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LEIPZIG ET HANAU. -

OCTOBRE

181 5.

257

savait que l'armée du Nord était sur sa gauche

derriere la basse Mulde, ciccupant les ponts de

cette riviere, et ceux de l'Elbe au-dessous de sa

réunion avec la Mulde, ayant par conséqucnt

toute facilité pour r epasser l'Elbe, et se soustraire

a

nos poursuites. 11 savait que l'armée de Silésie,

apres avoir fran chi l'Elbe a 'Vartenbourg sur

notre droite , venait de défiler le long de notre

front , pour traverser

la

Mulde a notre gaucbe,

et

se joindre

a

l'armée du Nord. 11 n'y avait

pas grande invraisemblance

a

supposer qu'ellcs

allaient recommencer eette taetique évasive qui

nous avait tant épuisés, et a notre approche

repasser l'Elbe vcrs Acken ou Roslau . Pour Napo–

léon qui avait besoin d'unc bataille décisive, et

qui achaque pas jonchait la routc de jeunes gens

malades ou dépités, c'était

fa

un vrai malheur.

11 était

a

craindre également qu'apres avoir inu–

tilement opéré un long trajet pour atteindre les

armées de Silésie et du Nord, et voulant se

rabattre ensuite sur l'armée de Boheme,

il

ne

put pas davantage atteindre celle-ci. Leur mar–

che sur nos derrieres annorn;ait sans doute des

projets plus hardis que de coutume, mais elle

pouvait bien signifier aussi le désir de ne com–

battre que lorsque les trois armées alliées

seraient confondues en une seule. Or, pour leur

donner le courage de nous attendre, Napoléon

ne pouvait cependant pas leur laisser l'avantage

de se réunir, ce qui les aurait placées

a

notre

égard daos la proportion de deux contre un ,

supériorité numérique trop dangereuse pour s'y

exposer, et néanmoins, tant qu'il persisterait

a

s'interposer entre les deux masses ennemies,

l'une descendant la Mulde, l'au tre la remontant,

il

était présumable que cbacune des deux, indi–

viduellement menacée, chercherait

a

se dérober.

Dans cette perplexité, ne voulant pas leur per–

mettre de se réunir, et obligé de choisir celle

qu'il attaquerait Ja premiere, il prit le partí de

se jeter

a

outrance sur Ja

mass~

qui était form ée

des armées de Silésie et du Nord', et pour les

joindre, sans perdre le moyen de revenir plus

tard sur l'armée de Boheme, il imagina tout

a

coup l'un des projets les plus audacieux, les plus

savunts, que jamais capitaine eút conc;us,

et

qui

recevait de la proportion des forces avec les–

quelles

il

allait elre tenté une grandeur inou!e

· ~

1

On a beaucoup parlé de ce projet snns le connallre, et on

l'a

rcndu presque riclícule par toules les suppositions trcs–

hasardées qu'on

a

faites, faute de savoir la vraie pensée de

Napoléon. Nous pouvons, grCtce

a

sa correspondancc, mise en

rapporl avec la correspon<lance des géuéraux sous ses ordres,

Napoléon r ésolut de poursuivre sans reiaehe les

armées

de

Silésie et du Nord, de passer

a

leur

suite la l\iulde et l'Elbe, d'eo détruire tous les

ponts, excep té ceux qui nous appartenaient, de

s'efforcer ainsi de mettre en complete déroute

ces deux armées, puis comme daos cet intervalle

de temps, le prince de Schwarzenberg, continuant

a

deseendre

la

Mulde, aurait vivement poussé

Murat sur Leipzig, et peut-etre plus has, de

remonter Jui-meme l'Elbe, sans quitter la rive

droite, de Je remonter jusqu'a Torgau ou

a

Dresde, de repasser

ce

fleuve

a

l'un de ces points,

et de fondrc sur cette armée de Boheme, séparée

des montagnes , et prise ainsl dans un vrai eul–

de-sac, entre la Mulde et l'Elbe dont les ponts

seraient

a

nous.

ll

fa llait sans doute bien du

bonheur, bien

de

la précision de mouvement,

et de bien bons instruments pour que cctte

combinaison réussit, car elle était aussi vaste

que compliquée; mais il se pouvait qu'apres

avoir fourni

a

Napoléon le moyen de battre les

armées du Nord et

de

Silésie, elle luí ménageat

encore le moyen de prendre dans un coupe–

gorge et de détruire cornplétement l'armée de

Boheme. C'étaient de prodigieux résultats, cer–

tains avec les soldats et les généraux de Fried–

land et d'Austerlitz, douteux aujourd'hui, mais

possibles encore, meme avec des soldats jeunes

et des généraux déconcertés.

Sur-le-champ NapoJéon donna ses ordres en

conséquence, et les donna en chiffres, recom...

mandant a tous ceux qui allaient etre déposi–

taires de son secret, de le bien garder, cnr,

disait-il,

ce

serait pendant trois jours le

sec1·et

de

l'armée et

le

salut de l'Empire.

11 prescrivit

á

1\Iurat de se conduire avec une extreme pru–

dence, de contenir l'ennen'li et de l'attirer tout

a

la

fois, de se replier sur Leipzig ou

il

rencon–

trerait Je duc de Padoue

et

vraisemblement

Augereau, de s'y maintenir autant que possibJe,

car il y avai t un intérct

a

la fois politique,

moral et militaire

a

conserver cette ville, mais

plutot que de s'exposer

a

une lutte inégale, de

rétrograder sur Torgau ou Wittenberg, ou il

trouverait asile derriere l'Elbe, en attendant que

Napoléon, r epassant ce fleuve par Torgau ou

Dresde , vínt comrne la foudrc retomber sur

l'armée de Bohémc, condamnée

a

périr dans

l'élahlir sa pensée vérilable, jour par joul', hcut•e par hcure, et

ou vcrra qu'a la veillc du plus g1·and des malheurs, nous

:ijouterons du plus motivé par ses fautes politiques, son génie

mililail'e se déployu nvec autant de force et de grandeur que

jumais.