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LIVRE CINQUANTIEME.
tion particuliere qu'on avait préparée pour 1ui.
11 s'y trouvait avec Bertbier, Murat, Marmont
et divers officiers de sa maison, et leur montra
un e extreme confiance a tous . Pourtant la situa–
tion n'était pas rassurante. C'est tout au plus si,
en comptant bien,
il
pouvait réunir 'l 90 mille
soldats autour de Leipzig, tandis que huit jours
auparavant il en avait environ 2'10 mille, et
560 mille deux mois auparavant. Les marches et
diverses rcncontres lui avaient déja fait perdre
20 millc hommes en huit jours, et 30 mille
étaient paralysés
a
Dresde. Il pouvait avoir, si
Bernadotte se joignait
it
Blucher, de 520
a
5!:SO mille hommes a combattre, et c'était une
terrible lutte
a
soutcnir contre des ennemis
remplis d'exaltation. 11 allait se voir entouré,
cerné en quelqne sorte au sud et
a
l'est de Leip–
zig par l'armée du prince de Schwarzenberg,
au nord par les armées de Blucher et de Berna–
dotte, peut-etre meme enveloppé
a
I'op est et
coupé de l\foyence, si Blucher, au moyen des
troupes légeres de Thielmann, réussissait
a
<l.onner
la
main a Schwarzenberg
a
travers la
plaine de Lutzen. (Voir les cartes n°• 58 et
60. )
Cette situation était done infiniment grave , bien
qu'il eut de grandes r essources dans l'indomp–
table bravoure de ses soldats, dans son génie, et
dans la position concentrique qui lui permet–
trait de contenir les uns pendant qu'il combat–
trait les autres, et de les vairicre ainsi successi–
vement. Du reste, il n'avait pas cessé de 1'espérer.
Les événements politiques qu'il apprenait
étaient assez tristes, et de nature
a
mettre son
cnractere
a
une nouvelle épreuve. Le royaume
de Westphalie venait de s'écrouler soudaine–
ment,
a
la seule apparition d'une troupe de
Cosaques. C'était facile
a
prévoir, mais le coup
n'cn était pas moins sensible, et d'un sinistre
augure. En efiet apres la bataille de Gross–
Beeren et de Dennewitz, Bernadotte, parvenu
jusqu'a l'Elbe, dont
il
avait occupé plusieurs
points entre Wittcnberg et Magdebourg, se char–
geant toujours volontiers des reuvres les plus
cruelles pour Napoléon, les moins honorables
pour lui, avait pris plaisir
a
lancer sur la Hessc
Czcrnicheff avec quelque infanterie légere et
beaucoup de Cosaques, dans l'intention de rcn–
verscr le tróne de
J
érómc. Ces coureurs, tandis
que Thielmann et Lichtenstein envahissaient la
Saxe et la Thuringe, s'étaient hatés d'envahir la
Hesse, et de se porter sur Cassel, ou le renver–
sement de l'unc des r oyautés fondées par Napo–
léon ne pouvait manquer de produire un e g1'andc
sensation. Partout favorisés par
l~
population,
bien accueillis, bien informés, bien nourris, ils
étaicnt parvenus sans difficulté jusqu'aux portes
de Cassel. Le roi
J
éróme n'avait pour se défendre
qu'un bataillon de grenadiers et deux régiments ,
de cuirassiers westphaliens, plus quelques hus–
sards fran<;ais. Ces derniers avaient été récem–
ment formés pour lui procurer une garde sure,
et devaient
etr~
portés a douze cents hommes.
Mais ils étaient
a
peine sept
a
huit cents, arri–
vaient depuis quelques jours de Francc, et
beaucoup d'eutre eux étai'ent encore iocapables
de se tenir a cheval. A l'approche des partisans de
CzernicheíI tous les esprits avaient étévivcment
émus, et l'espérance de se débarrasser d'une
royauté étrangere les avait prcsque soulevés. Les
troupes peu nombreuses et
1a
plupart westpha-
1iennes, contenues par
la
discipline militaire,
s'étaient abstenucs de manifester leurs senti–
mcnts, mais en les laiss:mt facilement deviner.
J éróme s'était done trouvé dans une affreuse
position; néanmoins il avait bravé l'orage, s'était
adressé au duc de Valmy a Mayence pour obte–
nir le secours de trois
a
quatre mille Fran<;ais,
et en attendant avait essayé de faire une sortie
a
la tete de son bataillon de grenadiers, et de
quatre cents hussards fran<;ais pris parmi ceux
qui savaient monter a cheval. Cett.e sortie avait
été d'abord heureuse, et les hussards fran<;ais
avaicnt bravement chargé l'ennemi, qui s'était
un moment replié. l\fais bientót l'agitation des
esprits croissant
a
Cassel, la plupart des troupes
westphaliennes déscrtant, et le duc de Valmy ne
pouvant, dans la grave situation des choses, <lé-.
placer trois a quatre mille Fran<;ais sans un ordre
forme! de Napoléon, Jéróme avait été obligé
d'évacuer sa capitale, et de se retirer sur Co–
blentz. Le 50 septembre CzernicheíI était entré
dans Cassel, et le royaume de Westphalie avait
été aboli.
Ces nouvelles étaient suivies d'une autre, non
moins fücheuse. La Bavierc était sur le point de
nous abandonner, et on allait jusqu'a répandre
le bruit qu'elle avait déja signé un traité d'adhé–
sion
a
la coalition européenne. Elle nous avaít
du reste préparés
a
cet événement. Le roi ne
cessant de se plaindre a nous d'etre livré a ses
proprcs forces, avait dit et répété que son armée
placée au bord de l'Inn sous le général de
Wrede, ne pourrnit résister
a
I'armée autr.i–
chienne; que si on ne lui envoyait immédiate–
ment un corps de 50 rnille hommes, il serait
obligé de' céder aux injonctíons des puissan