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LIVRE CINQUANTIE!\JE.
leur avait confiée. Ayant des raisons de supposer
que J'armée du Nord avait repassé l'Elbe, il vou–
lut Ja mettre tout
a
fait hors de cause, en a,che–
vant de détruirc ses moyens de passage. En
conséquence il prescrivit a Reynier, Dom–
browski, Sébastiani, de terminer au plus vite
l'opération dont ils étaient chargés contre les
ponts de Roslau , d'Acken, de Barby,
a
Ney
d'enlever ceux de Dessau,
a
tous enfi n de ne
ríen négliger pour óter a Bcmadotte, qu'on sup–
posait au dela de l'Elbe, la faculté de le r epasser.
Ainsi, daos ces ordres si profondément cal–
culés, il était pourvu
a
tout, auta nt qu'il est
permis
a
la prévoyance humaine de Je faire. Le
lendemain 15 octobre Murat allait ayoir pres de
90 mille hommes
a
Leipzig, Je 14, 134 rnille
avec Ja personne de Napoléon, ce qui rendait
impossible toute jonction des masses ennemies.
En fin les 1
o
et 16,
Ül
grande armée, successive–
ment portée
a
200 mille hommes, de;¡:it etre
placéc avec toutes ses forces entre les armécs
coalisées.
11
ne restait plus qu'a se battrc vail–
lamment et heureuscment : vaillamment, N11po–
léon l'espérait avec raison de ses soldats, heureu–
scment,
il
J'espérait encore de son gén ie et de
Ja fortune
!
11
résolu t d'attendre a Düben meme l'exécu–
tion des ordres qu'il avait donnés . Effectivement
il importait pcu qu'il
fót
a
Leipzig tant que ses
troupes n'y seraient pas réuQies, et a Düben au
contrairc,
iI
veillait au défilé de ses corps
d'armée, et aux mesures prcscrites pour se dé–
barrasscr de Bernadotte, qui paraissait toujours
revenu sur
la
rive droite de l'Elbe. Pendant
cette journéc du 12, Dombrowski et Reynier,
précédés par la cavalerie de Sébastiani, ayant
traversé I'Elbe
a
Wi ltenbcrg, chasserent devant
eux les Prussiens, et enleverent meme quelques
prisonniers
a
la division Thumcn, laquelle avait
tonjeurs fait partie du .corps de Bernadotte.
C'était une nouvelle raison de croire au retour
de l'armée du Nord sur la rive droitc de l'Elbe.
Dombrowski et · Reynier se rabattirent ensuite
a
gauche pour détruire le pont de Roslau, et
s'y heurterent aux troupes du général Hirsehfeld
appartenant également a l'armée du Nord. lis ne
desccndirent point au dela, des forces considé–
rables semblant y etre réunies. Daos le meme
temps Ney, opéraut sur la Mulde, emporta les
ponts de Dessau, situés tout pres du confluent
de la Mulde dans l'Elbe. Un peu avant d'etre
a
Dessau et
a
droite, c'cst-a-d irc a 'Vorlitz, se
trouvail un détachement cnnemi. Ney dirigea
sur Worlitz
Ja
cavalerie du général Fournier
avec quelques troupes d'infanteríc du
oª
corps,
et avec Je reste de ce corps se précipita sur
Dessau meme. L'ennemi fut br.usquement refoulé
sur Je pont de Dessau, ou cavalerie et infanterie
se réfugierent dans une affreuse confusiou.
011
y ramassa un millier de prisonniers et plusieurs
pieces de canon . Sur ces entrcfaites le détache–
ment prussien qui occupait Worlitz, abordé aussi
vivementi fut rejeté sur Dessau ou nous étions
déjii, pris entre deux feux, et enlevé ou sabré
par Ja
cavale~ie
du
génér~l
Fournier. Ces affaires
couterent a I'eonemi pres de trois mille Q.ommes
et bon nombre de bouches a
f
eu . Les ·troupes
qu'on avait rencontrées Ja étaient celles du corps
de Tauenzien, lequel, saos appartenir
a
Berna–
dotte , avait habituellement serví avec Iui. Il
parut se replier sur l'Elbe. Le maréchal Ney ne
s'engagea pas davantage, ayant pour instruction
de se lenir pret a rebrousser chemin.
Ces diverses rencontres confirmaicnt tout
a
fait
la supposition que l'armée du Nord était
restée sur la droite de l'Elbe, car la division
Thumen, le corps du général Hirschfeld , celui
de Tau enzien, n'avaient cessé de marcher avec
elle. Ce qui était Je plus vrnisemblable, c'est
qu'ellc se Lenai t sur l'Elbe pour couvrir Berlín,
tandis que l'armée de Silésie, s'étant reportée de
Ja l\1uldc
a
la Saale pour accomplir son mouve–
ment sous la protcction de deux rivieres, re–
montait vers Halle et Leipzig afio de se joindre
a l'arméc de Bohcme. Il y avait eertainement
bien des contradictions
a
cxpliqucr daos une
pareille hypothesc, car on ne comprenait pas
pourquoi les armées de Silésie et du Nord avaient,
au prix des plus grands périls , opéré leur jone–
tion et Je passagc de l'Elbe pour se séparer en–
suite, et pourquoi Blucher n'était pas allé tóut
simplement se réunir au prince de Schwarzen–
berg
a
travers la Boheme, au Jieu de parcourir
l'immense circuit de'Bautzcn a Dessau, de Dcssau
a Lcipzig. Mais ce n'était pas Ja premiere fois
qu'on avait vu les généraux coalisés exécuter des
manreuvres étranges, et toutes ·les reconnais–
sanccs constatant la séparation des deux armées
du Nord et de Silésie,
iI
fallait bien se rendre
deva nt des témoignages unanimes. U parut done
établi qu'on aurait affaire a Schwarzenberg ren–
forcé de Blucher seul, si toutefois ce dernier
parvenait a rejoindre le généralissime
a
travers
les masses de l'armée frarn;aise.
Le 15 ces apparences furent de nouveau con–
firmées 'par les reconnaissances opérées dans