait cu beaucoup de
peine a forcer le col de Moya contre le général
Hill. Il en était venu a bout toutefois, avec une
perle de 2 mille hommes pour lui, et de 5 mille
pour l'ennemi. Toút aurait été au mieux si, le
Jendemain 26, le comte d'Erlon avait pu etre su–
bitement ramené vers nolreextreme droite, pour
rejoindre les généraux Rcille et Clausel. Mais il
avait fallu perdre la journée du 26 a le rallier,
ce qui prouvait qu'on avait commis une faute en
ne débouchant pas tous ensemble par le val de
Roncevaux , pour tomber brusquement sur les
divisions anglaises éparpillées a l'entrée de Ja
Navarre. Lorsque le 27, au matin, le comte d'Er–
lon était venu rejoindre sur notre droite les
géoéraux Clausel et Reille, les Anglais étaient
déja dans une fortc position en avant de Pampe–
lune, au nombre de quatre divisions, dont deux
a11glaises, une portugaise, une espagnole, et dans
un de ces sites ou
il
nous avait toujours été peu
avantageux de les attaquer. De plus, ils allaient
etre rcjoints par deux divisions accourant a mar–
ches forcées de la vallée de Bastan. En effet, lord
"\iVellington, averti de notre approche dans la
nuit du
2D,
avait utilisé la journéc ciu 26, que
nous avions perdue, et avait reporté ses forces
du Bastan en Navarre. En attendant qúe toutes
ses divisions fussent réunies, il en avait quatre
parfaitement en mesure de se défcndre. Le géné–
ral CJausel , dont le coup d'reil égalait l'éncrgie,
n'était pas d'avis d'aborder de front la position
des Anglais, mais de la.tourner en se portant sur
Pampelune. Le maréchal Soult n'ayant point
partagé cettc opinion, on avait attaqué presque
de front un site formidable, et
il
nous était ar–
rivé, comme
a
Vimeiro,
a
Talavera, a l'Albuera,
a
Salamanque, de tuer beaucoup de monde
a
l'ennemi , d'en perdre presque autant , et de
rester au pied de ses positions sans les avoir em–
portées. Le 28 juillct, le combat avait recom–
rnencé, mais sans plus de succes, car les Anglais
n'avaient fait que se renforcer dans l'intervalle,
et, le 29, il avait fallu rcpasser de Navarre en
Francc, apres avoir perdu de 1
O
a
11 milie hom–
mes, et en avoir tué ou blessé plus de 12 mille
á
l'ennemi dans l'espacc de quatre jours.
l\'~ais
les perles étaient bien plus sensibles pour nous
que pour lord Wellington, vu que nous étions
au terme de nos ressources, et qu'il était loin
d'avoir atteint le terme des sienncs. Les troupes
s'étaient mont.rées· plus bravcs que jamais, et si
elles n'avaient pas réussi, elles étaient peu déc;ues
daos leurs espérances , car depuis longtemps
elles n'atteudaient plus rien ni de l'habileté de
leurs chefs, ni des faveurs de la fortune. Reve–
nues bientót
a
leur indiscipline, a leur mépris
des généraux, elles s'élaient en partie déüandées
pour vivre aux dépens des paysans frarn;ais.
Aussi la désertion avait-elle promptement égalisé
nos pertes et celles de l'ennemi, et chaeune des
deux armées comptait trcize ou quatorze mille
hommes de moins dans ses rangs. Malheureuse–
ment, le trouble apporté aux deux siéges avait été
de peu de durée, et lord Wellington, se bornant
désormais
a
investir Pampelune, avait tourné ses