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LIVRE CINQUANTIEl\IE.
cette indication. Enfin une nouvelle importante,
celle d'un combat hcureux livré le 10 par Murat
a
Wittgenstein, était de nature a confirmer Napo–
léon dans sa disposition
a
se jeter tout de suite
sur les armées du Nord et de Silésie. Voici ce
qui s'était passé
~u
cóté de Mural. S'étant porté
avec Poniatowski, Lauriston, Víctor et les
4e
et
5• de cavalerie sur Frohbonrg,
il
avait réussi
a
intercepter la route qui conduit par Commotau
et Chemnitz .
a
.Leipzig, mais il n'avait pas cu le
temps
d'inter.cept~r
celle qui conduit a cette
ville par Carlsbad et Zwlckau. Profitant dela voie
restée ouverte, Wittgenstein avait pu occupcr
Borna, et l\:lurat s'était trouvé da ns la journée du
10, avec les Autrichiens sur sa gauche a Peoig,
et les Russes sur sa droite a Borna. Ne voulant
pas demeurer daos cette position, et surtout ne
voulant pas permettre que la tete de l'une des
deux colonnes cnnemies le devanc;at sur Leipzig,
il
s'était résoh1ment rabattu sur sa droitc et avait
attaqué Borna avec la derniere vigucur. Les Hus–
ses s'étaient vaillamment défendus, mais Ponia–
towski, Lauriston, les avaient assaillis plus vail–
lamment encore, et avaient rcpris Borna
a
la
ba'ionnette. Ce combat, qui avait couté 3
a
4 mille
hqmmes a '\.
Vittgenstc.in,nous avait rendus mai–
tres de la route de Leipzig et avait replacé Murat
dans sa situation naturelle, celle de couvrir Leip–
zig contre les deux colonnes de Schwarzenberg
débouchant de la Bohemc. A en juger d'apres les
premieres apparences, Wittgenstein repoussé de
Borna paraissait en retraite, et notre cavalerie
disait l'avoir vu s'en retournant vers la Boheme.
Murat en écrivant a Napoléon luí mandait done
qu'il croyait l'arméé de Boheme en retraite, et
l'engageait
a
ne rien négliger pour venir a bout
des armées de Silésie et du Nord. Ces nouvelles
étaient datées du 11
a
onze heures et demie du
matin.
Napoléon, en recevant ces détails dans la mati–
née du 12, en revint
a
penser que l'armée de Bo–
heme n'était pas tres-pressée de s'engager, que
les coalisés avaient toujours le meme penchant
a
l'éviter, qu'il fallait done commencer par se jeter
sur les armécs de Silésie et du Nord, les pour–
suivre au dela de l'Elbe, remonter ensuite ce
fleuve par la rive droite, et surprendre l'arméc
de Boheme en repassant
a
l'improviste sur la
rive gauche. Napoléon jusqu'a dix heures du
matin confirma ses prcmiers ordres, et
fit
ses
préparatifs pour passer la l\lulde, afio de se ruer
d'abord sur Blucher qui se montrait a notre gau–
che1 et puis sur Bernadott.e qu_i semblait se,tenir
.._
a
notre droite,
a
cheval sur l'Elbe. 11 rapproc11a
meme la garde impériale de Düben, pour pouvoir
se joindre
a
l\farmont et marcher droit a Blucher
au dela de la Mulde.
Mais
a
dix heures du matin, la face des choses
changea subitement. Une seconde lettre de Mural
écrite de la veille encore, c'est-a-dire du
11,
mais
a
trois heures de l'apres-midi, donnait des nou–
velles toutes différentes. Au lieu de trouver l'en–
nemi en retraite, on l'avait trouvé en pleine mar–
che sur Leipzig. La colonne autrichienne pour–
suivant son mouvernent par la route de Chemnitz,
continuait de s'avancer sur Frohbourg et Borna,
et la colonnc de Wittgenstein apres s'etre repliée
un moment sur la route de Zwickau jusqu'a
Altenbourg, avait ensuite repris hardiment sa
marche sur Leipzig. Mural annorn;ait qu'il rétro–
gradait sur Leipzig, d'abord pour ne pas livrer
bataille avec des forces disproportionnées, secon–
dement pour couvrir toujours cette ville.
Jl
aliait
s'étahlir
a
quelques
li~ues
de Leipzig, dans une
bonnc position, espérait s'y mainteoir, renforcé
qu'il serait par les troupes qui
l'y
attendaient,
engageait Napoléon a ne pas Iacher prise s'il était
assuré d'atteindre les armées de Silésie et du
Nord, promettant quant a lui de se dévouer en
attendant
a
la tache la plus ingrate, la plus péril–
leuse, celle de lutter contre un ennemi trois ou
quatre fois supérieur. Au memeinstm;lt les recon–
naissances de Marmont avaient aper<;u l'arméede
Blucher quittant les bords de la Mulde pour ceux
de la Saale qui coule parallelement
a
la Mulde
mais plus loin, et la remontant vers Halle, avec
une tendance évidente vers Leipzig.
· A
ces nouyelles, Napoléon, avec Ja promptitude
de l'homme de guerrc supérieur, n'hésita plus,
et changca tous ses plans. 11 abandonna sa grande
combinaison
consis~ant
a
courir cl'abord sur Blu–
cher et Bernadotte pour revenir ensuite sur
l'armée de Schwarzenberg par la rive droite de
l'Elbe, et
il
résolut de se porter immédiatement
par la voie la plus courte sur Leipzig. Tant qu'il
avait pu espérer de se tenir entre les ·aeux masses
qui venaient l'une de Boheme, l'autre de l'Elbe
inférieur, avcc la faculté de se jeter
a
volonté sur
l'unc ou sur l'autre, son projet d'occuper celle
de Bohemc au moyen de .Murat, tandis qu'il
commcncerait par assaillir celle de l'Elbe, avait
été le plus habile et le plus sage. iUais
a
préscnt
que la tendance de l'une vers l'autre était évi–
dcnte, qu'il n'était pas sur que Mural put conte–
nir plusieurs jours de suite l'armée ·de Boheme,
comme il n'était pas si'tr non plus qu'il pUt
lui~